Nous passons en moyenne plusieurs heures par jour sur les réseaux sociaux, et dans ce contexte de concurrence intense, chaque plateforme s’efforce d’attirer notre attention le plus longtemps possible. Chez Meta, l’une des stratégies prochainement adoptées, très controversée (et ça se comprend) consistera à déployer des personnages IA sur ses différentes plateformes pour interagir avec les utilisateurs réels.
Malgré son immense base de membres, Meta doit constamment innover pour fidéliser ses utilisateurs. Confrontée à une concurrence de plus en plus vive, l’entreprise s’efforce d’accroître l’engagement, un levier essentiel pour sa croissance et sa rentabilité. Comme d’autres géants technologiques, Meta mise désormais sur l’intelligence artificielle pour rendre ses services plus captivants.
Ces derniers mois, l’entreprise a introduit plusieurs innovations marquantes. En décembre 2023, elle lançait son générateur d’images, « Imagine ». En avril, la troisième génération de son modèle Llama voyait le jour, renforçant les capacités de l’assistant virtuel Meta AI.
En juillet, c’était au tour d’AI Studio, une plateforme permettant aux utilisateurs de concevoir des personnages IA uniques. Ces entités, qui peuvent représenter des personnes réelles ou fictives selon les préférences de leurs créateurs, sont destinées à être utilisées sur Instagram et Facebook. Connor Hayes, vice-président chargé des produits d’IA générative chez Meta, a souligné lors d’une interview accordée au Financial Times que ces personnages pourraient devenir des éléments permanents des plateformes de l’entreprise, contribuant à fidéliser les utilisateurs tout en enrichissant les interactions.
Des centaines de milliers de personnages déjà créés
Les personnages IA générés via AI Studio sont conçus pour imiter des comptes classiques. Ils disposent ainsi de biographies, de photos de profil et d’autres attributs typiques. Plus notable encore, ils peuvent produire et partager du contenu de manière autonome. « Ils [les personnages IA] auront des bios et des photos de profil et pourront générer et partager du contenu alimenté par l’IA sur la plateforme », a expliqué Hayes.
Depuis son lancement, AI Studio a été proposé à un public restreint, principalement basé aux États-Unis. Malgré cette limitation, des centaines de milliers de personnages IA ont déjà été créés. Pour l’heure, une majorité de ces entités restent privées, mais Meta entend élargir l’accès à cet outil, espérant voir se multiplier ces comptes IA sur ses plateformes.
À terme, des millions de nouveaux comptes générés par l’IA pourraient s’ajouter aux milliards de profils humains déjà actifs sur Facebook et Instagram. « Nous nous attendons à ce que ces IA existent réellement, au fil du temps, sur nos plateformes, un peu de la même manière que les utilisateurs réels », a précisé Hayes.
Des risques d’usage malveillant ?
Si Meta perçoit AI Studio comme un puissant levier pour intensifier les interactions sur ses applications, certains experts expriment des préoccupations. Ces personnages virtuels pourraient en effet être utilisés à des fins malveillantes, notamment pour mener des campagnes de désinformation.
Ce dernier point est d’ailleurs le sujet principal de l’un de nos derniers articles d’investigation intitulé « Réseaux sociaux alimentés par l’IA : nouvelle menace sous-estimée pour la démocratie ? », dans lequel un expert en manipulation de l’information, contacté par nos équipes, a accepté de témoigner anonymement. Ce risque pourrait s’amplifier à mesure que leur présence augmente sur les réseaux sociaux. Pour l’heure, la principale mesure de protection mise en place par Meta consiste à étiqueter les contenus générés par l’IA.
Par ailleurs, une prolifération de contenus de faible qualité pourrait saturer les plateformes, nuisant à l’expérience utilisateur. Une telle dynamique, si elle venait à se produire, irait à l’encontre des ambitions de Meta en matière d’engagement.