D’après de nouvelles mesures effectuées par le biais du télescope spatial Hubble dans le cadre d’une récente étude, l’expansion de l’Univers est plus rapide que prévu, ce qui donne à penser que les astronomes pourraient devoir intégrer de nouveaux éléments dans leurs modèles expliquant l’évolution de l’Univers.
Les mesures effectuées par le biais du télescope spatial Hubble de la NASA/ESA concernant le taux d’expansion actuel ne correspondent pas au taux prévu d’après les modèles expliquant les débuts de l’Univers, il y a plus de 13 milliards d’années, peu après le Big Bang. De plus, en utilisant les nouvelles données de Hubble, les astronomes ont considérablement réduit la possibilité que cet écart soit dû au hasard. Les résultats ont été acceptés pour publication dans The Astrophysical Journal.
À l’aide des nouvelles observations de Hubble, les chercheurs ont amélioré les fondements de l’échelle de distance cosmique, qui est utilisée pour calculer avec précision les distances aux galaxies voisines. Pour ce faire, les chercheurs ont observé des étoiles pulsantes appelées étoiles céphéides dans une galaxie satellite voisine, le Grand Nuage de Magellan (GNM), maintenant située à 162’000 années-lumière de la Terre.
Lors de la définition des distances aux galaxies de plus en plus éloignées, ces étoiles céphéides sont utilisées comme marqueurs de bornes kilométriques. Les chercheurs utilisent donc ces mesures pour déterminer la vitesse à laquelle l’Univers s’étend dans le temps. C’est ainsi qu’ils déterminent la constante de Hubble.
Avant le lancement de Hubble en 1990, les estimations de la constante de Hubble variaient d’un facteur deux. À la fin des années 1990, le Hubble Space Telescope Key Project (Projet clé du télescope spatial Hubble) sur l’échelle de distance extragalactique, a permis de raffiner la valeur de la constante de Hubble à 10% près, réalisant ainsi l’un des principaux objectifs du télescope.
En 2016, les astronomes utilisant Hubble ont découvert que l’Univers se dilate entre 5 et 9% plus rapidement qu’auparavant en affinant encore la mesure de la constante de Hubble et en réduisant davantage l’incertitude à seulement 2.4%.
En 2017, une mesure indépendante a confirmé ces résultats. Mais cette dernière étude a réduit l’incertitude de leur valeur de la constante de Hubble à un niveau sans précédent, soit 1.9%.
Les résultats suggèrent également que la probabilité que cet écart entre les mesures du taux d’expansion actuel de l’Univers et la valeur attendue basée sur l’expansion du début de l’Univers soit dû au hasard, est de seulement 1 sur 100’000, une amélioration significative par rapport à une estimation précédente (en 2018) de 1 sur 3000.
« Cette inadéquation ne cesse de s’empirer et a maintenant atteint un tel stade qu’il est impossible de considérer cela comme étant dû au hasard. Cette disparité n’est pas le fruit du hasard », a déclaré le chercheur principal et lauréat du prix Nobel Adam Riess, du Space Telescope Science Institute (STScI) et de l’Université Johns Hopkins, à Baltimore (USA).
Les mesures de l’équipe étant devenues plus précises, leur calcul de la constante de Hubble est resté en contradiction avec la valeur attendue dérivée des observations de l’expansion du début de l’Univers effectuées par le satellite Planck de l’Agence spatiale européenne.
Ces mesures permettent entre autre de cartographier le fond diffus cosmologique, qui aide les scientifiques à prédire comment l’Univers primitif aurait probablement évolué pour atteindre le taux d’expansion que les astronomes mesurent aujourd’hui.
Mais quelle est donc la nouvelle mesure, et à quoi correspond-elle ? La nouvelle estimation de la constante de Hubble est de 74.03 kilomètres par seconde par megaparsec (1 million de parsecs). En d’autres termes, cela signifie que chaque 3.3 millions d’années-lumière (1 parsec ≅ 3.3 années-lumière), là où une galaxie s’éloigne de nous par exemple, celle-ci semble se déplacer environ 74 kilomètres par seconde plus rapidement, en raison de l’expansion de l’Univers.
Cela indique que l’Univers s’étend à un rythme d’environ 9% plus rapide que celui qu’impliquent les observations de Planck sur l’Univers primitif, qui donnent une valeur pour la constante de Hubble de 67.4 kilomètres par seconde par megaparsec.
Pour parvenir à cette conclusion, Riess et son équipe ont analysé la lumière de 70 étoiles céphéides situées dans le GNM. Parce que ces étoiles s’éclaircissent et s’obscurcissent à un rythme prévisible, et que les périodes de ces variations nous donnent leur luminosité et donc leur distance, les astronomes les utilisent comme repères kilométriques cosmiques.
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L’équipe de Riess a utilisé une technique d’observation efficace appelée Drift And Shift (DASH) en utilisant Hubble comme une caméra « point-and-shoot » (littéralement « pointer et photographier ») pour prendre des images rapides des étoiles lumineuses. Cela permet d’éviter l’étape plus longue de l’ancrage du télescope à l’aide d’étoiles guides pour observer chaque étoile.
Les résultats ont été combinés aux observations du projet Araucaria, une collaboration entre des astronomes d’institutions d’Europe, du Chili et des États-Unis, pour mesurer la distance au GNM en observant la variation de la lumière lorsqu’une étoile passe devant son partenaire dans un système à étoiles binaires.
Étant donné que les modèles cosmologiques suggèrent que les valeurs observées de l’expansion de l’Univers devraient être les mêmes que celles déterminées à partir du fond diffus cosmologique, une « nouvelle physique » pourrait être nécessaire pour expliquer cette disparité.
Divers scénarios ont été proposés pour expliquer l’écart, mais il n’y a pas encore de réponse concluante. L’une des hypothèses est cependant qu’une forme invisible de matière, la matière noire, pourrait éventuellement interagir plus fortement que nous le pensions avec la matière dite ordinaire. Une autre hypothèse implique l’énergie sombre — une forme d’énergie incomprise mais abondante dans le cosmos, qui serait (du moins en partie) responsable de l’accélération de l’expansion de l’Univers.
Bien que Riess et son équipe n’aient pas encore de réponse concluante à cette disparité troublante, lui et son équipe ont l’intention de continuer à utiliser le télescope spatial Hubble pour diminuer davantage l’incertitude dans leur mesure de la constante de Hubble, qu’ils espèrent réduire à 1%.