Le laser, ainsi que les différentes technologies associées, ne sont plus à présenter aujourd’hui. Tout le monde connaît les lasers comme étant des dispositifs émettant un mince faisceau de lumière très intense et concentré, pouvant même pour les plus puissants permettre la découpe de matériaux par échauffement. Mais qu’en est-il d’un laser fonctionnant avec les ondes sonores au lieu de la lumière ?
Comme vous pouvez bien l’imaginer, la lumière laser est bien différente que celle que vous avez l’habitude de voir tous les jours, que ce soit celle émanant des différentes sources lumineuses artificielles autour de vous ou celle du Soleil.
Et comme vous le savez déjà, les lasers optiques sont très utiles. Ils permettent par exemple d’envoyer des informations sous forme de signaux lumineux au travers de câbles à fibres optiques, de lire les codes barres, et même de gérer les horloges atomiques (essentielles au fonctionnement des systèmes GPS).
Le faisceau laser, contrairement à une ampoule par exemple, consiste en une concentration d’ondes lumineuses dans la même direction et dans un diamètre très restreint. Les ondes se marient presque parfaitement les unes avec les autres, c’est ce que les physiciens appellent un « faisceau cohérent ». C’est pourquoi le faisceau sortant d’un pointeur laser, par exemple, ne se diffuse pas dans toutes les directions.
La cohérence, en physique, est l’ensemble des propriétés de corrélation d’un système ondulatoire, et il concerne le caractère ondulatoire de la lumière dans le cas des lasers. Mais la lumière n’est pas la seule à se comporter comme une onde, il y a aussi le son. Pourquoi donc ne pas essayer de concevoir un laser « pour » le son ?
Depuis maintenant quelques années, les scientifiques se penchent justement sur le développement de lasers à phonons, dans lesquels les oscillations des ondes lumineuses sont remplacées par les vibrations d’une minuscule particule solide, émettant ainsi des ondes sonores. Une technologie qui suscite déjà un intérêt scientifique considérable. En générant des ondes sonores parfaitement synchronisées, les chercheurs ont compris comment créer un laser à phonons (un « laser pour le son »).
Dans le cadre d’une étude récemment publiée dans la revue Nature Photonics, des chercheurs ont mis au point un laser à phonons utilisant les oscillations d’une particule d’environ 100 nanomètres de diamètre, mise en lévitation à l’aide d’une pince optique.
Pince optique et ondes synchronisées
Une pince optique consiste, en bref, en un faisceau laser qui traverse une lentille et emprisonne une nanoparticule, en la mettant en suspension (lévitation). Mais cette nanoparticule ne reste pas immobile, elle oscille comme un pendule dans la direction du faisceau.
Puisque la nanoparticule n’est ni fixée à un support mécanique ni rattachée à un substrat, elle est très bien isolée de son environnement. Cela permet aux physiciens de l’utiliser pour détecter des forces électriques, magnétiques et gravitationnelles faibles, dont les effets seraient autrement obscurcis.
Mais pour rendre la détection meilleure, les nanoparticules doivent être ralenties (ou « refroidies »). Pour ce faire, la position de la particule est mesurée au fil du temps, suite à quoi les données sont transmises à un ordinateur contrôlant la puissance du faisceau laser de piégeage.
À lire également : Supercristal : un nouvel état de la matière créé via une impulsion laser
La variation de la puissance de piégeage permet de contraindre la particule à ralentir. Une configuration utilisée par plusieurs groupes de recherche à travers le monde, mais pour des applications autres que les lasers sonores.
Pour créer un laser à phonons, les scientifiques doivent aller plus loin, en modulant le faisceau de piégeage pour que la nanoparticule oscille plus rapidement, produisant ainsi un comportement semblable à celui du laser : les vibrations mécaniques de la nanoparticule produisent des ondes sonores synchronisées. C’est ce qu’on appelle le laser à phonons.
À l’image du laser optique, le laser à phonons consiste en une série d’ondes sonores synchronisées. Un capteur peut ensuite surveiller le laser et identifier les changements dans la configuration de ces ondes sonores, qui peuvent alors révéler la présence d’une force gravitationnelle ou magnétique.
Dans le cadre de cette recherche, les physiciens ont essentiellement développé le laser à phonons en tant qu’outil de détection des champs électriques, magnétiques et gravitationnels faibles, qui affectent les ondes sonores de manière détectable. Mais ils espèrent que d’autres chercheurs puissent trouver de nouvelles utilisations de cette technologie dans la communication et la détection. La mesure de la masse de très petites molécules pourrait en être une.
Sur le plan fondamental, ce travail tire parti de l’intérêt actuel pour la mise à l’épreuve des théories de la physique quantique sur le comportement de grands ensembles d’atomes. Les nanoparticules utilisées dans cette étude par exemple, contiennent des milliards d’atomes.
Les lasers à phonons sont également le point de départ pour donner lieu à des configurations quantiques exotiques comme la superposition quantique (voir expérience du chat de Schrödinger), ce qui permet théoriquement à un objet de se trouver à deux endroits simultanément. Bien entendu, les utilisations les plus intéressantes du laser à phonons à pincettes optiques pourraient bien être celles que nous ne pouvons pas prévoir pour le moment.