Bon nombre de personnes, malgré l’infection, n’ont pas été admises à l’hôpital. Leur cas n’était en effet pas jugé suffisamment sévère. Si c’est une bonne nouvelle pour la plupart, d’autres n’ont pas éprouvé le même soulagement : leurs symptômes étaient – et sont encore – particulièrement pénibles au quotidien…
Les milliers de personnes concernées sont désormais désignées par les « long-courriers ». Ce qui les distingue des autres malades ? Ils luttent depuis des mois contre les symptômes typiques du COVID-19, qui englobent la toux, des douleurs thoraciques et articulaires et bien d’autres troubles. Un calvaire « longue durée »…
Les « oubliés » de la pandémie
Selon l’Organisation mondiale de la santé, près de 80% des infections sont bénignes, voire asymptomatiques. Généralement, ces cas « standards » nécessitent deux semaines en moyenne pour récupérer totalement du COVID-19.
Les « long-courriers », moins chanceux, sont affaiblis depuis des mois, alors que pour la plupart, ils étaient en parfaite santé avant de contracter la maladie. Ce qui est d’autant plus difficile à accepter… Une journaliste de Glasgow, âgée de 32 ans, déclare ainsi que ce virus a « ruiné [sa] vie ». Prendre une douche, aller faire les courses, la moindre activité consomme toute son énergie. « Même lire un livre est difficile et épuisant » confie-t-elle.
Toux, articulations douloureuses, ses premiers symptômes sont apparus le 16 mars. Après une brève amélioration de son état, l’infection s’est amplifiée, avec fièvre, difficultés respiratoires et perte du goût et de l’odorat en prime. 80 jours après, elle en subi encore les conséquences. Malgré ses symptômes, elle n’a jamais pu passer de test, même si les médecins qui l’ont reçue ont affirmé qu’il s’agissait sans aucun doute du COVID-19.
Cette catégorie de patients, dont l’infection est jugée trop « bénigne » pour nécessiter des soins intensifs, mais dont la vie est néanmoins bouleversée par des symptômes épuisants, concernerait énormément d’individus à travers le monde. Et finalement, ce sont un peu les laissés-pour-compte de la pandémie ; la plupart n’étant ni dépistés, ni hospitalisés, ils ne sont pas comptabilisés dans les statistiques officielles. De ce fait, plusieurs groupes de soutien (notamment sur Slack et Facebook), constitués de ces « long-courriers », commencent à émerger un peu partout ; ils compteraient aujourd’hui des milliers de membres.
À travers leurs témoignages, ces malades expliquent qu’ils se sentent souvent incompris face à l’incrédulité de leur entourage, de leur employeur, voire du personnel médical, face à des symptômes qui perdurent si longtemps. Paul Garner, spécialiste des maladies infectieuses à la Livrerpool School of Tropical Medicine, fait partie de ces « long-courriers ». Selon lui, cela « ne ressemble à rien d’autre sur Terre » ; aujourd’hui à plus de 77 jours de COVID-19, ses symptômes persistent alors qu’il a été testé négatif au 63e jour. Il avoue ne pas comprendre ce qu’il se passe dans son corps.
L’un des groupes de soutien, fondé par l’une des malades à sa sortie de l’hôpital, a réalisé sa propre enquête sur les personnes dont les symptômes ont duré plus de 30 jours. Parmi les 640 individus interrogés, près de trois sur cinq sont relativement jeunes (entre 30 et 49 ans). Environ 56% n’ont pas été hospitalisés, 38% se sont rendus aux urgences mais n’y ont pas été admis. Près d’un quart ont été testés positifs au COVID-19, mais la plupart n’ont pas été testés (soit par manque de tests disponibles à ce moment-là, soit parce que leurs symptômes n’étaient pas suffisamment typiques).
L’enquête révèle par ailleurs que l’ampleur de la pandémie pourrait avoir été largement sous-estimée : non seulement par la non généralisation de tests, mais aussi de par le nombre de faux négatifs ! En effet, les tests de dépistage ne sont pas toujours très fiables : un article paru mi-mai dans la revue Annals of Internal Medicine affirmait que la probabilité d’obtenir un faux négatif est notamment très élevée les premiers jours de l’infection.
Un éventail de symptômes qui ne faiblissent pas
On sait aujourd’hui que le COVID-19 affecte de nombreux organes différents, d’où un large éventail de symptômes. Mais au tout début de la pandémie, la maladie était essentiellement considérée comme respiratoire ; de ce fait, les premiers patients affichant des symptômes « atypiques » (douleurs abdominales, troubles cardiaques et cérébraux) n’ont pas forcément été diagnostiqués comme il se devait…
À ce jour, les symptômes officiellement référencés par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies sont : fièvre ou frissons, toux, essoufflement ou difficulté respiratoire, fatigue, douleurs musculaires ou corporelles, maux de tête, perte de goût ou d’odorat, gorge irritée, congestion nasale ou nez qui coule, nausées ou vomissements, diarrhée. L’OMS, de son côté, ajoute à cette liste une conjonctivite, une éruption cutanée ou une décoloration des doigts de la main ou du pied. En résumé, une longue liste qui peut déboucher sur de très nombreux profils de malades.
En dehors de ces signes clairement identifiés, l’apparition d’autres symptômes neurologiques – notamment chez les « long-courriers » – laissent la communauté médicale relativement perplexe, encore aujourd’hui. Pertes de mémoire, hallucinations et troubles neurologiques, certains évoquent aussi des « brouillards cérébraux » et des problèmes de concentration. D’autres expliquent avoir ressenti des « sensations vibratoires » au contact de certaines surfaces.
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Chez les « long-courriers », ces symptômes vont et viennent, disparaissent soudainement pour laisser place à d’autres, etc. Akiko Iwasaki, immunologue à Yale, évoque trois explications possibles à ce phénomène. La première est que chez ces patients, certains organes peuvent servir de réservoirs au virus, qui n’est alors pas détecté par les tests standards ; la deuxième suppose que des fragments de gènes viraux demeurent dans l’organisme, déclenchant une réaction immunitaire excessive. Enfin, le virus pourrait avoir complètement disparu de l’organisme, tandis que le système immunitaire resterait en quelque sorte figé dans un état de « suractivité ».
En attendant d’en savoir plus sur leur état particulier, les « long-courriers » s’interrogent et s’inquiètent : sont-ils dangereux pour leur entourage ? Et surtout, combien de temps encore vont-ils subir ces symptômes qui les empêchent de vivre normalement ?