D’étranges objets cosmiques exotiques sont si lumineux qu’ils émettent près de 10 millions de fois plus d’énergie que le Soleil. Catégorisée comme « source de rayons X ultralumineuse » (ULX) potentielle, l’un d’eux a été identifié comme étant une étoile à neutrons dont la luminosité défie une loi de la physique nommée « limite d’Eddington ».
La limite d’Eddington représente une valeur de luminosité qu’un objet ne peut dépasser en fonction de sa taille ou de sa masse. En effet, dans l’Univers, tout objet en contact avec des photons subit une légère poussée. Dans le cas des ULX, la pression des photons est si intense qu’elle surpasse celle de la gravité. Ainsi, la limite d’Eddington est dépassée et les atomes constituant l’objet devraient, en théorie, être éjectés. Cependant, les ULX sont réputées pour franchir régulièrement la limite d’Eddington de 100 à 500 fois sans que cela n’affecte leur structure.
Les chercheurs avaient précédemment émis une première hypothèse selon laquelle les ULX sont en réalité des trous noirs. Le gaz et la poussière attirés par la gravité de ces derniers émettraient de la lumière en augmentant leur température. Les matériaux attirés par la gravité des ULX pourraient donc être la source de leur luminosité. Néanmoins, une observation réalisée en 2014 a identifié l’une d’entre elles, M82 X-2, comme étant une étoile à neutrons.
Une seconde hypothèse suggère que cette luminosité apparente, qui semble dépasser la limite d’Eddington, pourrait résulter d’une illusion d’optique. Les vents puissants de l’étoile formeraient un cône creux autour de la source lumineuse, concentrant la majeure partie des rayonnements dans une direction. Si le cône pointe en direction de la Terre, il pourrait créer une sorte d’illusion d’optique, faisant apparaître une ULX si brillante qu’elle dépasse ainsi sa limite de luminosité, du moins de notre point de vue potentiellement biaisé.
Les résultats de la nouvelle étude, décrite dans la revue The Astrophysical Journal, penchent en faveur de l’hypothèse de l’étoile à neutrons. Les résultats présentent notamment des calculs établissant une corrélation entre la luminosité des ULX et le champ magnétique des étoiles à neutrons. « Ces observations nous permettent de voir les effets de ces champs magnétiques incroyablement puissants que nous ne pourrions jamais reproduire sur Terre avec la technologie actuelle », explique l’auteur principal de l’étude Matteo Bachetti, astrophysicien à l’Observatoire astronomique de Cagliari, en Italie.
Une étoile à neutrons déformant ses atomes
Les étoiles à neutrons se forment lorsque des étoiles dont la masse est de 8 à 20 fois celle du Soleil arrivent en fin de vie et explosent en supernovae, puis s’effondrent sur elles-mêmes. Le noyau restant devient si dense qu’il concentre généralement l’équivalent de plusieurs masses solaires confinées dans un rayon à peine plus grand qu’une petite ville. L’attraction gravitationnelle à la surface de ces étoiles est si intense qu’elle peut atteindre 100 000 milliards de fois celle de la Terre.
Toute matière attirée par cette force gravitationnelle accélère à une vitesse de plusieurs millions de kilomètres par heure et tombe sur la surface de l’étoile, libérant une immense quantité d’énergie. Pour donner une idée de cette force gravitationnelle : un objet de la taille d’une guimauve lâché en direction d’une étoile à neutrons frapperait sa surface avec une énergie équivalant à celle de mille bombes à hydrogène. L’énergie résultante produit ensuite des rayonnements à haute énergie.
En général, les étoiles à neutrons ne peuvent pas être observées par le biais de la lumière visible, mais davantage par les rayonnements X. Les observations du télescope à rayons X NuSTAR ont révélé que M82 X-2 « dévore » chaque année 9 milliards de milliards de tonnes de matière (l’équivalent de 1,5 fois la masse de la Terre) provenant d’une étoile voisine. La quantité de matière frappant la surface de l’étoile expliquerait son extrême luminosité, d’après les calculs des chercheurs.
De plus, puisque l’étoile dépasse la limite d’Eddington sans se désintégrer, les scientifiques suggèrent que son champ magnétique est si intense (des milliards de fois supérieur à ceux des plus puissants aimants sur Terre) qu’il déforme les atomes qui la composent. En s’allongeant pour devenir filandreux, ces atomes ne seraient pas repoussés par les photons à haute énergie, permettant à l’étoile à neutrons d’atteindre une luminosité maximale (qui serait impossible à atteindre pour d’autres objets) sans se désintégrer.