Les métiers risquant le moins d’être remplacés par l’IA d’ici 2040, selon les experts

Sur quelles compétences faut-il miser ?

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Moins d’une décennie après l’arrivée de la première version de ChatGPT, l’IA est en passe de bouleverser l’économie mondiale. Ses impacts sur l’avenir de l’emploi suscitent une inquiétude grandissante, de nombreux métiers risquant notamment d’être remplacés à mesure que la technologie évolue et devient plus performante. Cependant, certains métiers sont malgré tout moins vulnérables à ces impacts que d’autres, même sur le long terme. Quels métiers risquent le moins d’être remplacés par l’IA d’ici 2040 ? Nous avons étudié la question avec l’appui d’experts du domaine.

Sections principales :

    • Empathie et jugement éthique, boucliers contre l’IA ?
    • Des interactions humaines créatives que l’IA ne peut reproduire
    • S’adapter en valorisant les compétences humaines ?

Les avancées en matière d’IA sont telles qu’il est désormais difficile de distinguer le travail humain de celui d’une machine lorsqu’il s’agit de texte. Idem pour les images si l’on considère les meilleurs modèles à ce jour. Cela concerne donc presque tous les domaines, en partant de la médecine et la recherche scientifique jusqu’aux métiers créatifs tels que la composition musicale et la rédaction. Ces compétences avancées permettent d’automatiser des tâches complexes et ainsi gagner en temps et en précision.

« Un exemple marquant est celui d’une mère qui, après avoir consulté de nombreux spécialistes sans succès, a utilisé ChatGPT pour analyser les résultats médicaux de son enfant », a indiqué dans un courriel à Trust My Science, Cédric Vasseur, conférencier et formateur spécialisé en IA et en technologies émergentes. « L’IA a pu fournir un diagnostic précis, mettant ainsi fin à une errance médicale. Cela montre à quel point l’IA peut s’avérer utile dans des situations où même les experts humains peinent à trouver des solutions », a-t-il affirmé.

Selon l’Institut McKinsey, l’adoption massive de l’IA pourrait générer une économie supplémentaire d’environ 13 000 milliards de dollars au niveau mondial d’ici 2030, soit une augmentation supplémentaire du PIB de 16 %. Cela équivaudrait à une croissance supplémentaire du PIB de 1,2 % par an. Ces retombées économiques proviendraient principalement de l’automatisation de certains postes et procédures, ainsi que de l’innovation des produits et des services.

Cependant, l’impact transformateur de l’IA a inévitablement des implications économiques, juridiques, politiques et réglementaires de grande envergure pour tous les types d’emplois et d’industries. En effet, l’adoption de la technologie offre non seulement une économie de main-d’œuvre assurant d’importants bénéfices pour les entreprises, mais implique également soit une reconversion obligatoire, soit une perte massive d’emplois pour de nombreux travailleurs.

D’après un rapport de Goldman Sachs, l’IA pourrait remplacer près de 300 millions d’emplois à temps plein d’ici 2030. Environ deux tiers des emplois aux États-Unis et en Europe sont exposés à un risque d’automatisation par l’IA, tandis qu’environ un quart pourrait être entièrement assuré par la technologie.

D’un autre côté, bien que beaucoup moins explorés, certains emplois pourraient aussi être préservés de l’automatisation par l’IA sur le long terme, nécessitant notamment des compétences subtiles dont seuls les humains disposent. « Certains emplois qui nécessitent un contact humain rapproché, beaucoup de psychologie ou d’autres compétences difficiles à numériser, restent encore largement à l’abri de l’IA », a indiqué Vasseur en réponse à nos questions. Cela suggère des opportunités d’adaptation permettant de préserver le côté humain de certains métiers, ainsi que de valoriser des compétences jusqu’ici sous-estimées.

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Part des emplois exposés exposés à l’IA et leur complémentarité selon le type d’économie en 2024. La part de l’emploi dans chaque pays est calculée selon la moyenne pondérée de la population en âge de travailler. © FMI

Professions de santé : l’empathie et le jugement éthique, boucliers contre l’IA ?

Les experts estiment que les métiers les mieux protégés contre l’automatisation par l’IA d’ici 2040 sont ceux faisant appel à des compétences humaines spécifiques, telles que l’intelligence émotionnelle. Certains métiers nécessitent une compréhension profonde des émotions humaines, que la technologie ne peut pas encore imiter. Selon Bernard Marr, célèbre influenceur technologique, « bien que l’IA continue de transformer et d’améliorer divers domaines professionnels, l’importance de l’expertise humaine, de l’intuition et de l’intelligence émotionnelle reste capitale ».

Parmi ces métiers figurent par exemple ceux nécessitant beaucoup d’interactions humaines et d’empathie, notamment les professionnels de la santé et les intervenants d’urgences. Les psychologues et les psychiatres quant à eux ont par exemple recours à des techniques d’analyse émotionnelle subtiles pour fournir les meilleurs soins à leurs patients. Non seulement les prises en charge doivent être personnalisées (car chaque patient a des besoins très spécifiques), mais elles peuvent également durer plusieurs mois, voire des années.

Les chirurgiens, les médecins et les infirmiers seront aussi difficilement remplaçables par l’IA, même d’ici 2040-2050. Bien qu’il ait été suggéré que l’IA puisse désormais égaliser les médecins en matière de diagnostic, les soins de santé reposent aussi sur l’empathie et le jugement éthique, des compétences qui font pour le moment défaut à l’IA. D’autre part, d’après l’Université de Nexford, bien que la robotique et l’IA aient considérablement amélioré la précision chirurgicale dans le cadre des procédures assistées par robot, le chirurgien intervient au niveau de nombreux autres aspects nécessitant beaucoup d’expérience et de rigueur. « Expérience, connaissances et compétences acquises au fil des années sont autant de facteurs qui doivent être condensés en quelques minutes lors d’une opération », explique l’établissement.

Les intervenants d’urgence, tels que les pompiers et les ambulanciers, font également appel à des réflexions rapides ainsi qu’une capacité de jugement dont l’IA est pour le moment incapable. Ces professionnels ont recours à ces compétences afin de pouvoir anticiper et gérer des situations imprévisibles. Cela implique des exigences physiques et émotionnelles poussées, et la moindre erreur est susceptible d’être fatale pour les victimes prises en charge.

Métiers créatifs : des interactions humaines que l’IA ne peut reproduire

Les métiers artisanaux, tels que le travail du bois et de la pierre, sont également largement à l’abri de l’automatisation par l’IA d’ici 2040, selon Vasseur. Les artisans qualifiés tels que les ébénistes et les charpentiers possèdent une expertise et une dextérité que l’IA ne pourrait pas encore reproduire. « Bien que l’IA puisse aider avec les outils et la planification, les compétences nuancées d’un artisan restent irremplaçables », explique de son côté Marr.

Paradoxalement, alors que de nombreux métiers créatifs (rédacteur, graphiste, designer, etc.) sont massivement remplacés par l’IA, ils nécessitent tout de même des compétences dont la technologie est pour le moment incapable de reproduire. Ils ont notamment un côté imaginatif et personnel permettant de véhiculer des émotions à travers leurs œuvres. Les écrivains et les rédacteurs utilisent par exemple des styles de communication individuels qui sont très recherchés dans le domaine de l’écriture.

En outre, ces métiers nécessitent également des interactions humaines ainsi qu’une compréhension profonde de l’environnement. Alors que des milliers de journalistes perdent actuellement leur emploi à cause de l’IA, la technologie est encore incapable d’aller sur le terrain, d’effectuer des interviews et de rapporter des informations subtiles que seuls les professionnels du domaine peuvent mettre au jour. « L’IA ne peut pas encore se déplacer physiquement pour couvrir des événements ou observer des situations avec ses propres yeux. Nous sommes encore loin d’une IA capable de remplacer un journaliste sur le terrain », affirme Vasseur.

L’Université de Nexford estime en outre que les métiers stratégiques, tels que directeur stratégique, avocat et juge, pourraient aussi être à l’abri de l’automatisation par l’IA en raison de la nécessité d’une excellente capacité de négociation et d’une profonde compréhension de la psychologie humaine. Toutefois, cette hypothèse est en contradiction avec les résultats d’une récente étude suggérant que les cols blancs et les emplois à qualification élevée, y compris juge et magistrat, seront les plus à risque d’être supplantés par l’IA.

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Les différentes tâches les plus automatisées par l’IA pour les entreprises aux États-Unis. © Goldman Sachs

S’adapter en valorisant les compétences humaines

Dans l’ensemble, les emplois les moins exposés à l’automatisation par l’IA sont ceux mettant en avant les compétences humaines et qui n’impliquent pas de tâches répétitives. Toutefois, dans tous les cas (que certains emplois soient protégés de l’automatisation par l’IA ou non), l’adoption de la technologie dans le paysage socioéconomique mondial modifiera inévitablement les processus de recrutement, les employeurs devant redéfinir les compétences vraiment indispensables à leurs entreprises. De nombreuses tâches pouvant désormais être automatisées, les recruteurs misent toujours plus vers les compétences humaines ou comportementales, notamment les « soft skills » (empathie, créativité, adaptabilité, etc.).

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Évolution de l’importance des softs skills entre 2016 et 2023. © Augmented work for an automated, AI-driven world

D’autre part, d’après un récent rapport de Goldman Sachs, la croissance de l’adoption de l’IA par les entreprises coïncide avec une augmentation de l’intérêt dans une main-d’œuvre plus flexible. Les sociétés se tournent toujours plus vers les freelance (travailleurs indépendants) et les intérimaires. Aux États-Unis par exemple, la part de travailleurs freelance est passée de 30 % en 2017 à 38 % en 2023, tandis que le taux de travailleurs temporaires est passé de 1,06 % dans les années 1990 à 1,74 % en 2024. Cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir, selon le cabinet.

« Avant l’IA, l’automatisation et l’informatisation avaient déjà bouleversé de nombreux métiers. L’IA ne fait que poursuivre cette tendance naturelle de l’humanité à chercher des solutions automatisées pour améliorer l’efficacité de ses outils », souligne Vasseur. En vue de ces changements, il est ainsi essentiel de s’adapter soit en se reconvertissant ou en acquérant de nouvelles compétences, soit en cultivant celles qui nous permettent de nous distinguer en tant qu’humains, sans oublier d’être plus flexibles. « Il est crucial d’avoir une ouverture à l’innovation, la créativité et la volonté de tester et expérimenter de nouvelles solutions. Ces qualités sont des atouts majeurs pour découvrir et apprivoiser les technologies émergentes », suggère l’expert.

Un récent sondage mené par IBM auprès de 3 000 cadres de haut niveau basés dans 28 pays distincts indique qu’ils anticipent une reconversion ou une acquisition de nouvelles compétences basées sur l’IA pour 40 % de leurs employés au cours des trois prochaines années. En transposant ce chiffre à l’ensemble de la population mondiale, cela concernerait ainsi 1,4 milliard de personnes. Les managers interrogés ont en outre indiqué que les soft skills constituent des critères de sélection clé lors des recrutements.

Toutefois, ce taux de reconversion dépendra aussi du niveau de préparation de chaque pays à adopter la technologie, qui peut fortement différer selon les régions. Selon le Fonds Monétaire International (FMI), les économies les plus riches sont les mieux équipées pour adopter l’IA et leurs emplois en seront ainsi les plus affectés (33 % contre 18 % pour les pays à faible revenu).

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Niveau de préparation des pays à l’adoption de l’IA en 2024. Le bleu foncé indique une préparation élevée, tandis que le jaune foncé indique une faible préparation (en passant par le jaune clair). © FMI

Néanmoins, « la formation continue et une ouverture à la culture de ces technologies sont essentielles pour éviter de percevoir l’IA comme une sorte de monstre de Frankenstein que nous ne pourrions pas contrôler », estime Vasseur. Malgré les nombreuses alertes lancées par les acteurs de la technologie concernant une menace pour la civilisation, nous serions, selon lui, encore très loin de l’IA pouvant surpasser l’humain et dominer le monde. « Cependant, ne pas se former à l’IA aujourd’hui serait équivalent à refuser de se former à l’utilisation d’Internet à ses débuts. Il est essentiel de rester à jour pour continuer à être pertinent dans le futur », conclut-il.

Sources : IBM, FMI, SSRN
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