Au fur et à mesure que les cas de COVID-19 se sont multipliés, nous avons été forcés de constater que la sévérité de la maladie n’est pas uniquement corrélée à l’âge ou aux comorbidités (surpoids, diabète, etc.). Des individus très jeunes et en bonne santé y ont laissé la vie, tandis que d’autres, même bien plus âgés, tombent à peine malades après avoir contracté le SARS-CoV-2. Il s’agit sans doute de l’un des aspects les plus déroutants de la pandémie. Pourquoi certaines personnes sont-elles plus vulnérables que d’autres ? Quels sont les facteurs génétiques entrant en jeu ? Des chercheurs tentent de trouver des éléments de réponse.
C’est maintenant évident, des facteurs encore inconnus rendent certaines personnes vulnérables aux pires effets de la COVID-19, même si certaines d’entre elles sont jeunes, ne sont pas en surpoids et ne souffrent pas d’autres problèmes de santé évidents. Les chercheurs pensent que des différences génétiques discrètes font que certaines personnes sont terrassées par la maladie alors que beaucoup d’autres sont épargnées.
Ces différences génétiques sont maintenant étudiées par des chercheurs du monde entier. Selon eux, ces dernières offrent une voie prometteuse pour développer de nouveaux traitements qui pourraient mettre un terme à bon nombre des pires conséquences de la maladie.
Approvisionnement en interféron
Parmi les principales recherches, citons les études qui indiquent que l’interféron — un messager moléculaire qui stimule les défenses immunitaires contre les virus envahisseurs — pourrait jouer un rôle vital dans la défense de l’organisme. Des scientifiques ont notamment découvert que de rares mutations chez certaines personnes peuvent les rendre incapables de s’approvisionner suffisamment en interféron, dont elles ont besoin pour déclencher des réponses immunitaires efficaces contre la COVID-19. Des essais cliniques utilisant l’interféron comme traitement sont en cours dans plusieurs centres hospitaliers. D’ailleurs, il s’agit de l’un des traitements expérimentaux dont Donald Trump a bénéficié lors de sa convalescence.
« Ces découvertes génétiques nous donnent des indications très claires », déclare Martin Hibberd, professeur en maladies infectieuses émergentes à la London School of Hygiene and Tropical Medicine. « Il s’agit d’expériences biologiques naturelles qui suggèrent que les personnes qui produisent plus d’interféron lorsqu’elles sont infectées réagissent mieux à la maladie. Et cela nous révèle que les patients pourraient bien bénéficier d’un traitement à l’interféron ».
Variation du gène TYK2
D’autres recherches se concentrent également sur un gène connu sous le nom de TYK2. Certaines variantes de ce gène seraient impliquées dans le déclenchement de certaines maladies auto-immunes telles que la polyarthrite rhumatoïde (PR), et semblent également être impliquées dans les formes graves de COVID-19. Un médicament développé pour traiter la PR, le baricitinib (ou encore le tocilizumab), a un dénominateur génétique commun avec la COVID, et cela a conduit à son utilisation dans le cadre d’essais cliniques, déjà au début de la pandémie. Le mois dernier, la société pharmaceutique Eli Lilly a annoncé que les premiers résultats ont montré que le médicament aidait les patients atteints de COVID-19 à se rétablir.
« Le point crucial est qu’en comprenant l’impact des variantes génétiques dans le corps, nous pouvons maintenant penser à trouver des médicaments qui pourraient bloquer leurs voies et aider les patients », a déclaré Jeffrey Barrett, du programme de surveillance génomique COVID-19 du Wellcome Sanger Institute. « La mauvaise nouvelle, c’est qu’il faut parfois des années d’expérimentation pour trouver des traitements de cette manière. La bonne nouvelle est qu’il y a maintenant tellement de scientifiques qui travaillent sur ce genre de choses que nous pouvons trouver des réponses bien plus rapidement ».
Gène OAS
D’autres recherches, notamment initiées par Kenneth Baillie de l’université d’Édimbourg et récemment publiées dans la revue Science, ont permis de découvrir plusieurs autres gènes qui semblent influer sur la gravité de la maladie. Il s’agit notamment des gènes OAS, qui sont déclenchés par l’interféron et qui codent pour des protéines qui participent à la dégradation de l’ARN viral, dont est issu le nouveau coronavirus.
Les recherches de Baillie n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation par des pairs et de ce fait, il conseille la prudence dans l’interprétation de ses travaux. Néanmoins, il a déclaré à Science qu’il espérait que ses résultats accéléreraient le développement de traitements, « car l’épidémie progresse à un rythme si alarmant que même quelques mois de gagné sauveront beaucoup de vies ».
En outre, d’autres chercheurs soulignent qu’il existe d’autres façons d’utiliser la génétique pour combattre la COVID-19. Le Dr Dipender Gill et ses collègues, de l’Imperial College de Londres, ont utilisé des données génétiques pour prédire comment différentes interventions pourraient affecter les réactions à la maladie. « Nous avons examiné cinq caractéristiques qui ont été liées à un risque accru de contracter une forme grave de COVID-19 : l’obésité, l’hypertension artérielle, le mauvais cholestérol, le tabagisme et le diabète. Nous avons ensuite cherché à savoir si ces traits pouvaient être modifiés afin de réduire ce risque d’infection grave », déclare Gill.
Pour ce faire, Gill, en collaboration avec une équipe de scientifiques britanniques, norvégiens et américains, a analysé les données de milliers de patients en utilisant des variantes génétiques qui augmentent le risque de contracter ces maladies. Ils ont ensuite pu mener des études qui montreraient si les mesures prises pour modifier ces traits réduiraient la susceptibilité à la COVID-19 sévère. L’équipe a fait deux découvertes clés : « Nous avons découvert qu’il existe un lien de cause à effet entre l’obésité et le risque d’avoir une réaction grave au coronavirus SARS-CoV-2. Nous avons également constaté le même effet pour le tabagisme. Cela indique que le fait de perdre du poids et d’arrêter de fumer aura un impact direct sur l’amélioration de vos chances de survie à la COVID-19. C’est le pouvoir des études génétiques comme celles-ci ».
Un espoir de rendre la maladie légère dans la plupart des cas
Bien que la majorité de ces études n’en soient qu’à leurs balbutiements, certaines donnent l’espoir d’un jour pouvoir fortement réduire la gravité de la maladie chez de nombreux individus à risque. La lutte contre cette pandémie ne se gagnera sans doute pas uniquement avec les vaccins et la distance sociale, mais plutôt avec une combinaison de mesures sanitaires, de campagnes de vaccination, de nouveaux traitements efficaces, et probablement d’une part d’immunité saisonnière.
Selon ce que nous savons actuellement de ce virus, les espoirs se tournent plutôt vers le développement d’un traitement efficace permettant de réduire la gravité de la maladie et peut-être un jour la réduire au stade d’infection respiratoire saisonnière « nécessitant un traitement ». Pourra-t-on un jour l’éradiquer de la surface de la Terre avec un ou plusieurs vaccins ? Malheureusement, il est encore trop tôt pour le dire.