Le vieillissement est associé à un déclin progressif de la forme physique et à une réduction ou une altération, dès 60 ans, de la force/puissance musculaire, de la flexibilité, de l’équilibre et de la constitution du corps. Ces modifications rendent les personnes âgées fragiles, plus sujettes aux chutes et aux accidents, avec des conséquences médicales graves. D’ailleurs, les chutes sont la deuxième cause de décès accidentel dû à des blessures dans le monde. C’est pourquoi des chercheurs ont voulu déterminer s’il existait un lien entre l’équilibre des personnes et leurs risques de maladies et de mortalité. Ils ont découvert que l’équilibre sur une jambe serait un facteur déterminant dans les pronostics. L’incapacité de se tenir debout sur une jambe pendant 10 secondes, à partir de 60 ans, est liée à un quasi-doublement du risque de décès, quelle qu’en soit la cause, au cours des 10 prochaines années. Ce test pourrait être inclus dans les bilans de santé de base des personnes âgées.
Chaque année, environ 684 000 personnes meurent des suites d’une chute dans le monde, dont plus de 80% dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Bien qu’il soit connu que de bons niveaux d’équilibre soient pertinents pour de nombreuses activités de la vie quotidienne, il existe des preuves que la perte d’équilibre est également préjudiciable à la santé et que certaines catégories d’exercices peuvent améliorer l’équilibre.
Il existe trois types d’exercices : aérobie, de résistance et de flexibilité. Le premier est l’activité physique la plus importante pour la santé cardiaque. Il fait intervenir les grands groupes musculaires (jambes, épaules, poitrine et bras) en mouvement continu. Il augmente l’endurance du cœur, des poumons et des muscles, et réduit donc la charge de travail du cœur. La flexibilité est importante pour la vie quotidienne et l’activité physique, en réduisant la tension musculaire, l’anxiété, la fatigue et le stress, et améliorant la circulation. La résistance permet de développer particulièrement la masse musculaire avec des activités d’intensité modérée. Contrairement à la forme aérobique, la force musculaire et la flexibilité, l’équilibre a tendance à être raisonnablement préservé jusqu’à 60 ans, puis décline rapidement.
Dès 2014, une étude japonaise mettait en évidence le lien entre vieillissement, les troubles liés à l’âge et la santé physique, via les tests d’équilibre. Plus précisément, les personnes qui ne parviennent pas à tenir en équilibre plus de 20 secondes sont plus susceptibles de présenter des microlésions cérébrales liées à de minuscules infarctus asymptomatiques, sachant que ces mini-accidents peuvent être le signe annonciateur d’événements plus graves.
Néanmoins, l’évaluation de l’équilibre n’est pas systématiquement incluse dans les bilans de santé des hommes et des femmes d’âge moyen et plus âgés. Cela pourrait être dû au fait qu’il n’y a pas de test standardisé et peu de données concrètes reliant l’équilibre à des résultats cliniques autres que les chutes.
C’est pourquoi une équipe internationale de chercheurs a voulu savoir si un test d’équilibre pourrait être un indicateur fiable du risque de décès d’une personne, quelle qu’en soit la cause au cours des 10 prochaines années de sa vie. L’étude a été dirigée par la clinique de médecine de l’exercice Clinimex à Rio de Janeiro, en partenariat avec la Bristol Medical School, le Central Finland Health Care District, la Faculté de médecine et de santé de Sydney et la division cardiologie de l’Université de Stanford. Leurs travaux sont publiés dans la revue British Journal of Sports Médecine.
Une étude à long terme
Les chercheurs se sont appuyés sur les participants à l’étude de cohorte CLINIMEX Exercise. Celle-ci a été mise en place en 1994 pour évaluer les associations entre la mauvaise santé et les risques de décès avec les différentes mesures de la forme physique, les variables liées à l’exercice et les facteurs de risque cardiovasculaires.
L’analyse actuelle a inclus 1702 participants âgés de 51 à 75 ans (moyenne de 61 ans) lors de leur premier examen, entre février 2009 et décembre 2020. Environ les deux tiers (68%) étaient des hommes. Le poids, l’épaisseur du pli cutané et du tour de taille ont été mesurés. Des détails sur les antécédents médicaux ont également été fournis. Seuls les participants ayant une démarche stable ont été inclus.
Dans le cadre du contrôle, les participants ont été invités à se tenir debout sur une jambe pendant 10 secondes sans aucun support. Pour améliorer la standardisation du test, les participants ont dû placer l’avant du pied libre sur l’arrière de la jambe inférieure opposée, tout en gardant leurs bras à leurs côtés et leur regard fixé droit devant. Jusqu’à trois tentatives sur chaque pied étaient autorisées. Au cours des 13 années d’expérience clinique, le test a été remarquablement sûr, bien reçu par les participants et, surtout, simple à intégrer à la pratique courante, car il nécessite moins de 1 ou 2 minutes pour être appliqué.
Des résultats étonnants et de futurs tests de diagnostic fiables
Au total, environ 1 participant sur 5 (20,5 % ; 348) n’a pas réussi le test. La capacité de terminer le test de 10 secondes commence à diminuer progressivement avec l’âge, régressant d’environ moitié à chaque intervalle de 5 ans.
Les auteurs notent que plus de la moitié (environ 54%) des personnes âgées de 71 à 75 ans n’ont pas pu passer le test. Sans compter qu’au cours d’une période de surveillance moyenne de 7 ans, 123 (soit 7%) personnes sont décédées soit d’un cancer (32%), soit de maladies cardiovasculaires (30%), soit de maladies respiratoires (9%) ou des complications de la COVID-19 (7%).
Néanmoins, il n’y avait pas de tendances temporelles claires dans les décès, ou de différences dans les causes, entre ceux qui ont pu terminer le test et ceux qui n’ont pas pu le faire. Mais la proportion de décès parmi ceux qui ont échoué au test était nettement plus élevée : 17,5% contre 4,5%.
Le Dr Claudio Gil Araujo, de la clinique de médecine de l’exercice Clinimex, qui a dirigé la recherche, explique dans un communiqué : « Le test d’équilibre de 10 secondes fournit une rétroaction rapide et objective pour le patient et les professionnels de la santé concernant l’équilibre statique et ajoute des informations utiles concernant le risque de mortalité pour les hommes et femmes âgés ».
En général, ceux qui ont échoué au test étaient en moins bonne santé : une proportion plus élevée d’entre eux était obèse et/ou souffrait de maladies cardiaques, d’hypertension artérielle et de mauvais profils lipidiques. Et le diabète de type 2 était 3 fois plus fréquent dans ce groupe : 38% contre environ 13%.
Après avoir pris en compte l’âge, le sexe et les conditions sous-jacentes, une incapacité à se tenir debout sans soutien sur une jambe pendant 10 secondes était associée à un risque accru de 84% de décès, quelle qu’en soit la cause, au cours de la prochaine décennie.
Cependant, les auteurs tempèrent leurs résultats, car il ne s’agit que d’une étude observationnelle, elle n’établit pas la cause. L’échantillon de personnes testées étant restreint en matière de diversité ethnique, les conclusions peuvent ne pas être le reflet de la population. Enfin, les informations sur les facteurs potentiellement influents, y compris les antécédents récents de chutes, les niveaux d’activité physique, l’alimentation, le tabagisme et l’utilisation de médicaments susceptibles d’altérer l’équilibre, n’étaient pas disponibles.
Outre ces mises en garde, il semble évident que l’application systématique d’un test d’équilibre statique simple et sûr, comme détaillé dans cette étude, permettrait d’identifier les personnes d’âge moyen et plus âgées étant à haut risque de décès. Les auteurs encouragent les chercheurs ayant accès à ces données à publier leurs découvertes pour confirmer ces résultats.