Traitements « miracles », fausses recommandations, vidéos décontextualisées, théories du complot… Depuis le début de l’épidémie de Covid-19 à Wuhan, en Chine, l’espace informationnel, particulièrement sur le net, s’est rapidement rempli de désinformations et « fake news ». Réseaux sociaux et messageries instantanées servent en effet de caisse de résonance à une multitude de fausses informations, qui compliquent le travail des autorités sanitaires en brouillant le message du monde médical et scientifique. Dans cette grande confusion, difficile de faire entendre raison.
Faux messages, recommandations inefficaces
L’ambiance anxiogène autour de la pandémie est un terreau fertile pour la prolifération en ligne de fausses recommandations. Des conseils souvent inutiles, mais pas toujours inoffensifs. Il y a quelques jours, l’AFP est revenue sur l’un des messages les plus viraux de ces dernières semaines, largement diffusé sur WhatsApp, qui prétendait notamment qu’il suffisait de boire des boissons chaudes (café, tisanes…) pour lutter contre le virus. Une information mensongère puisque si le virus disparaît effectivement sous la chaleur, c’est sous minimum… 56 degrés Celsius. Impossible à supporter pour le corps humain. Un message qui recommande aussi de pratiquer régulièrement des gargarismes, eux aussi censés lutter contre l’incubation du COVID-19.
Des conseils qui ne sont pas seulement trompeurs et fallacieux, ils peuvent être aussi dangereux en invitant à une forme d’automédication inutile, qui retarde une prise en charge par le corps médical.
Autre sujet d’inquiétude, la diffusion du virus par les emballages alimentaires. Les études scientifiques sur les modes de propagation du virus se comptent déjà par plusieurs dizaines dans le monde, et certaines soulignent effectivement la possibilité d’une contamination par le contact avec les objets. Selon un article publié dans la prestigieuse revue The New England Journal of Medicine, le virus pourrait même survivre jusqu’à 72 heures sur du plastique ou de l’acier. Mais plusieurs organismes, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques rappellent que, dans la mesure du respect des fameux « gestes barrières » (et en premier duquel, se laver régulièrement les mains), ce risque de contamination par les objets est faible, et l’importation, le commerce et la livraison de biens ne sont pas des leviers de propagation du virus. D’ailleurs, la plupart des pays qui ont « bien géré » cette pandémie de Coronavirus, comme Taïwan, la Corée du Sud ou le Japon n’ont pas intégré de dispositifs particuliers pour la contamination par les objets.
Les rumeurs et les craintes autour du risque de contamination par les emballages alimentaires sont non seulement à relativiser, mais risquent de brouiller le message des autorités sanitaires, qui rappellent que le respect des gestes barrières ou du confinement sont infiniment plus efficaces pour endiguer la propagation du COVID-19.
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Des fausses recommandations aux conséquences parfois dramatiques
Car, à l’ère de l’« infobésité », les populations croulent sous les informations et les données. Phénomène démultiplié dans ce contexte de pandémie, particulièrement anxiogène. Pour les autorités de santé, le défi est moins de délivrer des recommandations que d’arriver à faire entendre au public qu’un tri et une hiérarchisation des informations est indispensable, sous peine de perdre du temps dans le combat contre le virus voire d’adopter des comportements dangereux.
Ainsi en Iran, une rumeur attribuant à l’alcool frelaté des vertus préventives et curatives contre le Covid-19, a causé la mort de 120 personnes. En tout, 1000 personnes ont été empoisonnées dans tout le pays et demeurent, dans des hôpitaux déjà surchargés, dans un état grave. En France, des messages circulent et invitent les Français à prendre des précautions en lavant les aliments à l’eau de javel diluée. Rappelons que l’eau de javel, même diluée, est, quand elle est ingérée, hautement toxique.
Dans un même ordre d’idée, les débats récents autour de l’usage de la chloroquine agitent la toile, divisent la classe politique et la communauté scientifique. Un brouhaha médiatique qui conduit à certaines mauvaises interprétations et une automédication dangereuse, comme cet Américain de 61 ans, intoxiqué au « phosphate de chloroquine », un produit à l’appellation proche de celle du médicament que l’Américain souhaitait s’administrer, mais qui, dans le cas présent, était en réalité un antiparasitaire pour poissons.
Dans la confusion informationnelle, les mots d’ordre des différentes autorités médicales et scientifiques sont pourtant simples : les « gestes barrières » demeurent la meilleure arme pour lutter contre le Covid-19. L’OMS affirme ainsi qu’une généralisation du lavage des mains pourrait réduire de 25% le nombre de décès liés aux infections respiratoires aigües. Autre méthode simple, la distanciation sociale : ne pas être trop proche de ses interlocuteurs, réduire au minimum ses interactions sociales, pourrait, selon une étude de la revue Nature , diviser par trois le nombre de personnes contaminées par chaque porteur du virus.
L’épidémie du COVID-19 n’est pas seulement une crise sanitaire : c’est aussi un défi informationnel. Pour les démocraties libérales, c’est un nouveau champ de bataille dans la lutte contre les « fake news » et la désinformation. Et comme pour les sujets politiques, il s’agit moins de faire entendre les mots d’ordre gouvernementaux que d’apprendre aux populations civiles à « traiter » le flot d’informations qui les submerge.