COVID : un antiviral courant pourrait stimuler l’apparition de nouveaux variants

covid antiviral variants
| Unsplash
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Largement utilisé pour traiter la COVID-19, le molnupiravir agit en induisant des mutations altérant la capacité du SARS-CoV-2 à se répliquer. Si l’objectif des fabricants est de réduire la charge virale, des chercheurs révèlent que certains virus hautement mutés peuvent survivre au traitement et se transmettre à d’autres patients. Le médicament serait ainsi susceptible de stimuler l’apparition de nouveaux variants, en améliorant la diversité génétique du virus.

Le molnupiravir (commercialisé sous les marques MK-4482 ou Lagevrio) est l’un des antiviraux par voie orale les plus répandus sur le marché. Initialement développé pour traiter diverses formes de grippe et l’hépatite C, cet antiviral à large spectre est largement prescrit contre la COVID dans de nombreux pays. Dans notre organisme, il est converti en un nucléotide arborant un groupement triphosphate et s’incorpore au niveau de l’ARN du SARS-CoV-2. Cette liaison entraîne des erreurs de réplication du génome viral et engendre des lignées majoritairement non viables.

Cependant, la capacité mutagène du molnupiravir est sujette à préoccupation, car elle pourrait potentiellement être impliquée dans l’évolution et l’apparition de nouveaux variants du SARS-CoV-2, ce qui a conduit plusieurs pays à ne pas le recommander, sans compter le développement d’antiviraux plus efficaces. Des signes d’activités mutagènes au niveau des cellules hôtes ont notamment été relevés. En réponse à ces inquiétudes, il a précédemment été rapporté suite à une étude qu’aucune forme mutante infectieuse n’a été isolée à partir du 5e jour de traitement et que les mutations relevées étaient aléatoires.

Mais de récentes analyses ont suggéré que le médicament améliore la diversité génétique du virus et stimule même sa capacité à évoluer. D’après Theo Sanderson de l’Institut Francis Crick de Londres, « ces virus peuvent encore être vivants suite à un nombre important de mutations et ils peuvent encore être transmissibles dans certains cas ». Dans une nouvelle étude décrite dans la revue Nature, Sanderson et ses collègues rapportent des preuves appuyant cette hypothèse.

Une signature de mutation spécifique au médicament

Alors que l’apparition de nouveaux variants du SARS-CoV-2 s’accélère à nouveau, on estime que ces derniers émergent surtout par le biais d’infections chroniques. Ce modèle expliquerait le manque d’intermédiaires génétiques, la présence de séquences plus anciennes ainsi que le taux d’évolution correspondant à d’autres infections chroniques. Cependant, des séquençages génomiques du virus ont révélé des signatures mutagènes induites par le molnupiravir, ainsi que des possibilités de transmission.

Les chercheurs de la nouvelle étude ont établi un profilage des mutations induites par médicament afin d’examiner dans quelle mesure ces signatures apparaissent. Pour ce faire, ils ont ratissé une banque génomique internationale répertoriant plus de 15 millions de génomes du SARS-CoV-2.

Les données ont été collectées chez des patients traités ou non avec le médicament, puis comparées au spectre de mutation standard du virus. Comme prévu, le traitement au molnupiravir a engendré 8 fois plus de mutations virales que les autres thérapies. Ces mutations concernaient la transition de G à A (guanosine à adénine) et de C à T (cytosine à thymine). Étant donné que les mutations C-à-T sont relativement courantes dans le schéma évolutif du virus, l’on peut penser que les mutations G-à-A sont spécifiquement induites par l’antiviral.

Confirmant cette hypothèse, les experts ont découvert que ces signatures ont commencé à apparaître suite à l’introduction du molnupiravir en tant que traitement pour la COVID-19. Elles étaient également plus courantes dans les pays utilisant le plus le médicament, tels que le Royaume-Uni, l’Australie, les États-Unis et le Japon. En outre, elles étaient plus fréquentes dans les virus prélevés sur des patients âgés, qui sont les plus susceptibles d’être traités avec l’antiviral. Par ailleurs, les chercheurs ont sélectionné au hasard des échantillons viraux prélevés au Royaume-Uni et présentant les fameuses signatures. En demandant aux autorités sanitaires lesquels des patients avaient été traités au molnupiravir, ils ont été surpris de constater que « le nombre était beaucoup plus élevé que ce à quoi on pourrait s’attendre. Ce qui suggère encore une fois que cela est dû au molnupiravir », estime Sanderson.

Ces résultats semblent concorder avec ceux d’une récente étude de l’Université d’Oxford. Les données révèlent notamment que le médicament ne réduisait par le risque d’hospitalisation et de mortalité chez les patients vaccinés et à haut risque, à la suite d’une infection au variant omicron. Le seul avantage serait la réduction du temps de récupération. Cela s’explique probablement par le fait que la charge virale est réduite au cours de la première semaine de traitement, mais augmente à nouveau après deux semaines. Ainsi, les virus persistants et qui parviennent à se répliquer sont ceux ayant muté et ayant survécu grâce au médicament.

Toutefois, les véritables implications de ces mutations ne sont pas claires. En effet, elles sont censées affaiblir le virus plutôt que le renforcer, d’autant plus qu’aucune variante en propagation ne porte les signatures du molnupiravir, ce qui signifie que l’utilisation du médicament n’est pas complètement à écarter. Il pourrait par exemple accélérer le rétablissement d’employés clés lors des périodes de forte pression. Il pourrait également être combiné avec d’autres traitements.

Source : Nature

Laisser un commentaire
Cliquez pour accéder à d'autres articles sur ce sujet.