Il y a une quantité absolument phénoménale de plastique dans les océans, et cette dernière ne fait qu’augmenter chaque jour. En effet, au moins 8 millions de tonnes métriques de plastique pénètrent dans la mer chaque année — un chiffre d’ailleurs considéré comme peu élevé par rapport à la réalité, car il n’inclut pas les déchets courants tels que les filets de pêche, par exemple. Dans l’eau, ces déchets se décomposent en morceaux de plus en plus petits, jusqu’à devenir littéralement minuscules (microplastiques), dont une grande partie est transportée dans l’une des cinq régions océaniques massives, où le plastique peut être tellement concentré que certaines zones ont reçu des surnoms tels que « vortex de déchets du Pacifique nord ».
Cette année, cela fait six ans que Boyan Slat a commencé à mettre au point un système visant à débarrasser les océans des quantités astronomiques de plastique nocif s’y trouvant. En effet, en 2013, le jeune entrepreneur a fondé The Ocean Cleanup, une organisation à but non lucratif qui a pour but de nettoyer le vortex de déchets du Pacifique nord, une zone du gyre subtropical du Pacifique nord, un vortex rempli de déchets deux fois plus grand que le Texas… Également appelée « soupe plastique », « septième continent », ou encore « grande zone d’ordures du Pacifique », une zone similaire à été découverte dans le nord de l’océan Atlantique.
Le groupe de Slat a donc conçu un dispositif qui recueille passivement le plastique, à la manière d’un bras géant. Mais le système a rencontré plusieurs problèmes, y compris un défaut de conception et de fabrication qui a provoqué le retour du plastique dans l’océan. Plus récemment, il y avait tellement de plastique récolté qu’il commençait à s’écouler par-dessus une ligne de liège qui aide à la stabilité du système.
Mais mercredi dernier, The Ocean Cleanup a annoncé avoir résolu ce problème et que le dispositif pouvait à présent totalement capturer et retenir les déchets de plastique du vortex de déchets du Pacifique nord. Jusqu’à présent, l’équipe a récolté nombre de « filets de pêche, d’objets en plastique tels que des emballages, ainsi que de très nombreux microplastiques allant jusqu’à un millimètre de diamètre », a expliqué Slat.
Selon l’organisation, la capacité du système à piéger les microplastiques a été une réelle surprise. En effet, les recherches précédentes de Ocean Cleanup avaient suggéré que les microplastiques coulaient comme de la cendre vers le fond de l’océan et qu’ils devraient donc être moins susceptibles de rester en suspension près de la surface. C’est pour cette raison que l’organisation s’est concentrée sur l’élimination des gros morceaux de plastique du vortex de déchets du Pacifique nord.
Laurent Lebreton, l’un des chercheurs de l’organisation, a déclaré que de nombreux débris capturés par l’appareil « sont vraiment altérés et décomposés, et certains ont l’air vraiment vieux. Nous ne trouvons pas vraiment de sacs en plastique, ni de pailles, mais des fragments de plastique très épais et durs ».
Grâce à un nouveau système de parachute qui est entré en service au mois de juin 2019, l’équipe a pu démonter que le dispositif pouvait capturer et conserver divers types de plastiques.
Le système de capture de plastique en forme de U d’Ocean Cleanup est conçu pour collecter les déchets de manière passive dans le vortex, à l’aide du courant de l’océan. La partie la plus visible du dispositif est un tuyau de 600 mètres en plastique polyéthylène à haute densité. Le tuyau est connecté à un écran qui se prolonge à environ 3 mètres sous la surface et est responsable de la capture des débris.
Dans la première version de l’appareil, l’écran était fixé au bas du tuyau, mais l’équipe a constaté que cette configuration créait trop de stress au point où le tuyau et l’écran se rejoignaient. À la fin de 2018, une fissure au bas du tuyau s’est élargie pour donner lieu à une fracture, ce qui a provoqué le détachement d’une section d’extrémité de 18 mètres du réseau.
Pour résoudre ce problème, Ocean Cleanup a donc déplacé l’écran devant le tuyau et l’a connecté avec des élingues. L’équipe a également installé une ligne de liège (semblable à celle qui sépare les couloirs d’une piscine) derrière l’écran pour le maintenir tendu.
En juin, The Ocean Cleanup a lancé une nouvelle version de l’appareil, baptisée System 001/B. Une fois installé dans le vortex de déchets du Pacifique nord, les chercheurs ont procédé à une série de tests. Lors de ces derniers, les scientifiques voulaient principalement déterminer si l’appareil devait voyager à une vitesse constante (soit plus vite ou plus lentement que le plastique dans l’eau) : ils ont utilisé une ancre de parachute permettant de ralentir le système, ont effectué des essais pour pouvoir faire pivoter l’appareil dans le sens opposé, puis ont également essayé de fixer des sacs gonflables au dispositif dans le but de le remorquer plus rapidement que le plastique.
Il s’est finalement avéré que l’ancre de parachute était le « concept gagnant », a expliqué Slat. Mais le nouveau modèle du système n’était toujours pas totalement efficace à ce moment-là. En août, les chercheurs du groupe ont découvert que du plastique débordait sur la ligne de liège, qui se trouvait à environ 10 centimètres au-dessus de l’eau. Ils ont donc construit une ligne de liège beaucoup plus haute pour éviter ce « débordement ».
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Mercredi dernier, l’organisation a déclaré qu’il n’y avait que « peu de dépassements », signifiant que le changement avait été un succès. « Cela nous donne à présent suffisamment de confiance dans le concept général », a déclaré Slat lors d’une conférence de presse.
L’un des obstacles est la démonstration que le système peut conserver le plastique pendant plus d’un an : une chose pour laquelle le modèle existant n’a pas été conçu dans un premier temps. En effet, l’organisation veut s’assurer que l’appareil peut résister aux conditions extrêmes de l’hiver. « Après cela, nous espérons construire une flotte de ces dispositifs pour nettoyer le plastique des océans du monde entier », a déclaré Slat.
Le groupe pense qu’un navire pourrait visiter le vortex de déchets et le dispositif tous les deux à trois mois, dans le but de remorquer les débris, les ramener sur la terre ferme et les recycler. Mais pour le moment, le personnel d’Ocean Cleanup retire le plastique que le dispositif capture manuellement, en s’aidant de filets… Ainsi, pour atteindre l’objectif ultime de capturer jusqu’à 15’000 tonnes de plastique par an, l’organisation souhaite envisager des moyens plus avancés pour transférer le plastique sur un navire.