Et si le mucus d’axolotl devenait une arme contre les super-bactéries et les cellules cancéreuses ?

Les peptides antimicrobiens qu’il contient ont montré une efficacité contre le S. aureus résistant à la méthicilline et le cancer du sein.

mucus axolotl multiresistant cancer
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Des chercheurs ont découvert que le mucus sécrété par la peau des axolotls contient des peptides antimicrobiens efficaces contre les bactéries multirésistantes et les cellules cancéreuses. Les expériences ont montré que quatre des molécules sélectionnées étaient efficaces contre le Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM), tandis que trois autres ont éliminé les cellules du cancer du sein sans affecter celles saines. Ces résultats ouvrent des perspectives intéressantes pour le développement de nouveaux traitements.

La résistance aux antibiotiques est un problème de santé publique de plus en plus répandu. Les bactéries évoluent rapidement et deviennent de plus en plus résistantes aux antibiotiques conventionnels. Cela est en partie dû à l’augmentation de l’utilisation des antibiotiques qui, désormais, ne se limite plus uniquement au secteur médical, sans compter la hausse de l’automédication.

Les peptides antimicrobiens (AMP) sont depuis peu explorés pour satisfaire les besoins urgents en matière d’alternatives aux antibiotiques conventionnels et pour faire face aux bactéries antibiorésistantes. Ils sont inclus dans la réponse immunitaire innée, c’est-à-dire qu’ils fonctionnent comme des antibiotiques endogènes pour défendre l’organisme contre les agents pathogènes (bactéries, champignons, virus, etc.).

Un potentiel thérapeutique déjà exploré chez d’autres amphibiens

Les AMP sont naturellement produits par de nombreuses espèces d’amphibiens et d’arthropodes en réponse soit à des stimuli inflammatoires, soit à une infection. Chez les grenouilles telles que les Bombina variegata, Phyllomedusa sauvagii et Xenopus laevis, divers peptides cutanés ont par exemple été testés pour leur activité antimicrobienne.

Certains, comme ceux produits par les grenouilles Xenopus laevis, agissent également au niveau des mécanismes induisant une rupture membranaire, ce qui confère à la fois une élimination bactérienne efficace et une réduction du risque de multirésistance aux médicaments.

Des études ont aussi montré que de nombreux AMP présentent des activités anticancéreuses sélectives notables. Cependant, si l’axolotl (Ambystoma mexicanum) est aussi connu pour produire des AMP, ceux-ci n’ont pas encore été entièrement caractérisés. Pourtant, l’espèce est largement étudiée en biomédecine en raison de ses nombreuses capacités biologiques, telles que la régénération de membres et d’organes.

« Les peptides antimicrobiens pourraient constituer une alternative aux antibiotiques à l’avenir. Leur spectre d’activité est large et, parallèlement, les agents pathogènes développent moins de résistance », explique dans un billet de blog, Peter M. Vogt, directeur de la clinique de chirurgie plastique, esthétique, de la main et reconstructive de la Faculté de médecine de Hanovre (MHH), en Allemagne.

En analysant une sélection d’AMP chez l’amphibien, des chercheurs du MHH ont identifié des lots agissant contre le SARM et le cancer du sein. « Les résultats contre le SARM sont particulièrement significatifs, car la propagation de cette souche bactérienne multirésistante va continuer à s’accroître avec la surutilisation des antibiotiques dans les soins de santé et l’agriculture », explique Sarah Strauß, directrice du laboratoire Kerstin Reimers de biologie régénérative de la clinique et coauteur de l’étude – récemment publiée dans la revue PLOS ONE.

Une collecte délicate, encadrée par des règles strictes

L’axolotl étant menacé d’extinction, leur manipulation en laboratoire est régie par des réglementations et des protocoles stricts. Ceux sélectionnés dans le cadre de la nouvelle étude sont tous issus d’élevage du Centre de biorégénération Ambystoma Mexicanum (ABMC) du Laboratoire Kerstin Reimers. Le centre élève aussi d’autres espèces d’amphibiens et collabore avec d’autres organisations, telles que des universités, des instituts privés et des zoos, pour des soutiens pratiques en matière d’élevage.

Pour prélever le mucus, les animaux ont été massés délicatement avec des gants stériles, conformément aux directives de la loi allemande sur la protection des animaux. Le mucus produit a ensuite été raclé des gants à l’aide de grattoirs. « Cela prend du temps et coûte cher, mais malheureusement, les AMP ne sont pas aussi faciles à produire dans les micro-organismes que certains antibiotiques », explique Vogt.

Cela s’expliquerait par leur structure chimique particulière, incluant notamment des acides aminés chargés positivement et des composants hydrofuges. Cette structure leur permet de se lier facilement aux membranes cellulaires des bactéries et d’y former des pores de sorte à agir directement sur leurs constituants intracellulaires.

mucus axolotl
Schéma de la procédure d’isolement des AMP à partir des sécrétions cutanées d’axolotl.
Les axolotls ont été délicatement massés avec des gants en nitrile afin de recueillir le mucus cutané. Les AMP ont ensuite été isolés du mucus par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse. Les séquences peptidiques identifiées ont été classées selon leur activité antimicrobienne prédite à l’aide d’outils bioinformatiques, et les 22 séquences les plus prometteuses ont été synthétisées. © Nadjib Dastagir et al.

Un double effet contre les bactéries et les cellules tumorales

Les chercheurs ont sélectionné 22 peptides candidats parmi les milliers extraits du mucus des axolotls. Pour évaluer leurs propriétés antimicrobiennes, ils ont été testés sur le SARM et ont été comparés avec de la vancomycine, un antibiotique de réserve. Ce type d’antibiotique est utilisé pour les infections pour lesquelles les médicaments conventionnels ne sont plus efficaces, telles que l’infection par le SARM. Quatre des molécules sélectionnées ont montré une efficacité notable contre la souche, parfois même supérieure à celle de la vancomycine. D’après Strauß, cette efficacité pourrait être attribuée à leur structure chimique particulière.

L’équipe a ensuite évalué leur efficacité sur des cellules du cancer du sein. Trois des quatre molécules efficaces contre le SARM ont enclenché l’apoptose (mort cellulaire programmée) dans les cellules tumorales, tandis que celles saines sont restées intactes. « Globalement, nos résultats suggèrent que ces AMP identifiés pourraient être des candidats prometteurs pour lutter contre la résistance aux antibiotiques et pour des stratégies anticancéreuses », indique Strauß.

Davantage de travaux seront toutefois nécessaires pour étayer ces résultats et pour évaluer l’efficacité des composés contre d’autres agents pathogènes et d’autres types de cancer. Néanmoins, ces résultats pourraient déjà servir de base pour l’étude des PAM d’axolotl à cet effet.

Source : PLOS ONE
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