Covid long : découverte d’une voie métabolique clé liée au « brouillard cérébral »

covid long voie metabolique
| Unsplash
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Les déficits cognitifs résultant du « brouillard cérébral » figurent parmi les caractéristiques majeures du Covid long. Cependant, la distinction entre les symptômes cognitifs subjectifs et objectifs représente un défi majeur et entrave la recherche de traitements adaptés. Des chercheurs ont peut-être identifié une cible thérapeutique prometteuse : une voie métabolique proinflammatoire, dont la suractivation est étroitement liée aux symptômes de brouillard cérébral.

Les mécanismes sous-jacents aux séquelles post-aiguës (PASC) caractérisant le Covid long constituent une véritable énigme, surtout pour les cas d’infection aiguë légère à modérée. En effet, plus de 200 symptômes différents à moyen et long terme ont été recensés selon les derniers profilages de la maladie. « Le COVID long est une maladie multi-organique, de sorte que les gens sont affectés différemment selon leurs fonctions corporelles. Cela n’est pas surprenant puisque le système immunitaire est impliqué dans toutes les fonctions du corps », explique l’auteure principale de la nouvelle étude, Lucette Cysique, affiliée au centre de recherche médicale appliquée de St. Vincent, en Nouvelle-Galles du Sud (Australie).

Mise à part la fatigue physique, les données indiquent l’implication de troubles cognitifs prolongés dans le spectre du brouillard cérébral. En général, les patients signalent un manque de concentration ou de clarté mentale et une fatigue mentale inhabituelle par rapport aux capacités antérieures, en particulier en effectuant une tâche cognitivement complexe. Les médecins estiment que ces troubles sont liés à des déficits de mémoire à court terme, de la capacité multitâche et de la concentration.

Cependant, la différenciation entre les symptômes cognitifs subjectifs et objectifs est remarquablement complexe, d’autant plus que les PASC présentent une importante hétérogénéité phénotypique. « Je pense que lorsque des patients se rendent chez le médecin avec un brouillard cérébral, cela peut être considéré comme un problème psychologique. Notre étude montre le contraire, à savoir qu’il existe un véritable mécanisme biologique derrière le brouillard cérébral du COVID long », indique Cysique.

L’objectif d’étude de Cysique et ses collègues est de déterminer la prévalence de déficits cognitifs post-aigus objectifs du Covid long, et d’en décrypter la pathogenèse. Ces analyses leur ont permis de découvrir la voie de la kynurénine, une voie métabolique proinflammatoire étroitement associée aux symptômes de brouillard cérébral et constituant une cible thérapeutique potentiellement prometteuse. Les résultats de l’étude sont disponibles sur la plateforme Wiley Online Library.

Une activation anormalement prolongée

L’enquête des chercheurs australiens comprenait 128 participants présentant une infection aiguë légère à modérée au SARS-CoV-2 et non-vaccinés. Ils ont été recrutés en mars 2020 et en juillet 2021, au cours de la période des variantes alpha et delta et avant d’avoir reçu leur vaccin. La cohorte a été soumise à des tests de santé physique et mentale et des capacités cognitives après 2, 4 et 12 mois suivant leur infection initiale.

Une gamme de biomarqueurs sanguins a également été analysée, incluant des cytokines, des interleukines et des métabolites de la voie kynurénine. À savoir que cette voie dégrade le tryptophane (un précurseur hormonal régulant le cycle circadien) par le biais d’une médiation des cellules myéloïdes stimulée par un interféron (une cytokine). Ce processus est impliqué dans la tolérance immunitaire, la neurotoxicité et les lésions vasculaires. Corroborant cette corrélation, des recherches antérieures ont révélé que l’activation de la voie métabolique kynurénine était associée aux troubles cognitifs induits par les neurovirus. Les experts de la nouvelle étude ont alors émis l’hypothèse qu’elle pourrait également jouer un rôle clé dans les symptômes de brouillard cérébral du Covid long.

Après analyses, les chercheurs australiens ont effectivement constaté que deux mois après l’infection initiale, 60% des patients présentant un léger brouillard cérébral montraient une activation anormale de la voie kynurénine. Cette activité était significativement supérieure à celle des échantillons témoins du même âge. De surcroît, « à mesure que la réponse immunitaire se produit, elle active la voie de la kynurénine sur une période de quatre mois en moyenne — c’est beaucoup plus long qu’elle ne devrait l’être », affirme Cysique. Les symptômes étaient moins prompts à s’améliorer avec le temps, les participants présentant une suractivation de la voie étant plus susceptibles de présenter des déficits cognitifs 12 mois après l’infection.

Ces résultats suggèrent que la voie kynurénine étant proinflammatoire, l’organisme entier, y compris le cerveau, est très probablement submergé par des métabolites inflammatoires sur des périodes anormalement prolongées. Fait intéressant, aucun autre biomarqueur ou facteur clinique n’était directement associé au déficit cognitif du Covid long. Et « bien que cette dernière recherche soit une étude de cohorte avec des facteurs qui restent non mesurés, la convergence des preuves de l’importance de la voie de la kynurénine dans les cas de COVID long et du brouillard cérébral associé n’est pas le fruit du hasard », conclut l’experte. Prochainement, l’équipe de Cysique compte confirmer ces résultats en étendant l’enquête jusqu’à 24 mois après l’infection initiale et en incluant des patients vaccinés.

Source : Wiley Online Library

Laisser un commentaire