Une équipe de chercheurs italiens a découvert que les différents variants du SARS-CoV-2 peuvent potentiellement mener chacun à une forme différente de « Covid long ». Les résultats de leur étude montrent en particulier que les personnes qui ont été infectées par le variant Alpha (ou B.1.1.7, surnommé « variant britannique ») ont présenté des symptômes neurologiques et émotionnels de longue durée, différents de ceux provoqués par la forme initiale du virus.
Fatigue intense, troubles neurologiques, cognitifs et sensoriels, difficultés respiratoires, palpitations, troubles du sommeil, anxiété, voilà tout autant de symptômes rapportés par certaines personnes plusieurs mois après avoir contracté la COVID-19. Cette maladie longue durée affecte aussi bien les patients qui ont dû être hospitalisés que ceux qui ont présenté une forme bénigne de la maladie ; elle peut même concerner les adolescents (plus rarement les enfants, selon la Haute autorité de santé). L’Organisation mondiale de la santé estime que 10% à 20% des personnes ayant contracté la COVID-19 éprouvent encore des symptômes à moyen et long terme.
Une revue systématique parue dans JAMA, reposant sur 57 études impliquant plus de 250 000 individus, est beaucoup plus pessimiste : elle conclut que plus de la moitié des survivants de la COVID-19 ont présenté « des séquelles post-aiguës persistantes » six mois après leur rétablissement — la plupart des séquelles comprenaient des troubles de santé mentale, pulmonaires et neurologiques. Le Covid long reste encore mal compris et on ne sait toujours pas pourquoi certaines personnes y sont plus sujettes que d’autres ; mais une nouvelle étude suggère aujourd’hui que la forme virale qui a provoqué la maladie joue un rôle majeur.
Un Covid long qui affecte davantage les femmes
Le Dr Michele Spinicci et ses collègues de l’Université de Florence et de l’hôpital universitaire Careggi en Italie se sont penchés sur les différentes formes de Covid long observées dans la population. Ils ont ainsi mené une étude observationnelle rétrospective de 428 patients (dont 59% d’hommes et 41% de femmes), qui ont été traités au service ambulatoire post-COVID de l’hôpital universitaire Careggi entre juin 2020 et juin 2021. À cette époque, la forme originale du SARS-CoV-2 et son variant Alpha circulaient dans la population.
Tous ont été hospitalisés pour COVID-19 et sont sortis 4 à 12 semaines avant de se présenter à une consultation clinique de suivi ; il leur a été demandé de remplir un questionnaire sur les symptômes persistants. Les chercheurs ont parallèlement récupéré leurs antécédents médicaux, ainsi que l’évolution microbiologique et clinique de la COVID-19.
Résultat : plus de trois quarts des patients (76% exactement) ont rapporté au moins un symptôme persistant. Les symptômes les plus fréquemment rapportés étaient l’essoufflement (rapporté par 37% des participants à l’étude) et la fatigue chronique (36%), suivis par les problèmes de sommeil (16%), les problèmes visuels (13%) et le « brouillard cérébral » (13%).
L’équipe a ensuite tenté de dégager certaines similitudes parmi les patients, notamment pour déterminer quel type de patient était plus susceptible de développer un Covid long. Leurs analyses suggèrent que les personnes atteintes d’une forme sévère de la maladie — ce qui signifie qu’elles ont reçu un traitement à base d’immunosuppresseurs, tels que le tocilizumab — étaient six fois plus susceptibles de présenter des symptômes persistants. De même, les patients ayant bénéficié d’une oxygénothérapie à haut débit présentaient un risque 40% plus élevé de développer des troubles chroniques liés à l’infection.
Une différence est également apparue entre les sexes : les femmes semblent presque deux fois plus susceptibles de rapporter des symptômes de Covid long que les hommes. Fait intriguant : les chercheurs ont remarqué que les patients atteints de diabète de type 2 semblent avoir un risque plus faible de développer de symptômes durables. Ce dernier point mérite néanmoins d’être exploré via d’autres études avant de tirer des conclusions.
Des symptômes neurologiques plus fréquents avec le variant Alpha
Les chercheurs ont ensuite procédé à une évaluation plus détaillée, en comparant les symptômes déclarés suite à l’infection de différentes formes virales. Ils ont ainsi considéré un groupe de patients infectés entre mars et décembre 2020 (lorsque la forme initiale du SARS-COV-2 était encore dominante) et un autre groupe d’individus infectés entre janvier et avril 2021 (lorsque le variant Alpha avait pris le dessus).
C’est ainsi qu’ils ont découvert une nette différence dans le schéma des troubles neurologiques, cognitifs et émotionnels rapportés par les patients plusieurs semaines après leur infection. « De nombreux symptômes rapportés dans cette étude ont été mesurés, mais c’est la première fois qu’ils sont liés à différents variants de COVID-19 », souligne le Dr Spinicci. Au moment où le variant Alpha était la souche dominante, une dyspnée (difficultés respiratoires), une myalgie (douleurs musculaires), un brouillard cérébral et de l’anxiété ou une dépression étaient davantage rapportés par les patients. En revanche, l’anosmie (perte de l’odorat), la dysgueusie (difficulté à avaler) et les troubles auditifs se faisaient moins fréquents.
L’équipe qui a mené cette étude note toutefois que ces observations ne suffisent pas à établir une relation de cause à effet — d’autant plus qu’ils n’ont pas pu confirmer quelle forme virale avait infecté les patients de l’étude. De futures recherches permettront peut-être de déterminer plus précisément l’impact potentiel à long terme de chacun des variants préoccupants en circulation. En attendant, le Covid long est aujourd’hui une maladie reconnue par les autorités de santé, ce qui facilite la prise en charge des différents symptômes. Le Gouvernement a par ailleurs récemment établi une nouvelle feuille de route visant à mieux connaître et à mieux traiter le Covid long.