L’intérêt pour l’huile de poisson et sa forte teneur en oméga-3, dans le combat contre les maladies cardiovasculaires, a donné lieu à de nombreux travaux de recherche au cours des trente dernières années. Récemment, deux importantes études de grande envergure ont révélé que, effectivement, l’huile de poisson montrait des résultats extrêmement prometteurs dans la lutte contre les pathologies cardiovasculaires.
Dans les années 1970, les scientifiques constatent que le taux sanguin de cholestérol chez les esquimaux au régime riche en graisse de poisson est particulièrement bas. Par suite, des études suggéreront que consommer de l’huile de poisson après un infarctus du myocarde permet de réduire le risque de décès par mort subite. Cet effet protecteur de l’huile de poisson proviendrait d’une molécule anti-inflammatoire, la résolvine D2, dérivée des oméga-3.
Pour leurs recherches, les scientifiques ont testé différentes formulations et quantités de médicaments à base d’acides gras oméga-3 sur deux groupes de personnes : un souffrant de maladie cardiovasculaire ou de diabète, et un autre représentant la population en général. Les deux études ont montré que les personnes qui prenaient ces médicaments tous les jours bénéficiaient d’une protection contre certains problèmes cardiaques et circulatoires, par rapport à celles recevant un placebo.
En examinant un autre supplément couramment consommé, la vitamine D, les chercheurs n’ont remarqué aucun effet sur les maladies cardiaques, mais ont constaté un lien avec une diminution du nombre de décès par cancer au fil du temps. Les résultats des recherches ont été présentés samedi lors des sessions scientifiques 2018 de l’American Heart Association à Chicago, et publiés dans la revue New England Journal of Medicine.
Protection cardiovasculaire : cibler les triglycérides grâce aux oméga-3
Aux États-Unis, environ 43 millions de personnes consomment des statines pour réduire le LDL, ou « mauvais » cholestérol », et ces médicaments sont réputés réduire le risque de crise cardiaque et d’AVC. Mais les cardiopathies restent la principale cause de mortalité chez les américains. Au cours des dernières années, le nombre de décès dus à des maladies cardiaques a diminué de manière régulière.
Les chercheurs tentent donc de trouver d’autres moyens de lutter contre les maladies cardiovasculaires que les facteurs de protection classiques connus, telles que des modifications de l’alimentation, de l’exercice et du tabagisme.
L’une des études dévoilées samedi, nommée par l’acronyme REDUCE-IT, a montré que les personnes atteintes de maladie cardiovasculaire qui prenaient déjà des statines, avaient moins de risques d’avoir des problèmes cardiaques graves quand on leur donnait également deux grammes de médicament Vascepa (éthyl icosapent) deux fois par jour.
Le médicament est une version purifiée d’un composant de l’huile de poisson, qui cible les triglycérides, un autre type de graisse. Les triglycérides élevés peuvent rigidifier ou épaissir les artères, entraînant potentiellement des accidents vasculaires cérébraux et des crises cardiaques. Par suite, le groupe de sujets ayant pris le médicament a été comparé avec celui des sujets ayant reçu un placebo. L’étude a impliqué plus de 8000 personnes.
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Deepak L. Bhatt, directeur des programmes d’interventions cardiovasculaires au Brigham and Women’s Hospital de Boston, qui a dirigé l’étude, a déclaré que les résultats pourraient changer la pratique de la cardiologie de la même manière que l’introduction des statines il y a plus de 30 ans.
« Honnêtement, je fais des essais cliniques depuis longtemps. Et je n’ai jamais participé à un essai qui ait autant de potentiel pour améliorer la vie de peut-être des dizaines de millions de personnes » affirme-t-il.
Huile de poisson et oméga-3 : une piste prometteuse contre les maladies cardiovasculaires
En 2007, une vaste étude menée au Japon a montré que le même composant de l’huile de poisson utilisé dans l’étude REDUCE-IT était prometteur pour la protection contre les problèmes cardiovasculaires. Mais cette recherche n’a pas comparé la substance à un placebo et a été compliquée par la grande quantité de poisson existant déjà dans le régime alimentaire japonais typique.
L’autre étude sur les huiles de poisson publiée samedi, intitulée VITAL, a examiné l’effet d’une formulation différente d’acides gras oméga-3 dans un médicament appelé Lovaza. Les chercheurs ont suivi près de 26’000 personnes pendant plus de cinq ans. Les résultats ont montré que les personnes ayant reçu le médicament étaient 28% moins susceptibles de souffrir de crises cardiaques que celles recevant un placebo, et 8% moins susceptibles de présenter divers événements cardiovasculaires.
L’effet était encore plus prononcé chez les Afro-Américains, mais les chercheurs ont rappelé que les résultats devaient faire l’objet d’études supplémentaires avant de pouvoir être considérés comme fiables.
Les personnes qui mangeaient moins de 1.5 portion de poisson par semaine ont vu diminuer le nombre de crises cardiaques subies lorsqu’elles ont augmenté leur consommation d’oméga-3 en prenant ce médicament. L’étude n’a pas montré de diminution des accidents vasculaires cérébraux.
Joanne Manson, chef de la division de médecine préventive à l’hôpital Brigham and Women’s, qui a dirigé l’étude, a déclaré que celle-ci soutenait fortement l’avantage des oméga-3 dans le combat contre les maladies cardiovasculaires. Manson a qualifié les résultats de « piste prometteuse » concernant la consommation d’huile de poisson, mais a indiqué qu’ils n’étaient pas assez concluants pour recommander aux gens de prendre le médicament ou des suppléments d’huile de poisson.
Réintroduire le poisson dans le régime alimentaire
L’étude a également montré que les médicaments sont suffisamment sûrs pour que les personnes prenant déjà de l’huile de poisson n’aient aucune raison de cesser d’en consommer. Les personnes participant à l’étude recevaient chaque jour 840 milligrammes des principaux acides gras de l’huile de poisson, soit une quantité inférieure à celle d’une portion typique de saumon.
« Nous encourageons les gens à commencer à introduire plus de poisson dans leur régime et à en consommer au moins deux portions par semaine » explique Manson. « L’un des avantages de cette alimentation est que le poisson peut remplacer la viande rouge, les graisses saturées et les aliments transformés ».
Vitamine D : un effet potentiel sur le cancer
L’étude VITAL s’est également penchée sur la vitamine D, souvent recommandée pour améliorer l’état des os chez les femmes âgées et pour la santé globale des autres individus. Les chercheurs ont constaté que la vitamine D n’avait aucun effet sur les crises cardiaques ou les accidents vasculaires cérébraux, et n’affectait pas l’incidence du cancer.
Toutefois, l’étude a montré que la consommation de vitamine D pourrait jouer un rôle dans la réduction du nombre de décès par cancer deux ans plus tard, ou plus, après avoir contracté la maladie. Manson a suggéré que la vitamine D pourrait aider à empêcher les cancers de métastaser ou de devenir plus invasifs. Mais elle précise que cette hypothèse nécessite bien plus de recherches.