Damarchus inazuma : une araignée extrêmement rare mi-mâle mi-femelle découverte en Thaïlande

Un nom inspiré d’Inazuma, un personnage du manga One Piece connu pour sa capacité à changer de sexe.

araignee male femelle
Le spécimen de Damarchus inazuma gynandromorphe découvert en Thaïlande. | Kunsete et al.
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Une nouvelle espèce d’araignée récemment découverte dans une forêt de Kanchanaburi, dans l’ouest de la Thaïlande, est capable de gynandromorphisme, une caractéristique extrêmement rare par laquelle un individu présente des traits des deux sexes, répartis de part et d’autre de son corps. Cette étrange particularité serait due à une anomalie chromosomique probablement induite par divers facteurs naturels, tels qu’une infection parasitaire.

Appartenant à la famille des Bemmeridae, le genre Damarchus inclut des araignées mygalomorphes réparties exclusivement en Inde, en Indonésie, en Malaisie, au Myanmar, à Singapour et en Thaïlande. Ce genre représente l’un des premiers taxons décrits dans la région, mais le nombre d’espèces qu’il englobe — neuf connues à ce jour — est probablement sous-estimé. En effet, les Bemmeridae asiatiques, et en particulier celles du genre Damarchus, sont relativement peu étudiées.

Appartenant au genre Damarchus, les spécimens de la nouvelle espèce d’araignée identifiée en Thaïlande ont été déterrés à la main de leurs terriers par hasard par trois hommes. Lorsqu’il a été constaté qu’elles ne ressemblaient à aucune autre espèce connue, elles ont été confiées pour des analyses plus approfondies à des biologistes du Musée d’histoire naturelle de l’Université Chulalongkorn.

Baptisée Damarchus inazuma sp. nov., l’espèce est non seulement documentée pour la première fois, mais est également gynandromorphe, une caractéristique jusqu’ici non observée pour le genre. « Ce qui m’a le plus surpris, c’est qu’il s’agissait non seulement de la première mention d’un gynandromorphe de la famille des Bemmeridae, mais aussi d’une nouvelle espèce originaire de Thaïlande », explique Chawakorn Kunsete, l’auteure principale de l’étude décrivant l’espèce.

« Les cas de gynandromorphisme chez les mygalomorphes (araignées fouisseuses) sont extrêmement rares, seuls deux cas officiels ayant été signalés exclusivement au sein de la famille des Theraphosidae », ajoute-t-elle.

Une différence de taille marquée entre mâles et femelles

La nouvelle espèce a été identifiée comme appartenant au genre Damarchus en raison de leurs terriers en forme « d’os de souhait » (un V avec une petite prolongation au bout). Pour l’examiner de manière plus approfondie, Kunsete et ses collègues ont effectué des analyses stéréomicroscopiques et morphologiques en la comparant à d’autres mygalomorphes. Les résultats — décrits dans la revue Zootaxa — ont révélé des différences marquées de taille et de couleur entre mâles et femelles.

Les mâles mesurent environ 1,5 centimètre de long et sont de couleur grise avec une substance blanche (de nature encore non identifiée) les recouvrant entièrement. Les femelles, en revanche, sont de couleur brun-rougeâtre sur le dessus et au niveau des pattes, mais avec un abdomen gris anthracite. Elles mesurent environ 2,5 centimètres et sont dépourvues de la couche blanche recouvrant le corps des mâles.

Et bien qu’il n’existe pas encore d’étude formelle concernant le venin de l’espèce, ni de cas de morsure documenté, les chercheurs ont observé des comportements d’agressivité lors de leurs travaux sur le terrain. Les spécimens déployaient leurs chélicères ; occasionnellement, quelques gouttes de liquide en suintaient, suggérant qu’elles pourraient être venimeuses.

 

Une anomalie chromosomique induite par des facteurs comme une infection

Parmi les spécimens collectés, les chercheurs ont détecté un gynandromorphisme bilatéral marqué : l’un d’eux était clairement gris (et donc mâle) d’un côté et orangé de l’autre (donc femelle). L’espèce doit d’ailleurs son nom à Inazuma, un personnage du manga One Piece connu pour sa capacité à changer de sexe.

« Le style visuel d’Inazuma se caractérise par une asymétrie bilatérale, avec une coloration distincte, orange à gauche et blanche à droite », écrivent les chercheurs dans leur étude. « Cette disposition des couleurs reflète étroitement le dimorphisme sexuel observé chez cette espèce, les mâles étant gris [recouverts de blanc] et les femelles orange », indiquent-ils.

À ne pas confondre avec l’hermaphrodisme, qui caractérise les organismes possédant les deux organes reproducteurs mâles et femelles répartis selon une symétrie bilatérale parfaite. Cela se produit par exemple chez certains vers et plantes comme les rosiers. En revanche, les gynandromorphes possèdent des caractéristiques mâles et femelles réparties sur tout le corps de manière asymétrique.

D’après l’équipe, le spécimen gynandromorphe possédait des spermathèques, des organes reproducteurs femelles, suggérant une capacité de reproduction avec un mâle. Le pédipalpe, organe sexuel mâle, était cependant quasi absent lors de la collecte, ce qui ne permet pas de déterminer avec certitude sa capacité à s’accoupler avec une femelle.

« Dans son état actuel, ce spécimen serait incapable de se reproduire de manière autonome en milieu naturel, car la longueur de l’organe pédipalpe est insuffisante pour atteindre les organes génitaux femelles et transférer les spermatozoïdes nécessaires à la fécondation », indique Kunsete. « Néanmoins, l’insémination artificielle pourrait constituer une solution potentielle pour assurer la reproduction dans ce cas », suggère-t-elle.

Les facteurs exacts du gynandromorphisme font encore l’objet de débats, mais des hypothèses suggèrent que, chez les arachnides, il pourrait résulter de perturbations du chromosome sexuel au cours des premiers stades du développement, notamment au stade zygote. Il découlerait de la perte de deux ou plusieurs chromosomes X dans le zygote femelle. Ces perturbations peuvent se produire en cas d’infection parasitaire, virale ou d’agents environnementaux divers.

Source : Zootaxa
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