Les axolotls, appartenant au groupe des salamandres, fascinent par leur capacité de régénération exceptionnelle et leur résistance au cancer. Contrairement à d’autres espèces, ils ne montrent pas de signes de déclin physiologique lié à l’âge. Cette particularité les classe parmi les organismes dits à « sénescence négligeable ». Cependant, peu d’études ont exploré les mécanismes qui leur permettent de défier ainsi le vieillissement. Pour approfondir cette question, des chercheurs allemands et britanniques ont étudié l’horloge épigénétique de cet amphibien. Ils ont découvert qu’il est en quelque sorte capable de mettre son horloge biologique en pause pour « stopper », ou du moins freiner, le vieillissement.
L’axolotl, ou Ambystoma mexicanum, est une salamandre de l’ordre des urodèles. Il est célèbre pour sa capacité à régénérer non seulement ses membres, mais aussi partiellement ses yeux, ses poumons, sa moelle épinière et même son cerveau. Cette impressionnante capacité de régénération perdure tout au long de sa vie. Bien que l’axolotl présente des signes de vieillissement, tels que l’épaississement de la peau et l’ossification progressive du squelette, ses tissus ne semblent pas accumuler de cellules sénescentes avec l’âge.
L’horloge épigénétique pour comprendre le secret de longévité de l’axolotl
Ces caractéristiques ont classé l’axolotl parmi les amphibiens à sénescence négligeable. Toutefois, il reste à déterminer si l’axolotl présente des signes de vieillissement moléculaire. Yun, Steve Horvath d’Altos Labs à Cambridge (Royaume-Uni) et leurs collègues ont donc étudié la méthylation de l’ADN, un marqueur essentiel du vieillissement moléculaire, en se concentrant sur l’horloge épigénétique de l’axolotl.
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L’horloge épigénétique est un test biochimique permettant de déterminer l’âge biologique en mesurant les niveaux de méthylation de l’ADN. Il existe plusieurs types d’horloges épigénétiques, et certaines, dites pan-mammifères, fonctionnent aussi bien pour les humains que pour les rongeurs ou d’autres petits mammifères.
Dans leur étude, Yun et ses collègues ont analysé les sites épigénétiques CpG communs aux axolotls, aux grenouilles à griffes et à d’autres mammifères. Ils en ont identifié 5 386 et ont utilisé un algorithme pour créer une horloge épigénétique applicable à la durée de vie de l’axolotl. Malgré les similitudes trouvées entre les grenouilles à griffes et d’autres mammifères, ils n’ont pas pu établir un modèle statistique pertinent pour l’axolotl, dont l’âge génétique varie peu entre les différents tissus.
Les résultats, publiés sur bioRxiv, montrent qu’aucune corrélation significative n’a été trouvée entre l’âge épigénétique et l’âge chronologique des axolotls. En d’autres termes, les chercheurs n’ont pas détecté de différences significatives entre la méthylation d’un axolotl de 3 ans et celle d’un axolotl de 9 ans.
Cependant, l’équipe est parvenue à développer une horloge épigénétique pour des axolotls âgés de 4 ans et moins, soit environ un tiers de leur durée de vie moyenne. Cette horloge a permis de prédire l’âge des axolotls étudiés en quelques mois et a révélé un vieillissement « biphasique ». Ce mystérieux phénomène n’a été observé chez aucune autre espèce estiment les chercheurs. Ils ont également noté que bien que ces amphibiens vieillissent, ils mettent à un moment donné leur horloge épigénétique en pause, les schémas de méthylation restant stables.
Un processus de régénération qui rajeunit ?
L’équipe a également découvert un mécanisme très intéressant : chez cet animal, les gènes HOX, associés au développement de l’organisme, modifient tous la méthylation au cours des premières années de vie, tout comme chez les grenouilles et les humains. Cependant, les CpG, associés à un risque accru de mortalité, sont absents dans l’horloge épigénétique de l’axolotl.
Yun et son équipe ont également constaté que la régénération d’un membre amputé ne vieillit pas l’axolotl. En examinant les schémas de méthylation des membres régénérés, ils ont remarqué que l’amputation rajeunissait leur épigénétique. Cette régulation dynamique pourrait être au cœur du rajeunissement épigénétique observé lors de la régénération des membres.
Les résultats montrent aussi qu’il existe chez ces animaux une progression à travers le temps biologique qui s’arrête après la maturité. Il reste néanmoins à déterminer si cet amphibien ne vieillit vraiment pas, ou s’il s’agit simplement d’une impression due à des lacunes de compréhension de la biologie des mammifères.