Les archées, anciennement appelées archéobactéries, sont des microorganismes constitués d’une cellule unique (unicellulaires) qui ne comprend ni noyau ni organites, à l’instar des bactéries. Il y a une dizaine d’années, des chercheurs ont découvert en Afrique du Sud des filaments fibreux pressés dans la roche qui, selon de récentes analyses, pourraient être les vestiges d’archées datant de 3,42 milliards d’années ! Si la découverte est confirmée, il s’agirait alors de la plus ancienne preuve directe d’un métabolise basé sur le méthane.
Les archées découvertes auraient généré du méthane près de cheminées hydrothermales il y a des milliards d’années, rapportent les chercheurs. Ces anciens filaments fossiles pourraient donc contenir des indices sur les premières formes de vie terrestre et peut-être même donner une idée des lieux à privilégier pour la recherche de vie extraterrestre. En effet, les chercheurs soupçonnent que la vie sur notre planète aurait pu naître dans un tel environnement. Les résultats de l’étude ont été publiés dans la revue Science Advances.
La plus ancienne preuve directe d’un métabolise basé sur le méthane
Les biologistes ont déduit que les métabolismes basés sur la mastication ou l’éructation de méthane ont évolué très tôt dans l’histoire de la Terre, mais ils ne savent pas exactement quand, explique Barbara Cavalazzi, géobiologiste à l’université de Bologne, en Italie. Des recherches antérieures ont permis de trouver des preuves indirectes de l’existence de microbes qui recyclent le méthane dans la chimie de poches remplies de fluide situées dans des roches anciennes datant d’environ 3,5 milliards d’années. « Mais ces travaux n’ont pas permis de trouver les véritables microbes. Avec cette analyse de fossiles, ce que nous trouvons, en fait, c’est une preuve du même âge. Mais il s’agit d’un reste cellulaire – c’est l’organisme même », déclare Cavalazzi.
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Les filaments fossiles nouvellement identifiés possèdent une coquille à base de carbone. Cette coquille est structurellement différente de l’intérieur préservé, ce qui suggère une enveloppe cellulaire renfermant l’intérieur des cellules, expliquent les auteurs de l’étude. « Les filaments ont colonisé les parois des conduits créés par le fluide hydrothermal à basse température. Associés à leurs caractéristiques morphologiques et chimiques étudiées à différentes échelles, ils peuvent être considérés comme les plus anciens méthanogènes et/ou méthanotrophes ayant prospéré dans un substrat volcanique », ajoutent-ils.
Des concentrations relativement élevées de nickel ont également été détectées dans les filaments. Ces concentrations étaient similaires aux niveaux trouvés dans les « méthaniseurs » modernes, ce qui suggère que le métal des fossiles pourrait provenir d’enzymes contenant du nickel dans les microbes. « Ils peuvent attribuer un mode de vie métabolique spécifique à ces premiers micro-organismes », déclare Dominic Papineau, biogéochimiste du Précambrien à l’University College de Londres, qui n’a pas participé à l’étude et la qualifie de « travail brillant ».
Des résultats à vérifier, car un processus chimique imitant la vie pourrait avoir eu lieu
Certains chercheurs ne sont pas convaincus que ces fossiles constituent de véritables preuves. En effet, la recherche de formes de vie primitives a connu son lot de faux indices par le passé. Dans les environnements hydrothermaux riches en silice, les ingrédients des structures qui imitent les cellules se mélangent et peuvent parfois former des « sosies de la vie » par le biais de la chimie, explique Julie Cosmidis, géobiologiste à l’université d’Oxford. « Elles se fossilisent mieux que les cellules réelles, donc je pense que cela pourrait très bien être le cas ici », dit-elle, soulignant que le nickel, commun dans la Terre primitive, s’accroche facilement à la matière organique, qu’elle soit vivante ou non. « Nous ne comprenons pas suffisamment les processus qui peuvent créer de fausses biosignatures », déclare Cosmidis, dont le laboratoire étudie ces questions.
Cependant, Cavalazzi et ses collègues affirment que les différents éléments de preuve réunis confirment l’origine vivante des microfossiles. Papineau note également que « les preuves sont très bonnes », mais ajoute qu’elles ne sont « pas nécessairement solides comme le roc ». Selon lui, d’autres tests pourraient renforcer les arguments en faveur des premiers microbes utilisateurs de méthane.Si ces brins sont véritablement d’anciennes archées, ils deviendraient la plus ancienne preuve fossile de ce domaine de la vie, précédant des spécimens datant de moins de 500 millions d’années. Et si de tels microbes ont évolué si rapidement sur Terre, dans un délai d’environ 1 milliard d’années après l’origine de la planète, les « recycleurs de méthane » pourraient être plus courants que prévu sur d’autres planètes où l’eau liquide existe depuis un certain temps.
« Ce fossile provient d’une époque où l’écosystème de la Terre était probablement très différent de ce qu’il est aujourd’hui », explique Boris Sauterey, paléoécologiste à l’université d’Arizona à Tempe, qui n’a pas participé à cette étude. À l’époque, la Terre présentait très probablement des similitudes avec certains mondes extraterrestres que nous considérons aujourd’hui comme potentiellement habitables, ajoute-t-il.
Les scientifiques qui recherchent des signes de vie primitive sur Terre ont davantage exploré les sédiments des eaux de surface que les systèmes hydrothermaux, où ces fossiles ont été trouvés, explique Cavalazzi. Selon elle, cette découverte suggère qu’ici et sur d’autres planètes, les chercheurs devraient continuer à fouiller sous la surface.