Les 500 premiers millions d’années de l’histoire géologique de la Terre restent en grande partie mystérieux, car il n’existe que très peu de traces de la première croûte continentale s’étant formée alors. Pourtant, les secrets que pourrait renfermer cette proto-croûte nous aideraient sûrement à comprendre l’apparition de la vie sur Terre, lorsqu’elle se stabilisait et que les bombardements de météorites diminuaient progressivement. Les plus anciens indices géologiques se rapprochant chronologiquement de ces événements majeurs (il y a plus de quatre milliards d’années) ont été en partie retrouvés sur les côtes australiennes occidentales. Des chercheurs de l’Université de Curtin ont alors creusé cette piste, et ont récemment découvert qu’une vieille croûte de quatre milliards d’années était enfouie sous le sud-ouest de l’île continent. Aussi grande que l’Irlande (près de 70 000 kilomètres carrés), la croûte a été découverte grâce à un laser très précis focalisé sur de minuscules grains de zircon, extraits du sable des plages.
Lors de son premier éon géologique, la surface de la Terre était entièrement recouverte d’une croûte océanique. La première croûte continentale a ensuite commencé à apparaître à partir de 4,2 milliards d’années environ, et les plus vieux et derniers vestiges (datant de 3,8 milliards d’années) de cette croûte se trouvent au Groenland, au nord-est de l’Amérique du Nord, ainsi qu’en Australie.
Cette proto-croûte a ensuite lentement évolué et émergé jusqu’à la fin de l’Archéen (entre 3,8 et 2,5 milliards d’années) pour recouvrir plus de surface, puis s’arrêter de croître vers 245 millions d’années. Près de 80% de la croûte continentale terrestre se serait ainsi formée pendant l’Archéen.
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Le long processus de formation de la croûte continentale débute au niveau des zones de convergence. Il s’agit des endroits précis où deux plaques tectoniques se joignent, selon des mouvements de subduction. Engendrée par les courants du magma du manteau, la pression entre ces plaques fait remonter les terres hors des océans, pour former les continents. Une partie de la croûte continentale primitive se serait également formée grâce aux mouvements d’élévation du magma mantellique.
Ces mouvements de subduction sont par exemple à l’origine des chaînes de montagnes telles que l’Himalaya (née de la collision de l’Inde et de l’Asie du Sud-est) ou encore la cordillère des Andes. La croûte continentale s’use et s’érode également, et alimente les fonds océaniques en sédiments, qui peuvent glisser sous les zones de subduction.
Malgré ces indices, les scientifiques ne comprennent pas encore exactement comment cette croûte primitive s’est formée, et a donné peu à peu naissance à la vie. « L’étude de la Terre primitive est un défi, compte tenu de l’énormité du temps qui s’est écoulé, mais elle a une importance profonde pour comprendre la signification de la vie sur Terre et notre quête pour la trouver sur d’autres planètes », indique Milo Barham, directeur principal de l’étude, parue dans la revue Terra Nova, et chercheur du groupe Timescales of Mineral Systems du département des sciences de la Terre et des planètes à Curtin.
Les dernières traces géologiques de cette époque de la Terre seraient renfermées dans une poignée de zircons microscopiques, retrouvés dans des roches de quelques rares endroits, comme l’Australie occidentale. D’après les auteurs de la nouvelle étude, aucune recherche à grande échelle de ce genre n’a encore été réalisée dans cette zone, et les résultats des analyses au laser ont révélé des indices inédits sur la proto-croûte terrestre.
Des trésors enfouis
Pour parvenir à leur découverte, les chercheurs de la nouvelle étude ont utilisé un laser au faisceau plus fin qu’un cheveu, dans le but de bombarder des grains de zircon issus du sable des plages australiennes occidentales. Grâce à cette technique, ils ont pu découvrir d’où proviennent originellement les grains de zircon et retracer l’histoire géologique de la région.
Ils ont alors découvert qu’un immense morceau de croûte veille de quatre milliards d’années était enfoui sous le sud-ouest de l’Australie. Aussi grand que l’Irlande, il aurait survécu à plusieurs événements majeurs de formation de chaînes de montagnes entre l’Australie, l’Inde et l’Antarctique et semble toujours exister à des dizaines de kilomètres sous la zone sud-ouest de l’île.
De plus, d’après la rétro-comparaison des résultats, les experts australiens ont conclu que de nombreuses régions dans le monde auraient un moment similaire de formation et de préservation de la croûte primitive, ce qui suggère un changement significatif dans la compréhension de l’évolution de géologique de la Terre.
Par ailleurs, les chercheurs estiment que les bords de la proto-croûte sembleraient être une frontière crustale importante, contrôlant la situation géographique de minéraux précieux ou utiles. « Reconnaître ces anciens vestiges de la croûte est important pour l’avenir de l’exploration durable optimisée des ressources », explique Barham.