Le lancement s’est déroulé à l’heure prévue, 20h02 heure locale (soit cette nuit, à 2h02, heure de Paris). La fusée Falcon 9 emportant à son bord quatre touristes de l’espace a décollé sans encombre de la base du Centre Kennedy, en Floride. Le vaisseau Crew Dragon s’est ensuite séparé du lanceur et les chanceux passagers ont pu officiellement entamer leur séjour de 72 heures en orbite. Cet événement historique constitue ainsi le premier pas vers une « démocratisation de l’espace ».
C’est la première fois qu’une mission habitée n’embarque aucun astronaute professionnel — si l’on met de côté les brèves incursions de Jeff Bezos et Richard Branson dans la haute atmosphère. Le milliardaire Jared Isaacman, accompagné de trois autres « novices » de l’espace, va voyager à 575 kilomètres d’altitude, soit encore plus loin que la Station spatiale internationale. Chaque jour, ils feront près de 15 fois le tour de la Terre, qu’ils pourront admirer sous tous les angles à travers le dôme d’observation spécialement ajouté à leur capsule.
« Peu y sont allés avant et beaucoup vont suivre. La porte s’ouvre maintenant, c’est assez incroyable », a déclaré le milliardaire Jared Isaacman, commandant de cette mission baptisée Inspiration4, après avoir franchi les limites de l’atmosphère terrestre. S’il est inutile d’être un astronaute aguerri pour ce voyage hors norme, il faudra néanmoins être capable d’en couvrir les frais : la somme dépensée par Isaacman, pour lui-même et ses trois compagnons, n’a pas été dévoilée, mais se compte en dizaines de millions de dollars…
« L’orbite terrestre basse est désormais plus accessible »
Avant de décoller, les quatre passagers ont reçu la visite d’Elon Musk. Après cette entrevue, ils ont été conduits près du pas de tir à bord de voitures Tesla, sous les applaudissements d’une petite foule de curieux, comme on peut le voir sur la vidéo officielle de l’événement. Après les dernières vérifications de routine, Jared Isaacman, Sian Proctor, Christopher Sembroski et Hayley Arceneaux ont pris place à bord de la capsule. Et vers 2h du matin (heure de Paris), ils ont quitté le sol terrestre.
Liftoff of @Inspiration4X! Go Falcon 9! Go Dragon! pic.twitter.com/NhRXkD4IWg
— SpaceX (@SpaceX) September 16, 2021
« L’orbite terrestre basse est désormais plus accessible et permet à un plus grand nombre de personnes de découvrir les merveilles de l’espace. Nous nous réjouissons de l’avenir – un avenir où la NASA sera l’un des nombreux clients du marché spatial commercial », a twitté Bill Nelson, administrateur de la NASA, après le décollage. Ce vol effectué à 28 000 km/h a évidemment été conçu pour être complètement automatisé. Néanmoins, l’équipage a bénéficié d’une formation de base auprès de SpaceX pour pouvoir prendre le contrôle du véhicule en cas d’urgence.
Leur voyage n’a pas uniquement pour but de leur offrir une vue spectaculaire sur notre monde. À bord, les passagers devront se livrer à quelques expérimentations : leurs données biologiques (rythme cardiaque, sommeil et sang) et leurs capacités cognitives seront régulièrement analysées, de manière à évaluer les effets d’un séjour en orbite sur leur organisme. À savoir que la jeune Hayley Arceneaux, 29 ans, est non seulement la plus jeune Américaine à voyager dans l’espace, mais aussi la première personne équipée d’une prothèse médicale (du fémur) à s’y rendre.
La mission a également un objectif caritatif : elle vise à récolter des fonds pour le centre de traitement et de recherche pédiatrique de l’hôpital St Jude de Memphis, où Hayley travaille comme assistante médicale — et a été prise en charge dans son enfance pour un cancer pédiatrique. À cette fin, divers objets ont été embarqués à bord du vaisseau et seront vendus aux enchères à leur retour sur Terre.
Un vol « plaisir » à l’impact environnemental conséquent
Sur le compte Twitter de SpaceX, les premières images de la Terre vues de la coupole ne se sont pas fait attendre :
View from Dragon’s cupola pic.twitter.com/Z2qwKZR2lK
— SpaceX (@SpaceX) September 16, 2021
SpaceX a déjà envoyé une dizaine d’astronautes vers l’ISS pour le compte de la NASA lors de trois précédentes missions habitées ; la capsule Resilience à bord de laquelle voyagent les quatre nouveaux touristes avait d’ailleurs effectué son premier vol opérationnel habité en novembre 2020, pour mener l’astronaute Michael Hopkins et trois autres membres d’équipage à bord de la station.
Au terme de leur voyage, les quatre touristes spatiaux entameront une descente vertigineuse, pour amerrir au large de la Floride. À l’issue de ce premier voyage, SpaceX bénéficiera de précieuses données pour préparer au mieux les futurs passagers fortunés qui souhaiteront s’offrir cette incroyable aventure. Car plusieurs autres vols spatiaux touristiques sont d’ores et déjà prévus ; le prochain est planifié pour janvier 2022, et mènera trois hommes d’affaires et un astronaute expérimenté à bord de l’ISS.
SpaceX a également programmé un autre voyage en orbite pour quatre clients privés, organisé par la société Space Adventures. Le milliardaire japonais Yusaku Maezawa, prévoit quant à lui d’effectuer en 2023 un voyage autour de la Lune à bord du Starship. Virgin Galactic et Blue Origin sont eux aussi dans les starting-blocks ; en juillet 2020, Virgin Galactic annonçait avoir vendu 600 tickets pour un petit tour dans son avion spatial suborbital, le SpaceShipTwo.
Une aventure qui peut faire rêver, mais qui est lourde de conséquences. Ces voyages de loisir représentent un impact environnemental certain : le rapport d’évaluation environnementale de la Falcon 9 révèle que le vol complet, avec récupération de la capsule habitée de quatre passagers, émet 1150 tonnes de CO2, soit l’équivalent de 638 ans d’émissions d’une voiture moyenne parcourant 15 000 km par an. En d’autres termes, un seul voyage en orbite d’un touriste de l’espace émet autant de CO2 qu’un automobiliste pendant 160 ans…
Vidéo récapitulant le lancement :