L’entreprise suisse Destinus vient d’annoncer le succès de sa levée de fonds de démarrage. Elle a obtenu 26,8 millions de francs suisses, soit près de 25,5 millions d’euros, de la part d’investisseurs privés. De quoi alimenter un projet naissant : la conception d’un avion hypersonique qui fonctionnerait entièrement à l’hydrogène. Le véhicule pourrait donc circuler sans émettre de dioxyde de carbone.
Le fondateur de l’entreprise, Mikhail Kokorich, s’est félicité dans un communiqué datant du 9 février 2022 de cet apport financier substantiel : « Nous sommes ravis du large soutien autour de Destinus, qui valide davantage le potentiel de voyages propres et hypersoniques vers n’importe quelle destination dans le monde en 1 à 2 heures. Nous prévoyons d’utiliser le financement pour poursuivre le développement de nos moteurs aérobies et fusées à hydrogène et tester les premiers vols supersoniques propulsés par des moteurs à hydrogène au cours des 12 à 18 prochains mois. Nous avons déjà fait des progrès significatifs et avons conçu et déposé des brevets pour des sous-systèmes uniques, tels qu’un système de refroidissement actif à l’hydrogène, permettant à un hyperavion hautement réutilisable de voler presque à la vitesse d’une fusée », explique-t-il ainsi.
Alors qu’un véhicule supersonique se définit par sa capacité à se déplacer à une vitesse supérieure à celle du son, la vitesse hypersonique va encore au-delà. Elle définit la vitesse correspondant à un « nombre de Mach » égal ou supérieur à 5, autrement dit, une vitesse cinq fois ou plus de 5 fois supérieure à la vitesse du son dans le fluide environnant. C’est pour cette raison que Destinus promettrait d’aller d’un bout à l’autre de la planète en seulement une ou deux heures.
Pour ce faire, ces véhicules, à mi-chemin entre un avion et une fusée, nommés « hyperavions » par Destinus, se déplaceraient dans « l’espace proche », à une altitude située quelque part entre la zone où se déplacent les avions et celle dans laquelle on trouve les satellites les plus bas. L’idée est d’opérer un décollage et un atterrissage horizontal, qui permette d’utiliser les infrastructures et habitudes de vol « standard », même si les aéroports devraient être équipés d’éléments spécialisés pour les véhicules à hydrogène.
Zéro émission de dioxyde de carbone
Sur un vol de deux heures, seules 30 minutes auraient lieu en vol hypersonique en basse gravité, au niveau de la mésosphère. Destinus a prévu d’équiper ses avions de deux types de moteurs différents. Le premier sert pour les phases d’atterrissage et de décollage : il s’agit d’un moteur à réaction aérobie alimenté en hydrogène. Les moteurs aérobies utilisent le dioxygène de l’air ambiant comme comburant. Une fois une certaine altitude et vitesse atteintes, l’avion change de système pour utiliser un moteur à hydrogène cryogénique, semblable à celui des fusées. Il peut ainsi passer en vitesse hypersonique.
Aller à une telle vitesse génère une importante friction, et donc beaucoup de chaleur. Le fondateur de Destinus affirme cependant qu’il est également en train de développer un système qui permettrait d’évacuer cette chaleur en la transformant en énergie de propulsion.
Au-delà de cette vitesse étonnante, c’est surtout le fait que ce véhicule fonctionne avec zéro émission de dioxyde de carbone qui interpelle. En effet, les deux types de moteurs sont supposés fonctionner entièrement à l’hydrogène. Philipp Rösler, ancien vice-chancelier allemand et membre du conseil consultatif de Destinus, a souligné ce point : « C’est époustouflant de voir un avenir dans lequel il sera possible de voyager partout dans le monde en 1 à 2 heures. Plus important encore, l’hyperavion en cours de développement utilisera de l’hydrogène liquide pour alimenter ses moteurs. Cela donne la grande opportunité de voler vite et en même temps d’être neutre en carbone. La seule émission de ces moteurs est l’eau. Je suis ravi que des entreprises comme Destinus soient en mesure d’assurer le leadership européen dans le secteur aérospatial ».
Un premier prototype, qui a pour le moment volé à vitesse réduite (jusqu’à 150km/h), a décollé le 19 novembre dernier avec succès. L’engin a été nommé Jungfrau. L’objectif était de voir si sa forme particulière lui permettrait de voler sans encombre, ce qui a été le cas au regard des manoeuvres effectuées.
Ce prototype faisait à peu près la taille d’une voiture, mais le prochain devrait plutôt faire la taille d’un bus et devrait être prêt à être testé pour ce début d’année, selon l’entreprise. 50 ingénieurs et managers travaillent actuellement sur le projet. Pour le moment, le véhicule se destine à la livraison de biens particulièrement sensibles aux délais de livraison.
Vidéo du premier vol de Jungfrau :
Last week, we had our maiden flight of the #Jungfrau prototype! Named after a mountain peak in Switzerland located in the Bernese alps. From concept to flight in less than 4 months with an aero shape based on a #hypersonic design. pic.twitter.com/PR7q3dqnHP
— Destinus (@hyperdestinus) November 28, 2021