Si vous observez la Lune suffisamment longtemps avec un télescope, vous remarquerez que quelque chose d’étrange se passe à la surface. Des éclairs de lumière apparaîtront momentanément. L’humanité prétend en être témoin depuis au moins mille ans, et les astronomes ont documenté ce phénomène en 1967 pour la première fois. Appelé « phénomène lunaire transitoire » (PLT), il a été observé à maintes reprises, sans pour autant en connaître sa (ou ses) cause(s) exacte(s).
Hakan Kayal, astronome à l’Université de Würzburg, en Allemagne, travaille actuellement sur un projet qui pourrait révéler ce qui provoque ces éclats lumineux sur la Lune, grâce à un nouveau système de télescopes lunaires installé dans un observatoire situé au nord de Séville, en Espagne. Bien qu’il soit encore en développement, le système est opérationnel depuis avril déjà.
Selon Kayal, les PLT ne sont généralement que des éclats de lumière qui apparaissent et disparaissent en l’espace d’une seconde ou deux, bien que la littérature documente également certaines observations de plus longue durée, qui éclairent la surface pendant plusieurs minutes voire des heures.
Les flash lumineux ont déjà été décrits comme des sortes d’étincelles, souvent de couleur rouge ou rose, qui s’étendent jusqu’à 16 kilomètres de diamètre. De nos jours, les astronomes les voient généralement se produire plusieurs fois par semaine. Dans de rares cas, ces éclats entraînent parfois l’apparition de taches foncées à la surface.
Selon Kayal, les causes les plus courantes de ce phénomène sont les impacts de météorites, les dégagements de gaz ou de vapeurs (peut-être dûs à des tremblements de terre) qui peuvent obscurcir la surface et réfléchir anormalement la lumière, les décharges électrostatiques dues aux interactions avec le vent solaire ou encore l’émission de lumière causée par la fracture de roches.
Le GIF ci-dessous montre un flash lumineux apparaître pendant 0.45 seconde :
La première observation confirmée de PLT a été faite en 1958 par un astronome russe. Par la suite, d’autres astronomes utilisant des instruments plus puissants continueront de voir les aberrations de lumière à la surface de la Lune. En 1967, la revue Science a été la première à qualifier une telle observation de « phénomène lunaire transitoire« .
Tony Cook, un chercheur de l’Université d’Aberystwyth au Royaume-Uni, qui a écrit au sujet des PLT, estime qu’il y a eu environ 3000 rapports concernant ces flash lumineux lunaires, bien que beaucoup aient été écrits par des astronomes amateurs et des observateurs inexpérimentés. Plus récemment, l’Agence spatiale européenne (ESA) a exploité son télescope NELIOTA depuis 2017, découvrant qu’il y a beaucoup plus de PLT que nous le pensions, et qu’ils sont répartis de façon homogène sur la surface lunaire.
Le fait qu’il peut y avoir de multiples causes expliquant le phénomène, et le fait que ces éclairs se produisent si rapidement, ont rendu difficile l’identification de leur origine. L’absence de progrès réels dans la recherche sur les PLT n’a fait que déconcerter encore plus les scientifiques et approfondir le mystère.
Mais les observations effectuées avec le NELIOTA ont contribué à renouveler l’intérêt des scientifiques pour l’étude des PLT. Et c’est là que le projet de Kayal entre en jeu. Il décrit le nouveau télescope comme un « système à faible budget », combinant deux tubes télescopiques sur une seule monture, tous deux équipés de caméras reliées à deux ordinateurs différents. Les deux télescopes balaient constamment la surface de la Lune, chaque nuit, et lorsque les deux caméras repèrent un événement lumineux, le système envoie les données directement à Kayal et son équipe.
Chaque ordinateur est géré par un logiciel d’I.A (intelligence artificielle) chargé de détecter automatiquement les éclairs et autres phénomènes lumineux. Au fur et à mesure que le logiciel fera plus d’observations, il apprendra à mieux distinguer les éclairs lunaires des effets de lumière causés par les objets terrestres, comme les oiseaux ou les avions.
« L’une de nos principales tâches est de continuer à développer notre logiciel pour la détection des événements avec des taux de fausses alarmes aussi faibles que possible », explique Kayal. « Nous avons déjà une version de base qui fonctionne, mais des améliorations sont nécessaires. Comme le projet n’est pas encore financé par des tiers et ne l’est que par les ressources de l’université elle-même, il n’y a pas beaucoup de main d’œuvre pour le logiciel. Mais nous avons des étudiants qui peuvent aider à améliorer le logiciel dans le cadre de leurs études ».
Le nouvel instrument, situé à 96 kilomètres au nord de Séville, en Espagne, et toujours en cours d’achèvement, ne pourra détecter que des événements lumineux relativement importants, à l’échelle de 5 kilomètres par pixel (avec quelques variations en fonction de l’intensité lumineuse). Mais les chercheurs ont une vision à long terme : De meilleures caméras pourraient être facilement installées, et il est prévu d’ajouter des spectromètres qui pourraient révéler les composantes géochimiques qui accompagnent les éclairs. Kayal pense que le nouveau télescope pourrait fortement contribuer à de nombreux types d’études lunaires, en supposant qu’un soutien financier suffisant soit fourni.
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« Je suis très enthousiaste à l’idée de voir comment se déroule le projet de Kayal », déclare Cook. « Ce serait vraiment une excellente ressource pour nous aider à vérifier les futurs rapports d’astronomes amateurs que nous recevons de temps en temps ». Bien que Cook pense que les spécifications actuelles sont limitées, il est encouragé par les améliorations qui pourraient être apportées aux télescopes. Un appareil photo couleur pourrait par exemple aider à mettre en évidence les différences subtiles entre les flashs.
M. Kayal et ses collègues espèrent que le système sera pleinement opérationnel d’ici un an. D’ici là, ils prévoient de continuer à faire des observations avec le logiciel actuel et à identifier tous les composants à rectifier.