Cachée au regard humain par le voile des eaux, la distribution de la faune marine est plus difficilement observable que la faune terrestre. Les véritables extinctions sont donc complexes à évaluer de par la résurgence de certaines espèces à différents endroits du globe. Toutefois, les scientifiques ont tout de même pu constater la première véritable extinction d’une espèce marine australienne.
Malgré la relative protection offerte par le milieu aquatique, les animaux marins ne sont pas à l’abri de l’activité humaine. L’étoile de mer de la rivière Derwent (Patiriella littoralis) bordant le Tasman Bridge (Tasmanie), en est un triste exemple. En effet, selon l’étude publiée dans la revue Zoological Journal par des biologistes marins australo-américains, cette étoile de mer est officiellement éteinte. Il s’agit ainsi de la toute première extinction d’une espèce marine australienne, et l’une des rares à avoir été enregistrées dans le monde.
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P. littoralis n’a été découverte qu’en 1969, les scientifiques la connaissent donc depuis environ 25 ans. C’est Alan Dartnall, ancien conservateur du Musée de Tasmanie qui en a fait la première description. Elle a été observée sporadiquement jusque dans les années 1990, et les zoologistes ont observé un déclin dans sa population.
Des études menées entre 1993 et 2010 ont échoué à trouver un seul individu. Dès lors, l’étoile de mer a été classée en danger immédiat d’extinction par le gouvernement australien. Et son extinction fut annoncée peu après.
Il est complexe de documenter les extinctions des animaux marins. De temps à autre, des espèces marines éteintes à un endroit du monde resurgissent dans un autre endroit et ses membres recommencent à se multiplier. L’Australie a lancé une mission de grande envergure visant à cartographier en haute résolution la moitié de l’environnement marin d’ici 2025.
Bien que le plan soit ambitieux, il reflète l’ignorance des hommes concernant le milieu océanique. Malgré les efforts déployés par les politiques et les scientifiques au cours des dernières années, la majorité des fonds océaniques australiens, en 2025, ne sera encore connue que par les sondages radars effectués occasionnellement au cours du 19ème siècle et par les mesures satellitaires imprécises.
La disparition des plus gros animaux marins est plus aisée à établir. Par exemple, la Rhytine de Steller, aussi connue sous le nom de « vache de mer », était un grand mammifère marin appartenant à la famille des dugongidés qui vivait dans les eaux arctiques proches de l’île Béring et de l’île Medny (océan Pacifique nord). Il disparut officiellement en 1768 suite à de trop nombreuses campagnes de chasse organisées par l’Homme, ayant poussé l’espèce jusqu’à l’extinction totale.
Mais les quelques 2 millions d’animaux marins estimés sont majoritairement des invertébrés, tels que les coquillages, les crabes, les coraux ou encore les étoiles de mer. Ils ne sont pas suffisamment surveillés pour que des alertes d’extinction soient lancées à temps. Le déclin de P. littoralis a été notable car elle ne se trouvait qu’en de rares endroits autour du port, et son extinction est la conséquence directe du développement portuaire de toutes les grandes villes.
La rivière Derwent est devenue limoneuse et polluée par les déchets industriels et ceux des habitants locaux. Par la suite, la construction du Tasman Bridge dans les années 1930 a encore aggravé la situation de cet écosystème aquatique.
Au cours des années 1920, des nuisibles ont été accidentellement introduits dans la rivière par des huîtres néo-zélandaises contaminées ou par les cales des bateaux. Certains de ces nuisibles sont aujourd’hui très nombreux dans les eaux de Tasmanie du sud-est et sont en compétition avec les espèces locales.
Initialement, l’étoile de mer de la rivière Derwent était classée dans la famille des Poraniidae, des étoiles de mer connues pour vivre dans les profondeurs ou dans les eaux polaires. Une analyse par CT-scan menée à l’université de Melbourne a révélé une structure interne de renforcement corporelle caractéristique du genre Patiriella (étoiles de mer adaptées aux environnements côtiers). Initialement classée dans l’espèce Marginaster littoralis, l’animal a été reclassé en tant que Patiriella littoralis.
Cette extinction n’est qu’un des nombreux signaux d’alarme accompagnant l’expansion des activités humaines. Le réchauffement climatique entraîne l’élévation du niveaux des mers, phénomène qui menace directement tous les écosystèmes littoraux. La mangrove, les marais salants, les herbiers marins et les vasières sont des micro-environnements n’existant qu’à des profondeurs spécifiques. Ils devront donc s’adapter ou disparaître. Et en règle générale, cette adaptation littorale peut prendre des centaines, voire des milliers d’années.
Pour protéger ses constructions côtières, l’Homme va continuer de construire des digues et des infrastructures réduisant toujours plus l’espace d’habitat des espèces marines. Il sera donc nécessaire de prévoir des zones pour sauvegarder ces écosystèmes et les protéger des conséquences du réchauffement climatique. Dans le cas contraire, il y a fort à parier que l’extinction de l’étoile de mer de la rivière Derwent ne soit que le début.