En 2024, TikTok comptait environ 22 millions d’utilisateurs en France, dont près de 9 millions se connectaient quotidiennement. Cinquième application la plus téléchargée sur l’App Store cette année-là, la plateforme est à ce jour utilisée par 39,2 % des internautes français âgés de 16 à 64 ans. Si elle reste avant tout un espace de partage de vidéos, TikTok est également devenu le terrain de jeu privilégié des escrocs, dont les méthodes ne cessent de se perfectionner.
Récemment, plusieurs créateurs de contenu ont alerté sur l’émergence d’une nouvelle vague de faux médecins diffusant des conseils de santé sans aucun fondement scientifique. De la promesse de seins plus fermes à des astuces pour un ventre plat, ces prétendus experts prodiguent des recommandations sans la moindre preuve tangible. En réalité, ces « médecins » ne sont que des avatars générés par l’intelligence artificielle.
Un rapport publié cette semaine par Media Matters for America met en lumière l’existence de nombreux comptes TikTok usurpant de fausses identités pour promouvoir des produits de bien-être. Ces comptes, souvent liés entre eux, suivent un même schéma : format de contenu identique, promesse de bienfaits miracles et incitation à l’achat.
L’origine de cette supercherie réside dans la technologie du deepfake, qui permet de générer des avatars imitant l’apparence et même la voix d’une personne grâce à l’intelligence artificielle. Un cas emblématique illustre ce phénomène : un compte TikTok, désormais supprimé, avait réuni plus de 450 000 abonnés et accumulé 4,1 millions de « likes » en vantant les vertus d’une huile de batana, présentée comme un remède miracle pour la pousse des cheveux.
L’influenceuse mise en avant dans ces vidéos se présentait comme l’épouse d’un chirurgien plastique coréen, un ancien mannequin de Victoria’s Secret ou encore une gynécologue renommée. Or, une simple recherche d’image inversée a révélé qu’il s’agissait d’un avatar créé avec l’IA. Ses vidéos avaient été recyclées pour promouvoir divers produits.
Des pratiques qui prolifèrent à cause de l’IA
Le phénomène des faux influenceurs ne se limite pas aux avatars médicaux. Exploitant les tendances virales, les escrocs exploitent également des formats populaires, comme les vidéos « storytime » – qui comptent 36,9 millions de publications sur TikTok, pour diffuser leurs publicités déguisées.
Selon Javon Ford, créateur de contenu spécialisé dans les produits de beauté, ces avatars numériques sont désormais à la portée de tous. Des applications comme Captions, qui revendique 100 000 utilisateurs quotidiens et plus de 3 millions de vidéos générées par mois, permettent de fabriquer ces avatars en quelques clics.
Mais comment repérer ces imposteurs ? Ford souligne plusieurs indices : un décalage subtil entre le mouvement des lèvres et la voix, une synchronisation imparfaite, un rythme de parole artificiel ponctué de pauses étranges.
« Nous sommes en 2025 », rappelle-t-il dans des propos rapportés par le New York Post. « Il n’est plus normal de voir des problèmes de synchronisation audio/vidéo ». Autre signe révélateur : des yeux souvent anormalement grands et des mouvements de tête mécaniques.
Une initiative française pour contrer la désinformation
Face à la prolifération des conseils médicaux trompeurs sur les réseaux sociaux, le syndicat des jeunes médecins généralistes, ReAGJIR, a choisi d’adopter une riposte originale. Le 4 mars dernier, il a lancé un compte TikTok et Instagram baptisé « Healthbuster5 », destiné à alerter les internautes sur les dangers des infox médicales.
Son approche : recréer les vidéos d’influenceurs relayant des pratiques douteuses, mais en y intégrant cette fois les conséquences négatives de ces recommandations. « En utilisant la technologie du deepfake grâce à l’IA et en collaboration avec une dizaine de médecins généralistes, ReAGJIR recrée ces vidéos en mettant en évidence les effets délétères des pratiques promues », explique le syndicat dans un communiqué.
« Lutter contre la désinformation est devenu un enjeu majeur de santé publique. En tant que jeunes médecins généralistes, nous avons estimé nécessaire de sortir du cadre traditionnel de nos cabinets pour aller transmettre des informations fiables sur la santé, là où notre génération se trouve », souligne le Dr Raphaël Dachicourt, président de ReAGJIR.
En détournant la technologie du deepfake à des fins pédagogiques, ces jeunes médecins espèrent non seulement contrer la prolifération des infox, mais aussi sensibiliser les internautes aux risques de ces arnaques numériques.