Des chercheurs ont identifié une molécule clé exploitée par le virus du VIH lorsqu’il infecte les cellules humaines. La découverte pourrait bien représenter un grand pas en avant dans la recherche d’un traitement permettant d’éradiquer complètement ce coriace rétrovirus.
Le matériel génétique des virus comme le VIH est logé dans un enrobage (ou coque) protéique protecteur appelé capside, qui non seulement aide à protéger le virus contre les mécanismes de défense d’un hôte, mais lui permet aussi de transmettre son contenu viral aux cellules infectées.
En utilisant un nouveau type de technique de microscopie, les chercheurs ont isolé une petite molécule appelée inositol hexakisphosphate (IP6). Ils pensent que le virus pourrait détourner cette dernière dans les cellules hôtes, en l’utilisant à la fois pour se protéger de notre système immunitaire et libérer sa charge virale.
Et c’est spécifiquement ce processus que les chercheurs ne connaissent que très peu dans le cas du VIH, et ce malgré des décennies de recherche. Mais cela est sur le point de changer grâce à l’identification du rôle potentiel de l’IP6, une molécule que le virus pourrait « s’approprier » à partir de cellules hôtes pour renforcer sa capside.
« Depuis qu’elle est étudiée, la capside du VIH est connue pour être très instable », a expliqué à ScienceAlert le virologue structurel David Jacques, de l’University of New South Wales (UNSW) en Australie.
« Cela a conduit à des théories selon lesquelles son manque de stabilité est peut-être un élément clé pour l’infection. Avec notre découverte concernant l’IP6, nous savons maintenant que durant le processus d’infection, la capside du VIH n’est jamais vraiment « isolée », car elle est toujours exposée à l’IP6, qui stabilise malheureusement le noyau du virus » précise-t-il.
Depuis des décennies, les scientifiques savent que la molécule IP6 est capable d’aider à assembler les composants viraux en virions (particules virales complexes), mais ce que l’on ignore par contre est l’importance de la molécule dans le cycle de vie global du VIH.
Selon Jacques, une partie du problème réside dans l’instabilité intrinsèque des capsides. En effet, celles-ci s’effondrent rapidement lorsqu’elles sont extraites des virions, ce qui les rend difficiles à étudier en laboratoire.
La nouvelle étude montre pourquoi l’enveloppe du capside se désagrège aussi facilement. « Nous savons maintenant que le problème était le manque d’un ingrédient indispensable : l’IP6 », explique Jacques.
Bien que cette biomolécule détournée de sa fonction principale permette au VIH de renforcer sa capside (en stabilisant sa structure pour une durée allant jusqu’à 20 heures), une fois cette « colle » défensive éliminée au niveau moléculaire, la capside se décompose facilement.
« Maintenant que nous savons que l’IP6 est toujours présent lors d’infections normales, nous pouvons ajouter ce composé pour stabiliser la capside dans le tube à essai », explique Jacques. « Cela ouvre de nouvelles voies de recherche axées sur la compréhension du fonctionnement de la capside, car nous avons maintenant le temps de l’étudier » ajoute-t-il.
Ces découvertes, rendues possibles grâce à une nouvelle technique de microscopie exploitant la fluorescence pour surveiller les décompositions de capsides en temps réel, permettent de mesurer la stabilité de milliers de virions individuels afin de déterminer les effets spécifiques des IP6.
« Nous pensons que le virus immature recueille l’IP6 quand il quitte la cellule productrice (où le virus est fabriqué), puis l’utilise à nouveau après être entré dans la cellule cible pour stabiliser sa capside et faciliter l’infection », explique l’auteur principal de l’étude, le biologiste moléculaire Till Böcking de l’UNSW.
La méthode utilisée par l’équipe a permis de montrer que l’IP6 se lie aux pores de la capside virale : le revêtement renforcé permettant une augmentation de plus de 100 fois de la concentration du nouvel ADN viral à l’intérieur de la structure.
Il s’agit d’une avancée majeure étant donné la potentielle importance de ce processus pour un virus aussi mortel que le VIH. Maintenant que les scientifiques savent à quel point cette molécule détournée est efficace pour la contagiosité du virus, ils pourraient se servir de l’IP6 comme nouvelle cible pour de futurs traitements antiviraux.
« Une fois que nous aurons compris les détails moléculaires de ces processus, nous pourrons concevoir des stratégies pour « tromper » le virus en libérant prématurément l’IP6 », explique Böcking. « Ou alors le verrouiller, de telle sorte qu’il ne puisse plus contrôler le bon timing de décapsulation de la capside » conclut-il.
Les résultats ont été publiés dans la revue eLife.