Depuis quelques années, des recherches scientifiques tentent de résoudre le problème de gestion des déchets plastiques. Certaines études portent par exemple sur la dégradation du plastique PET non recyclé avec une enzyme naturelle appelée PETase. Cependant, cette solution comprenait encore beaucoup de lacunes l’empêchant d’être appliquée à grande échelle. Une nouvelle étude impliquant une intelligence artificielle basée sur l’apprentissage automatique a permis de prédire les mutations nécessaires à cette enzyme pour digérer différentes sortes de plastiques selon l’environnement où ils se trouvent. La nouvelle enzyme mutée, baptisée FAST-PETase, a dégradé du plastique PET en un temps record (24 heures). Elle est aussi capable de repolymériser le plastique et offre une solution de recyclage durable et à moindre coût.
Malgré les efforts de gestion des déchets, le plastique reste parmi les plus grands polluants présents dans l’environnement. La production mondiale de plastique ne cesse pourtant de croître par millions de tonnes chaque année. Et malgré les diverses solutions de recyclage disponibles aujourd’hui, nous continuons à produire du nouveau plastique, car recycler coûte toujours trop cher. Entre 1993 et 2015, cette production n’a cessé de grimper, passant de 162 millions à 448 millions de tonnes par an. Plus frappant encore : près d’un million de boissons distribuées en bouteille plastique sont vendues chaque minute à travers le monde.
Seule une infime portion des déchets plastiques est alors réutilisée et la très grande majorité finit dans la nature, menaçant les écosystèmes naturels de façon dramatique. Depuis 2015, nous avons en effet généré plus de 6,9 milliards de tonnes de déchets plastiques, dont seulement 9% ont été recyclés. 12% ont été incinérés tandis que 79% sont accumulés dans des décharges ou rejetés dans la nature. Le plastique est tellement omniprésent qu’il s’infiltre désormais partout et met la vie de beaucoup d’êtres vivants en danger, dont l’homme.
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Ces chiffres montrent à quel point chaque geste néfaste peut soit complètement bouleverser l’équilibre de notre environnement, soit, en adoptant des pratiques plus responsables, changer la donne positivement. C’est dans cette optique que l’Université du Texas à Austin explore un procédé enzymatique qui pourrait permettre une gestion plus circulaire du plastique. Issue d’une bactérie (Ideonella sakaiensis) découverte en 2016 au Japon, cette enzyme (PETase) a déjà fait l’objet de nombreuses études, mais son application à grande échelle se heurtait à divers problèmes. Elle ne s’active par exemple qu’à environ 70 °C, ce qui limite considérablement les environnements où elle pourrait agir.
La nouvelle étude parue dans la revue Nature va peut-être enfin permettre d’appliquer ce procédé enzymatique à grande échelle. Grâce une intelligence artificielle basée sur l’apprentissage automatique, les enzymes pourront être modifiées sur mesure pour être adaptées à digérer rapidement divers plastiques, et ce même en dessous de 50 °C et dans un large éventail de pH.
« Lorsque l’on envisage des applications d’assainissement de l’environnement, l’on a besoin d’une enzyme capable de fonctionner dans l’environnement à température ambiante. Cette exigence est maintenant presque remplie, et notre technologie pourrait donc avoir un énorme impact à l’avenir », explique dans un communiqué Hal Alper, professeur au département Mc Ketta de génie chimique à l’Université du Texas à Austin et l’un des auteurs de la nouvelle étude. Les résultats de cette dernière sont d’ailleurs prometteurs, car du plastique mettant habituellement plusieurs siècles à se dégrader dans la nature a pu être dépolymérisé en quelques heures seulement dans le meilleur des cas (quelques semaines au plus tard).
Un procédé circulaire et économique
La technologie des chercheurs américains est axée sur le plastique PET, un polymère produit dans le monde en importante quantité pour composer les sacs plastiques, les bouteilles de boissons ainsi que certaines fibres couramment utilisées dans le textile. Ce type de plastique représenterait notamment 12% des déchets mondiaux.
Le modèle d’apprentissage automatique utilisé permet de prévoir les mutations nécessaires à la PETase pour atteindre les objectifs de dépolymérisation optimale des plastiques PET. Pour générer l’enzyme la plus efficace, la technologie prend en compte les températures environnantes, les pH ainsi que d’autres facteurs physico-chimiques. Les auteurs de l’étude ont ainsi pu tester et prouver l’efficacité de leur nouvelle enzyme FAST-PETase (PETase Fonctionnelle, Active, Stable et Tolérante) sur 51 plastiques post-consommation différents (cinq fibres et tissus polyester différents et des bouteilles d’eau, tous fabriquées à partir de PET).
Par ailleurs, la nouvelle enzyme est également capable de reconstituer le plastique qu’il dégrade (repolymérisation), ce qui permet un recyclage non seulement moins coûteux (énergétiquement et financièrement), mais aussi plus efficace et respectueux de l’environnement. Dans le textile et la mode en particulier, le recyclage conventionnel de tissus en polymère est si difficile que ces secteurs sont les deuxièmes/troisièmes plus grands pollueurs de la planète, juste derrière l’industrie pétrolière. Les méthodes les plus couramment utilisées pour dégrader le plastique sont notamment la combustion, la glycolyse et la pyrolyse, qui sont toutes très énergivores et très coûteuses.
FAST-PETase peut être appliquée au niveau des industries pour réduire leur empreinte écologique, mais aussi faire des économies de matière grâce à son processus circulaire. De plus, les chercheurs envisagent de perfectionner davantage l’enzyme pour qu’elle puisse s’activer dans n’importe quel environnement extérieur. Elle pourra peut-être ainsi assainir les sites les plus pollués, tels que les décharges sauvages.