COVID-19 : L’Europe en alerte face à une variante du virus, dont la dangerosité reste à déterminer

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| Paul Ellis/AFP/Getty Images/Pixabay
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Il y a deux semaines, les autorités sanitaires britanniques ont constaté une augmentation exponentielle du nombre de cas de COVID-19 dans le Kent, au sud-est de l’Angleterre. Près de la moitié de ces cas étaient dus à une variante du SARS-CoV-2 particulièrement éloignée des formes connues à ce jour, du point de vue génétique. Cette forme mutante ne provoquerait pas de symptômes plus graves, mais se propagerait plus facilement entre les individus.

Alors que la campagne de vaccination contre la COVID-19 vient à peine de commencer, cette mutation, baptisée B.1.1.7, a rapidement semé le chaos outre-Manche, puis dans plusieurs pays d’Europe. Trois régions britanniques — Londres, le sud-est et l’est du Royaume-Uni — sont à nouveau confinées depuis hier et les réunions familiales de Noël sont désormais interdites ; de nombreux Londoniens se sont rués en gare pour pouvoir quitter la ville avant l’entrée en vigueur des nouvelles mesures.

De même, plusieurs pays d’Europe, dont la France, ont immédiatement coupé leurs liaisons avec le Royaume-Uni. Eurostar à l’arrêt, vols annulés, tous les transports en provenance et vers le pays ont été suspendus. Et pour cause, selon Boris Johnson lui-même, cette variante du virus serait 70% plus contagieuse que la souche précédente. De quoi semer la panique dans toute l’Europe à quelques jours des fêtes de fin d’année…

Une forme virale à dix-sept mutations simultanées

L’évolution du SARS-CoV-2 est scrupuleusement surveillée par les scientifiques depuis des mois. Jusqu’à présent, ce coronavirus se transforme au rythme d’environ une à deux mutations par mois. Cela signifie que de nombreux génomes séquencés aujourd’hui diffèrent d’environ 20 points des premiers génomes séquencés en Chine au mois de janvier. Plusieurs autres variantes, moins différentes, circulent également. Mais la forme virale qui vient d’être détectée au Royaume-Uni s’éloigne énormément des variantes connues ; elle intègre plus d’une douzaine de mutations simultanées, ce qui intrigue les experts.

Lors d’une conférence de presse donnée le 19 décembre, le conseiller scientifique en chef Patrick Vallance a déclaré que la souche B.1.1.7, apparue pour la première fois dans un virus isolé le 20 septembre, représentait environ 26% des cas à la mi-novembre. « À la semaine du 9 décembre, ces chiffres étaient bien plus élevés. Ainsi, à Londres, plus de 60% de tous les cas étaient dus à la nouvelle variante », a-t-il déclaré.

À présent, les spécialistes tentent de déterminer si oui ou non cette nouvelle souche virale B.1.1.7 est véritablement plus transmissible que la précédente ; en effet, à ce jour, tous ne sont pas encore en accord sur ce point. Ils s’interrogent également sur cette évolution particulièrement rapide : la souche B.1.1.7 affiche 17 mutations en même temps, du jamais vu auparavant !

Les experts pensent que cette nouvelle forme a pu apparaître lors d’une longue infection d’un seul patient, qui a permis au SARS-CoV-2 de traverser une longue période d’évolution rapide, incluant de multiples variantes. Selon Andrew Rambaut, biologiste évolutionniste moléculaire à l’Université d’Édimbourg, parmi les 17 mutations identifiées, huit concernent le gène codant pour la protéine de pointe, dont deux sont particulièrement inquiétantes : la mutation N501Y tout d’abord, qui a déjà montré qu’elle augmentait le degré de liaison de la protéine de pointe au récepteur ACE2 des cellules humaines. Ensuite, la mutation 69-70del, déjà repérée dans des virus ayant échappé à la réponse immunitaire chez des patients immunodéprimés.

Ravindra Gupta, un virologue de l’Université de Cambridge, a d’ores et déjà entrepris plusieurs recherches autour de ces mutations virales. Il a notamment découvert qu’une forme virale présentant les mutations 69-70del et D796H peut potentiellement échapper aux anticorps ciblant le virus dans sa forme initiale. En outre, il a découvert que la délétion seule rendait ce virus deux fois plus infectieux.

Une réaction prématurée ?

Certains spécialistes pensent que l’affolement suscité par la détection de cette nouvelle souche virale n’a peut-être pas lieu d’être. Selon Christian Drosten, virologue à l’hôpital universitaire de la Charité à Berlin, il y a encore trop d’inconnues pour affirmer que B.1.1.7 est beaucoup plus transmissible que la souche virale précédente. Pour commencer, la propagation rapide de cette nouvelle variante pourrait simplement être due au hasard.

Le cas s’est en effet déjà présenté avec une autre variante du virus, nommée B.1.177, détectée initialement en Espagne et qui s’est répandue très vite dans toute l’Europe. De la même façon, les scientifiques pensaient que cette variante avait une vitesse de propagation beaucoup plus rapide ; en réalité, ils estiment aujourd’hui que cela n’était pas le cas et que le virus a simplement été transporté dans toute l’Europe par de nombreux voyageurs ayant passé leurs vacances en Espagne. Ainsi, un phénomène similaire a pu se produire avec la variante B.1.1.7. Par ailleurs, cette nouvelle forme virale porte également une délétion dans un autre gène, ORF8, qui, selon des études antérieures, pourrait réduire la capacité du virus à se propager.

L’inquiétude des experts est toutefois alimentée par une autre variante virale étudiée actuellement en Afrique du Sud, où le nombre de cas grimpe en flèche dans trois provinces (au Cap oriental, au Cap occidental et au KwaZulu-Natal). En examinant le génome du virus qui sévit dans ces régions, les scientifiques ont identifié une lignée virale distincte de la variante britannique. Or, celle-ci est également porteuse de la mutation N501Y au niveau du gène codant pour la protéine de pointe. Et sur place, les craintes des scientifiques britanniques se confirment : « Nous avons constaté que cette lignée semble se propager beaucoup plus rapidement », explique Tulio De Oliveira, virologue à l’Université du KwaZulu-Natal.

En outre, certains cas sud-africains — qui restent anecdotiques à ce jour — suggèrent que la variante B.1.1.7 pourrait causer une maladie plus grave, notamment chez de jeunes individus en bonne santé. Pas de raison de paniquer pour le moment : « C’est inquiétant, mais nous avons vraiment besoin de plus de données pour être sûrs », souligne John Nkengasong, directeur des Centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies. De plus, Tulio De Oliveira rappelle qu’il faut toujours rester prudents avant d’interpréter les premières données. Ainsi, concernant la mutation N501Y, plus de jeunes peuvent tomber malades simplement parce qu’ils sont plus nombreux à être infectés : certaines célébrations récentes, marquant la fin d’une période d’examens en Afrique du Sud, étaient particulièrement propices à la transmission du virus parmi les jeunes…

Une chose est sûre, le déploiement des vaccins va exercer une pression sélective supplémentaire sur le virus, ce qui signifie que plusieurs autres variantes vont sans doute émerger dans les mois à venir, partout dans le monde. « Serons-nous capables de les détecter et d’en faire le suivi ? Cela, pour moi, est l’une des tâches critiques », avertit Kristian Andersen, chercheur en maladies infectieuses chez Scripps Research.

Source : Science

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