La croyance tenace selon laquelle les enfants seraient moins exposés au Covid long se révèle fallacieuse, selon une enquête récente. Ce mythe, potentiellement dangereux, pourrait menacer des millions d’enfants à travers le globe. En réalité, ils apparaissent plus vulnérables, avec une prévalence du Covid long de 10 à 20 %, ce qui pourrait partiellement éclairer les difficultés comportementales et d’apprentissage post-pandémiques.
Le Covid long se caractérise par des symptômes invalidants qui persistent bien après l’infection initiale par le SARS-CoV-2, s’étendant sur des semaines, des mois, voire des années. On estime à 65 millions le nombre de personnes affectées mondialement par cette condition.
Les recherches se sont jusqu’alors principalement concentrées sur les adultes, ce qui a engendré une perception erronée de la résistance des enfants et minimisé la nécessité de leur vaccination. « L’idée fausse selon laquelle les enfants n’ont rien à craindre a été propagée avec l’aide de certains scientifiques », explique Blake Murdoch, expert en politiques de santé et bioéthique à l’Université d’Alberta, dans un article d’opinion publié par Scientific American. Cette perception peut inciter les cliniciens à négliger les symptômes des enfants ou à poser des diagnostics erronés.
En 2023, une étude avait affirmé que le taux de Covid long chez les enfants n’était que de 0,4 %, un résultat qui avait reçu une large couverture médiatique. Cependant, cette étude a été réfutée par d’autres chercheurs en début d’année, qui ont publié une lettre pointant des erreurs évidentes que le processus de relecture par les pairs aurait dû détecter.
Les auteurs de cette étude avaient prétendu s’appuyer sur les critères de l’OMS, mais avaient omis de considérer la possibilité de réinfection ou de récurrence des symptômes, telle que mentionnée par l’organisme. Ils ont donc supposé qu’un enfant sans symptômes récurrents quatre semaines après l’infection ne souffrait pas de Covid long. Les auteurs ont ultérieurement rétracté leur étude, admettant simplement une sous-estimation des cas d’enfants touchés.
Une enquête détaillée dans la revue JAMA confirme un taux de Covid long plus élevé que précédemment supposé chez les enfants. Rachel Gross, de l’École de médecine de NYU Grossman, auteure principal de l’étude, déclare dans un communiqué : « Notre étude est l’une des premières à caractériser les symptômes du Covid long chez les enfants de divers âges et à développer un outil pour identifier les plus susceptibles d’en souffrir. C’est très important, car l’idée que le Covid long pédiatrique est rare persiste, et cette recherche peut sensibiliser à son impact sur les enfants ».
Les symptômes potentiellement en cause dans les difficultés d’apprentissage récentes
L’enquête, qui inclut 5 367 enfants et adolescents âgés de 6 à 17 ans, révèle que le Covid long pourrait toucher jusqu’à 5,8 millions d’enfants aux États-Unis. Les symptômes varient selon l’âge : chez les 6-11 ans, les troubles de la mémoire et de l’attention sont fréquents, suivis des douleurs corporelles et des maux de tête. Des comportements inhabituels, tels que des peurs irrationnelles et le refus d’aller à l’école, ont également été observés. Chez les 12-17 ans, les symptômes prépondérants incluent la perte de goût et d’odorat, la fatigue et les déficits cognitifs.
L’étude souligne que ces symptômes affectent presque tous les systèmes organiques, causant des lésions cardiovasculaires, neurologiques et immunologiques, et augmentant le risque de diabète pédiatrique. Murdoch suspecte qu’ils pourraient être liés aux difficultés d’apprentissage relevées ces dernières années. Des rapports mentionnent une hausse des problèmes d’attention et de régulation émotionnelle chez les enfants, tandis que les résultats scolaires des adolescents sont parmi les plus bas depuis des décennies.
Des études sur les adultes ont montré que la COVID-19 peut entraîner des séquelles cérébrales persistantes, comme la neuroinflammation et l’atrophie, corrélées à des déficits cognitifs mesurés par des tests de QI. « Si l’on considère que 10 à 20 % des enfants infectés peuvent présenter des symptômes à long terme, que la majorité des symptômes affecte la cognition et que les enfants sont périodiquement réinfectés, il existe une justification scientifique pour expliquer en partie les problèmes comportementaux et d’apprentissage fréquemment signalés chez les enfants », estime l’expert.
Il est cependant préoccupant de constater que même les organismes de santé publique semblent minimiser l’impact du Covid long sur les enfants. La Société canadienne de pédiatrie, par exemple, ne reconnaît pas cette forme de maladie chez les enfants, attribuant les difficultés d’apprentissage récentes aux confinements et à l’arrêt temporaire des cours. Une étude financée par la Fondation Bezos a également suggéré que l’amincissement cortical observé chez certains enfants après la pandémie est lié aux confinements, bien que ces résultats aient été contestés par des neurologues.
Pour protéger les enfants du Covid long et éviter les réinfections, Murdoch recommande une vaccination saisonnière, l’isolement des enfants malades et la normalisation du port du masque. Il propose aussi de nouvelles normes de qualité de l’air dans les écoles, dont les coûts seraient inférieurs aux dépenses de santé pédiatrique si les enfants restaient constamment exposés aux risques.