Quatre nouvelles détections d’ondes gravitationnelles ont été annoncées lors du Gravitational Waves Physics and Astronomy Workshop à l’Université du Maryland, aux États-Unis.
Cela porte le nombre total de détections d’ondes gravitationnelles à 11, depuis le début des détections, en 2015. Dix d’entre elles proviennent de la fusion de trous noirs binaires, et la onzième provient de la fusion de deux étoiles à neutrons, qui sont les restes denses d’explosions stellaires.
L’une de ces détections provient d’une fusion de trous noirs, extraordinairement éloignée, constituant la plus puissante explosion jamais observée en astronomie.
Ces dernières informations arrivent juste un mois après que des doutes aient été émis concernant cette détection : en effet, à la fin du mois d’octobre, un article paru dans New Scientist remettait en question la découverte de ces ondes par LIGO. Mais alors, comment pouvons-nous être certains que nous détectons bel et bien des ondes gravitationnelles ?
Tout bon scientifique sait que des examens approfondis et le scepticisme sont le pouvoir de la science. Toutes les théories et connaissances sont provisoires et la science nous mène lentement vers une meilleure compréhension de la vérité. Il n’y a pas de certitude, seulement une probabilité et une signification statistique.
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Il y a plusieurs années, l’équipe de recherche de LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory), a déterminé les niveaux de signification statistique nécessaires pour pouvoir prétendre à une détection d’ondes gravitationnelles. En effet, pour chaque signal, les scientifiques doivent déterminer le taux de « fausse alarme ». Cela permet d’indiquer le nombre d’années durant lesquelles il faudrait attendre avant d’avoir une chance de détecter un signal aléatoire qui imiterait le signal réel. Le signal le plus faible détecté jusqu’à présent possède un taux de fausse alarme, de un tous les cinq ans. Il est donc encore possible qu’il ait été accidentel.
Les autres signaux sont beaucoup plus forts. Concernant les trois signaux les plus puissants détectés jusqu’à présent, il faudrait attendre de 1000 à 10 milliards de fois l’âge de l’Univers pour que de tels signaux se produisent par hasard.
Savoir quoi écouter
La détection des ondes gravitationnelles est un peu comme l’ornithologie acoustique : imaginez que vous étudiez les oiseaux, que vous souhaitez déterminer la population de ces derniers dans une forêt donnée et que vous connaissez les appels des différentes espèces d’oiseaux de la région.
Lorsqu’un appel d’oiseau correspond à votre appel prédéterminé, son volume peut vous indiquer à quelle distance il se trouve. Si le bruit était très faible (par rapport au bruit de fond), vous pouvez être incertain de sa provenance initiale. De plus, vous devez également prendre en compte les oiseaux pouvant imiter d’autres espèces. Alors, comment pouvez-vous déterminer avec certitude que le son d’un oiseau x est bien le son d’un oiseau x, et non celui d’un oiseau y ? En effet, il faut être très rigoureux avant de pouvoir prétendre qu’il s’agit bien d’un bruit de l’oiseau x. Même dans ce cas, vous ne pourrez être confiant que si vous effectuez d’autres détections.
Dans le domaine des ondes gravitationnelles, les scientifiques utilisent des « sons » mémorisés, appelés modèles. Il existe un type de signal unique pour la fusion de chaque combinaison possible de masses et de spins de trous noirs. Chaque modèle est élaboré à l’aide de la théorie d’Einstein sur l’émission des ondes gravitationnelles.
Dans la chasse aux ondes gravitationnelles, les scientifiques recherchent ces signaux rares en utilisant deux détecteurs LIGO aux États-Unis et un troisième détecteur, Virgo, situé en Italie.
Dans le but d’éviter les signaux manquants ou des faux positifs, une extrême rigueur est nécessaire pour analyser ces données. De vastes équipes de chercheurs examinent les données, recherchent les failles potentielles, émettent des critiques, passent en revue les codes informatiques et, enfin, vérifient l’exactitude des publications proposées.
Des équipes distinctes de chercheurs utilisent différentes méthodes d’analyse et comparent les résultats. Vient ensuite la reproductibilité : le même résultat est enregistré à plusieurs reprises. Il s’agit d’un élément essentiel pour faire avancer la science.
Les signaux détectés par les scientifiques
Avant que LIGO ne fasse sa première annonce publique de détection d’ondes gravitationnelles, deux autres signaux avaient été détectés. Cela a permis aux scientifiques de déterminer qu’il y avait une grande population de trous noirs en collision, et qu’il ne s’agissait pas uniquement d’un événement unique qui pourrait fausser les données.
La première onde gravitationnelle détectée était étrangement puissante et correspondait à un modèle prédéterminé. C’était tellement « parfait » que les scientifiques de LIGO ont passé de nombreuses semaines à essayer de déterminer s’il était possible que ce soit une farce, délibérément injectée dans le système, par un pirate informatique.
Bien que les scientifiques de LIGO se soient finalement convaincus que l’événement était bel et bien réel, de nouvelles découvertes ont considérablement accru cette certitude. En août 2017, un signal a été détecté par les deux détecteurs LIGO et le détecteur Virgo : en effet, un type de signal complètement différent mais longtemps prédit, a été observé d’une paire d’étoiles à neutrons en fusion, accompagné de l’éclatement prévu des rayons gamma et de lumière.
Analyser de manière précise la fusion des trous noirs
Depuis septembre 2015, la collaboration LIGO-Virgo complète l’analyse de toutes les données collectées par les scientifiques. Pour chaque signal, les chercheurs doivent déterminer la masse des deux trous noirs en collision, la masse du nouveau trou noir qu’ils créent, et la direction qu’il prend.
Chaque signal a été observé par deux ou trois détecteurs et ce, presque simultanément (séparés de quelques millisecondes seulement). Huit des 20 trous noirs initiaux ont une masse comprise entre 30 et 40 soleils, six ont une masse d’environ 30 soleils, trois celle d’une dizaine, et deux seulement atteignent 7 à 8 masses solaires. Un seul des trous noirs serait proche des 50 masses solaires : il s’agit du plus grand trou noir pré-collision jamais détecté.
Voici donc les chiffres qui aideront les scientifiques à déterminer où tous ces trous noirs ont été formés, comment ils ont été formés et combien il en existe. Mais bien entendu, pour pouvoir répondre à ces questions, les chercheurs auront besoin de beaucoup plus de signaux.
Le plus faible des nouveaux signaux, soit GW170729, a été détecté le 29 juillet 2017 : il s’agit de la collision d’un trou noir possédant une masse de 50 fois celle du Soleil, avec un autre trou noir, plus petit, d’une masse de 34 soleils. C’était de loin l’événement le plus lointain, ayant probablement eu lieu il y a environ 5 milliards d’années, avant même la naissance de la Terre et du système solaire (il y a de cela 4.6 milliards d’années).
Malgré le faible signal, c’était l’explosion gravitationnelle la plus puissante découverte jusqu’à présent. LIGO et Virgo améliorent continuellement leur sensibilité, d’année en année, et détecteront encore de nombreux autres événements à l’avenir.
VIDÉO : Le planétaire de LIGO
Des calculs informatiques modélisant les ondes gravitationnelles observées par LIGO à ce jour, et les trous noirs qui ont émis les ondes détectées. L’image montre les horizons des trous noirs au-dessus de l’onde gravitationnelle correspondante.