Depuis que les scientifiques étudient l’immunité post-COVID, de nombreuses questions ont été soulevées, dont certaines peinent à trouver une réponse claire. C’est le cas notamment de la durée de l’immunité naturelle induite par l’infection au SARS-CoV-2. Pour le moment, les chiffres penchent pour un taux de protection d’environ 80% pour les moins de 65 ans, en tout cas pendant les 6 premiers mois (environ) après l’infection. Récemment, des chercheurs montrent, étonnamment, que les anticorps produits pourraient persister plusieurs décennies chez certains individus, contre plusieurs jours seulement chez d’autres. Cependant, impossible pour le moment d’en connaître le taux de protection associé.
Ces nouveaux résultats, qui montrent à quel point chaque infection est différente dans le cas de la COVID-19, sèment la confusion. Les chercheurs, de la Duke-NUS Medical School, du National Center for Infectious Diseases (NCID) et de l’Agency for Science, Technology and Research, ont découvert que les anticorps anti-SARS-CoV-2 s’affaiblissent à des rythmes différents, ne durant que quelques jours chez certains individus, alors qu’ils pourraient persister chez d’autres pendant des décennies (simulation).
L’étude montre que la gravité de l’infection pourrait être un facteur décisif dans la présence d’anticorps plus durables. Les personnes présentant de faibles niveaux d’anticorps neutralisants peuvent néanmoins être protégées contre la COVID-19 si elles possèdent une immunité à base de cellules T robuste.
L’équipe a suivi 164 patients atteints de COVID-19 à Singapour pendant six à neuf mois, en analysant leur sang pour y rechercher des anticorps neutralisants contre le SARS-CoV-2, des cellules T et des molécules de signalisation du système immunitaire. Ils ont ensuite utilisé ces données pour établir un algorithme d’apprentissage automatique permettant de prédire la trajectoire des anticorps neutralisants des personnes au fil du temps. Les résultats ont été publiés dans la revue The Lancet Microbe.
L’importance de l’immunité T dans la durée de la protection
« Le message clé de cette étude est que la longévité des anticorps neutralisants fonctionnels contre le SARS-CoV-2 peut varier considérablement et qu’il est important de surveiller cela au niveau individuel. Ce travail peut avoir des implications sur la longévité de l’immunité après la vaccination, ce qui fera partie de nos études de suivi », a déclaré le professeur Wang Linfa, du programme des maladies infectieuses émergentes (EID) de la Duke-NUS, et auteur principal de l’étude.
L’équipe a pu classer les personnes en cinq groupes en fonction de la durée de vie de leurs anticorps. Le premier groupe, qui n’a jamais développé d’anticorps neutralisants détectables, également appelé groupe « négatif », représentait 11,6% des patients de l’étude. Le groupe « à disparition rapide » (26,8 %) présentait des niveaux initiaux d’anticorps variables qui diminuaient rapidement. Le groupe « à décroissance lente » (29 %) présentait un taux d’anticorps majoritairement positif à six mois. Le groupe « persistant » (31,7 %) a montré peu de changement dans ses niveaux d’anticorps jusqu’à 180 jours et, enfin, le groupe « réponse retardée » (1,8 %) a montré une augmentation marquée des anticorps neutralisants pendant la fin de la convalescence.
Bien que cette étude se soit concentrée sur la détermination des niveaux d’anticorps neutralisants, qui font partie du système complet de défense immunitaire de l’organisme, l’autre aspect important d’une défense immunitaire efficace sont les lymphocytes T. Les résultats ont révélé que les patients testés, y compris ceux du « groupe négatif », présentaient une immunité durable des cellules T six mois après l’infection initiale. Cela montre que les individus peuvent encore être protégés s’ils ont une immunité T robuste lorsque le taux d’anticorps neutralisants est faible.
« Notre étude examine les anticorps neutralisants qui sont importants dans la protection contre la COVID-19. Nous avons constaté que les anticorps contre le SARS-CoV-2 s’affaiblissent à des rythmes différents selon les personnes. Cela souligne l’importance de la santé publique et des mesures sociales dans la réponse à la pandémie en cours. Cependant, la présence de l’immunité des cellules T permet d’espérer une protection à plus long terme, ce qui nécessitera davantage d’études et de temps pour que les preuves épidémiologiques et cliniques soient confirmées », a déclaré le professeur associé David Lye, directeur du Bureau de recherche et de formation sur les maladies infectieuses, également auteur correspondant de l’étude.
« Cette étude nous rappelle que nous réagissons tous différemment à l’infection et que les réponses immunitaires protectrices varient selon les personnes. Comprendre la base de ces différences aidera à concevoir de meilleurs vaccins », a ajouté le professeur Laurent Renia, directeur général de l’A*STAR Infectious Diseases Labs.
Selon les chercheurs, ces résultats sont importants pour les décideurs qui conçoivent les programmes de vaccination et les stratégies de sortie de pandémie. Le taux d’affaiblissement des anticorps suggère qu’une réinfection peut se produire lors des vagues d’infection suivantes. En outre, si l’immunité fournie par la vaccination s’estompe comme les anticorps produits naturellement, l’administration annuelle de vaccins pourrait être nécessaire pour prévenir les futures épidémies de COVID-19. D’autres recherches seront nécessaires pour clarifier ce point au fur et à mesure que les programmes de vaccination seront déployés.