L’exposition fœtale aux ingrédients des e-liquides affecte la forme du crâne, révèle une étude sur les souris

Les effets étaient observés même en l’absence de nicotine et avec un mélange supposé plus sûr.

liquide vape forme crane
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L’exposition in utero à deux ingrédients courants des liquides de vape ou e-liquides des cigarettes électroniques modifie la forme du crâne des fœtus, révèle une expérience sur des souris. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cet effet n’était pas associé au propylène glycol, le composé utilisé pour transporter la nicotine. Il était plutôt lié au glycérol, l’ingrédient dont les fabricants ont augmenté la concentration dans le but de proposer des alternatives supposées plus sûres pour la santé.

Les cigarettes électroniques ou e-cigarettes sont devenues si populaires qu’elles représentent désormais un défi majeur de santé publique. Commercialisées vers le début des années 2000, elles ont commencé à être massivement utilisées vers les années 2010, leur popularité étant renforcée par la large gamme de designs et d’arômes de liquides de vape ou e-liquides.

Cette variété de formes et d’arômes a surtout permis de conquérir des utilisateurs plus jeunes (collégiens et lycéens), de nouvelles cibles que les fabricants n’avaient peut-être pas anticipées. En effet, la technologie était initialement proposée comme alternative au sevrage tabagique et sa popularité a, au contraire, conduit à l’émergence d’une nouvelle population de consommateurs de nicotine.

Mais alors que les effets de la nicotine sur la santé sont bien établis, ceux des composants des e-liquides sont encore sous-étudiés. Des enquêtes ont montré que certains sont associés à des changements dans le microbiote buccale ou parodontal. D’autres ont suggéré des impacts sur les vaisseaux sanguins. Cependant, étant donné que les e-liquides sont disponibles sous une large variété de formulations, les impacts des différents composants sur la santé ne sont pas clairs.

Une étude de l’Université d’État de l’Ohio explore les effets de deux ingrédients clés des e-liquides sur le développement fœtal. « Les données ont constamment établi que l’utilisation de produits à base de nicotine traditionnels pendant la grossesse peut entraîner de mauvais résultats néonatals, et l’accent est désormais mis à nouveau sur cette relation en raison de l’utilisation accrue des dispositifs électroniques d’administration de nicotine », expliquent les auteurs dans leur article publié dans la revue PLOS ONE.

Des effets mesurables même en l’absence de nicotine

Les chercheurs de la nouvelle étude se sont concentrés sur le propylène glycol (PG) et le glycérol (ou glycérine végétale – VG). Bien qu’il existe de nombreuses variétés de formulation, les e-liquides disponibles dans le commerce contiennent pour la plupart des excipients contenant ces deux composés. Le premier est utilisé pour fluidifier le mélange et transporter la nicotine et les arômes, tout en contribuant à la sensation de « hit » en gorge. Le glycérol contribue, quant à lui, à la formation de la vapeur et à l’onctuosité du liquide de vape.

De précédentes recherches ont montré que l’exposition in utero à la nicotine impactait négativement le développement de la tête et du visage du fœtus. L’exposition néo-natale via le lait maternel entraînerait également des malformations crâniennes. Mais alors que de nombreux travaux se sont concentrés sur la nicotine et les arômes des e-liquides, peu d’attention a été accordée au PG et au VG. L’équipe de l’Université d’État de l’Ohio a développé un protocole expérimental pour étudier les effets de ces derniers sur des modèles in vivo.

Des souris enceintes ont été exposées soit à l’air libre filtré, soit à deux excipients à des concentrations différentes de PG et VG. Le premier contenait 50 % de PG et 50 % de VG et le second 30 % de PG et 70 % de VG (et pas de nicotine donc). « Étant donné que le PG présent dans les cigarettes électroniques a été associé à une augmentation de l’absorption de nicotine, de nombreuses entreprises ont décidé de s’éloigner d’un pourcentage élevé de PG et d’utiliser davantage de VG, essayant de le positionner comme une alternative plus sûre », explique dans un billet de blog, James Cray, professeur d’anatomie à la faculté de médecine de l’Université d’État de l’Ohio, le coauteur principal de l’étude.

e-liquides crane
Modification de la forme du crâne due à l’exposition aux e-liquides. EN HAUT : Rendu 3D latéral de crânes stéréotypés d’ expositions in utero aux e-liquides. AU MILIEU : Rendu 3D en vue supérieure de crânes stéréotypés d’ expositions in utero aux e-liquides. EN BAS : Superpositions coronales (à gauche) et sagittales de crânes stéréotypés d’expositions in utero aux e-liquides. Blanc/Gris = Témoin ; Jaune = 30/70 PG/VG ; Vert = 50/50 PG/VG. © Ethan Richlak et al.

Les souris ont été exposées à ces trois conditions à une fréquence d’une bouffée par minute pendant quatre heures par jour et cinq jours par semaine tout au long de leur grossesse (environ 20 jours). La largeur et la hauteur des crânes des souriceaux ont ensuite été scannées deux semaines après leur naissance.

De manière étonnante, les souriceaux dont les mères ont été exposées au mélange PG/VG 30/70 (supposé plus sûr) avaient des crânes significativement plus petits. Les traits de leurs visages étaient notablement plus fins et leurs têtes plus courtes, comme ce qui est observé chez les enfants exposés in utero à la nicotine. Cependant, « il n’y avait pas de nicotine, et cela a toujours des effets sur le développement du crâne dans notre modèle, ce à quoi nous ne nous attendions pas », indique Cray.

Les modifications morphologiques étaient observées à la fois chez les souriceaux mâles et femelles. En outre, ils présentaient également un poids à la naissance légèrement plus faible. En revanche, le mélange 50/50 n’a pas entraîné de changement significatif. « Nous pensions que le propylène glycol, plus lourd, aurait dû provoquer davantage d’effets, mais c’était exactement le contraire », a déclaré Cray. Cela suggère que les effets pourraient donc être liés à une plus grande concentration en glycérol.

Ces résultats sont particulièrement préoccupants dans la mesure où la majorité des utilisateurs sont des jeunes adultes et des adolescents et que les e-liquides produisent ce genre d’effets même sans nicotine. Étant donné que les effets se produisent très tôt dans le développement fœtal, certaines femmes pourraient exposer leurs bébés avant même de savoir qu’elles sont gestantes, sans compter qu’elles sont elles-mêmes encore en pleine croissance.

L’étude reste toutefois préliminaire et de nombreuses questions restent à élucider, telles que la combinaison exacte d’excipients provoquant des effets néfastes sur la santé. L’équipe prévoit d’étendre ses recherches à d’autres ingrédients des e-liquides et à d’autres effets potentiels sur la santé.

Source : PLOS ONE
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