Costa Rica : des anticorps de cheval à la base d’une thérapie contre la COVID-19

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Dès l’apparition des premiers cas de COVID-19 au Costa Rica, le biochimiste Román Macaya a fédéré toute une communauté de chercheurs pour mettre au point une thérapie. La contribution de l’Institut Clodomiro Picado de l’Université du Costa Rica, spécialisé dans la synthèse d’antivenins, a été fondamentale : ses chercheurs ont mis au point une thérapie à base d’anticorps de cheval. Les tests réalisés en culture cellulaire sont un succès, et ils s’apprêtent aujourd’hui à procéder à des essais sur l’Homme.

À savoir que chaque année, les antivenins contenant des anticorps de cheval purifiés produits à l’Institut Clodomiro Picado sauvent plus de 500 personnes au Costa Rica et des milliers d’autres dans d’autres pays du monde. La formule mise au point pour lutter contre le SARS-CoV-2 semble elle aussi très efficace.

Toxine de serpent et COVID-19 : même combat

L’Institut Clodomiro Picado compte plus d’une centaine de chevaux ayant développé une forte immunité contre les venins de serpent, après y avoir été progressivement sensibilisés, par injection de petites quantités de toxines. Ces anticorps équins sont utilisés depuis des décennies pour la synthèse d’antivenins pour soigner les morsures de serpents, scorpions et araignées. Ils constituent également la base de traitements contre la rage, le botulisme et la diphtérie.

Des essais cliniques des antivenins mis au point par l’institut — menés en Colombie, au Nigéria et en Papouasie-Nouvelle-Guinée — ont montré que ces anticorps sont sans danger pour l’Homme et n’engendrent pas d’effets indésirables graves. Ainsi, la thérapie par immunoglobulines équines a rapidement été envisagée comme traitement potentiel pour toute une gamme de virus, tels que les virus de grippe aviaire H5N1 et H7N9, ainsi que le coronavirus à l’origine du MERS (le syndrome respiratoire du Moyen-Orient).

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Depuis plusieurs années, l’Institut Clodomiro Picado utilise des anticorps de chevaux pour développer des antivenins. Crédits : Institut Clodomiro Picado

Par conséquent, dès l’apparition du nouveau coronavirus, ce type de thérapie est apparue comme une évidence. « L’idée derrière la thérapie par anticorps pour les patients atteints de COVID-19 est similaire à celle qui nous a menés à traiter les patients souffrant d’empoisonnement par morsure de serpent », déclare Alberto Alape Girón, microbiologiste et chercheur principal du projet COVID-19 à l’Institut Clodomiro Picado. Le principe est donc le même : les spécialistes cherchent à produire chez les chevaux des anticorps spécifiques au SARS-CoV-2, pour les purifier, puis les inoculer aux patients contaminés. Ce qui devrait aider leur propre système immunitaire à éliminer les particules virales.

Pour mettre au point son traitement, l’institut a bénéficié d’un don de six chevaux. Les chercheurs leur ont inoculé des protéines modifiées du SARS-CoV-2 : trois d’entre eux n’ont reçu que la protéine de pointe du coronavirus ; les trois autres animaux ont reçu une combinaison de quatre protéines caractéristiques du virus, dont la protéine de pointe. Quatre séries d’inoculations ont été réalisées, toutes les deux semaines. À l’issue de la période, les équidés avaient produit un taux d’anticorps suffisant.

L’équipe a donc prélevé le sang des animaux pour n’en conserver que le plasma, qui contient des centaines de protéines, parmi lesquelles les anticorps tant convoités. Les chercheurs ont utilisé une technologie développée par l’Institut Clodomiro Picado pour séparer les anticorps des autres protéines ; ils les ont ensuite purifiés pour obtenir la formulation thérapeutique destinée aux tests sur l’Homme.

L’usine pharmaceutique a produit de cette façon un millier de flacons, contenant chacun 10 millilitres d’anticorps de cheval purifiés. Un liquide précieux, doté d’un puissant pouvoir immunitaire selon Alape Girón : « Un seul flacon de 10 mL contient environ 80 fois la quantité d’anticorps que vous pouvez trouver dans 800 mL du plasma d’une personne guérie d’une infection par le SARS-CoV-2 ».

Un procédé plus simple et moins coûteux

Pour tester l’efficacité des anticorps équins sur le SARS-CoV-2, l’équipe a envoyé quelques flacons au National Center for Biodefense and Infectious Diseases (NCBID) de l’Université George Mason. Là-bas, les anticorps produits par les chevaux, à différentes dilutions, ont été exposés au virus en culture cellulaire. Celui-ci a bel et bien été neutralisé et les résultats de cette expérimentation seront publiés prochainement.

Encouragée par ce premier succès, l’équipe prévoit aujourd’hui d’effectuer un essai clinique accéléré sur des patients atteints de la COVID-19. Un groupe de 26 patients a été sélectionné pour les tests ; ils ont été hospitalisés, mais n’ont pas nécessité de soins intensifs. Les résultats sont attendus pour fin septembre. S’ils sont concluants, les tests seront effectués à plus grande échelle.

En outre, si l’efficacité des anticorps de cheval se confirme, l’Institut Clodomiro Picado prévoit d’immuniser un plus grand nombre de chevaux afin de pouvoir produire suffisamment d’anticorps pour répondre à la demande du Costa Rica, voire des pays voisins. Pour soutenir le projet, la Banque d’Amérique centrale vient d’accorder à l’Institut une subvention de 500’000 $.

Notez bien que contrairement aux anticorps monoclonaux qui ciblent une région moléculaire bien spécifique du virus (que l’on désigne par « épitope »), les anticorps polyclonaux équins développés par les chercheurs costaricains sont capables de reconnaître plusieurs épitopes. Ce manque de spécificité est dû au processus de fabrication, qui « n’est pas la technologie la plus avancée » selon les termes de Román Macaya. Mais la méthode présente l’avantage d’être rapide et de réduire les coûts : Alape Girón estime que la fabrication d’un flacon d’anticorps équins coûtera 100 dollars, alors qu’un traitement basé sur des anticorps monoclonaux pourrait être 10 fois plus cher !

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L’Institut brésilien Butantan, également spécialisé dans la fabrication de tels anticorps, prépare lui aussi des chevaux immunisés avec des fragments inactifs de SARS-CoV-2. Le protocole brésilien est un peu différent de ce qu’a entrepris l’équipe d’Alape Girón, mais Fan Hui Wen, chercheuse et cheffe de projet à l’Institut Butantan est confiante ; elle prédit une efficacité et une sécurité équivalente à la formule costaricaine. À savoir que l’Argentine travaille elle aussi au développement d’une thérapie basée sur des anticorps équins.

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Selon les derniers chiffres de l’Organisation mondiale de la santé, le Costa Rica compte plus de 29’000 cas confirmés et plus de 300 morts (pour 5 millions d’habitants). Crédits : OMS

L’Amérique du Sud-est gravement touchée par la pandémie de COVID-19 : plus de 3,2 millions de cas pour le Brésil, 445’000 pour la Colombie, 282’000 cas pour l’Argentine, etc. Le Costa Rica compte quant à lui près de 29’000 cas confirmés depuis l’apparition de la maladie. Macaya, à la tête de la Caisse de sécurité sociale du Costa Rica, précise que plus d’une centaine de patients sont actuellement en unité de soins intensifs et comme dans plusieurs pays, les capacités d’accueil sont limitées… Les Sud-Américains mettent donc beaucoup d’espoir dans ces anticorps équins.

Source : Scientific American

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