Une nouvelle étude met en lumière le fait que les individus qui regardent beaucoup de films d’horreur et du genre post-apocalyptique, ainsi que les personnes qui ont une curiosité morbide, semblent être plus résistants psychologiquement et moins affectés négativement vis-à-vis de la pandémie actuelle de COVID-19, qui fait rage dans le monde entier. « Les consommateurs de films d’horreur avaient tendance à montrer moins de détresse psychologique », a expliqué Coltan Scrivner, de l’Université de Chicago.
La recherche a été motivée par une question de Penny Sarchet, rédactrice en chef du magazine New Scientist. Dans une conversation Twitter avec le chercheur spécialisé dans le domaine de l’horreur, Mathias Clasen, de l’Université d’Aarhus, au Danemark, Sarchet s’est demandé : « Les gens qui aiment les films apocalyptiques/d’horreur (que j’ai toujours détesté !) seraient-ils plus résistants au traumatisme de cette pandémie ? ».
Mathias, I've been wondering if people who like apocalyptic/horror movies (which I've always hated!) will be more resilient to the trauma of this pandemic. Will you be looking into this?
— Penny Sarchet (@PennySarchet) April 4, 2020
Clasen, Scrivner ainsi que leurs collègues ont décidé de se pencher sérieusement sur la question. Ils ont alors demandé à 310 volontaires américains quels genres de films ils aimaient, y compris les films d’horreur, les films post-apocalyptiques et ceux qui incluent des extraterrestres. Ils ont également demandé aux participants s’ils avaient vu des films sur le thème de la pandémie, tels que le film Contagion (un thriller d’anticipation dans lequel la rapide progression d’un virus mortel tue les personnes infectées en quelques jours seulement). Les volontaires ont ensuite passé des tests de personnalité et un questionnaire destiné à mesurer leur curiosité morbide : soit leur motivation à rechercher des informations sur des situations ou des phénomènes dangereux.
Faire face à COVID-19
Parallèlement à cela, les chercheurs ont demandé aux volontaires comment ils faisaient face à la pandémie actuelle de COVID-19, s’ils arrivaient toujours à vivre des expériences positives malgré la crise, et s’ils devaient faire face à des états négatifs inhabituellement graves, comme des crises d’anxiété. Les chercheurs ont également demandé aux participants dans quelle mesure ils étaient bien préparés pour faire face à une situation de crise : par exemple, si les conséquences de la pandémie les avaient pris par surprise, ou non.
Les chercheurs ont pu constater que les fans de films d’horreur étaient moins sujets à des états mentaux négatifs, « ce qui nous a suggéré, qu’avec l’horreur venait peut-être également la régulation des émotions », a expliqué Scrivner. Regarder des films effrayants « permet de vivre l’expérience d’avoir peur, et ensuite de vaincre cette peur ». Cela pourrait par ailleurs être l’une des raisons sous-jacentes de la fascination des gens pour les histoires effrayantes.
Quant aux films qui présentent une sorte d’effondrement des institutions de la société actuelle, ceux-ci avaient également un autre avantage : « Nous constatons la même diminution de la détresse psychologique, mais nous avons également constaté une augmentation de la préparation », explique Scrivner. De plus, l’équipe de chercheurs a trouvé un modèle similaire pour les films sur le thème de la pandémie : « Les gens qui n’en ont vu aucun étaient bien moins préparés à faire face à une pandémie réelle, que ceux qui ont dit en avoir vu beaucoup ».
Enfin, les personnes ayant un niveau élevé de curiosité morbide ont montré un profil quelque peu différent. « Ces personnes avaient une résilience positive, et apprécient les choses, malgré la pandémie », a expliqué Scrivner. « Les personnes qui ont obtenu un score élevé de curiosité morbide n’étaient pas différentes dans la détresse psychologique, elles n’étaient pas plus ou moins bien préparées, mais elles ont fait preuve d’une résilience bien plus positive », a ajouté Scrivner.
Vous aimerez également : Comment les films d’horreur exploitent-ils notre cerveau ?
Cela pourrait être dû au fait que les personnes morbides et curieuses font beaucoup de recherches. « On peut supposer qu’une pandémie représente une opportunité vraiment intéressante de recueillir de nombreuses informations vraiment intéressantes », explique Scrivner.
Dans un premier temps, Margee Kerr, de l’Université de Pittsburgh, aimerait que ce travail soit révisé par des pairs pour s’assurer que les résultats sont sûrs. Et, en supposant qu’ils le soient, elle explique cependant qu’il n’est pas clair pourquoi les adeptes d’horreur montrent cette résilience. « S’agit-il d’avoir appris à mieux réguler les émotions en visionnant des films d’horreur ? Ou est-ce que ces personnes sont de quelque manière que ce soit ‘meilleures’ en matière de régulation émotionnelle dans un premier temps ? », s’interroge-t-elle.
Scrivner ne sait pas dans quelle mesure ces résultats seront utiles dans la pratique : « Est-ce que je pense que vous pourriez regarder un tas de films d’horreur et que vous seriez ensuite bien mieux préparés pour la deuxième vague de coronavirus ? Non. Il y a tellement d’autres facteurs à prendre en compte », explique-t-il. Cependant, Scrivner a ajouté que la thérapie cognitivo-comportementale comprend également des techniques de régulation des émotions. « Peut-être est-il possible de nous entraîner dans ce domaine-là », a-t-il suggéré.