Il y a quelques jours, nous évoquions la dramatique fonte des glaces arctiques, qui pourraient disparaître totalement lors des mois les plus chauds d’ici une quinzaine d’années seulement. Aujourd’hui, des chercheurs américains affirment que la calotte glaciaire du Groenland fond tellement vite que les chutes de neige ne parviennent plus à la reconstituer. Ces glaciers pourraient ainsi disparaître de façon définitive…
Après avoir étudié quarante années de données satellites concernant plus de 200 grands glaciers de cette zone, des scientifiques de l’Université d’État de l’Ohio sont arrivés à une bien triste conclusion : même si la température terrestre globale cesse d’augmenter, la glace du Groenland continuera à fondre. Sa disparition complète pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur les populations côtières du monde entier.
Les villes côtières en sursis
La calotte glaciaire du Groenland est la deuxième plus grande masse de glace du monde. Habituellement, les chutes de neige régulières permettent de reconstituer la glace disparue lors des saisons chaudes. Mais ce n’est plus le cas, la glace fond bien trop rapidement. « Ce que nous avons constaté, c’est que la glace qui se déverse dans l’océan dépasse de loin la neige qui s’accumule à la surface de la calotte glaciaire », résume Michalea King, auteure principale de l’étude et chercheuse au Byrd Polar and Climate Research Center de l’Ohio State University.
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Or, la calotte glaciaire du Groenland a largement contribué à l’élévation mondiale du niveau de la mer au cours des dernières décennies. La masse de glace était relativement stable jusque dans les années 1990, mais les pertes annuelles ne cessent d’augmenter depuis. Une étude publiée dans Nature en décembre 2019 rapporte qu’entre 1992 et 2018 le Groenland a perdu plus de 3’900 milliards de tonnes de glace !
Durant l’été 2019, une saison particulièrement chaude, ce territoire de glace a perdu une quantité de glace sans précédent lorsque la vague de chaleur provenant de l’Europe l’a traversé : près de 55 milliards de tonnes d’eau ont été déversées dans l’océan en seulement cinq jours ! Une quantité qui pourrait suffire à recouvrir tout l’état de Floride de près de 13 centimètres d’eau…
Si la couche de glace venait à disparaître complètement, les experts estiment que le niveau de la mer pourrait augmenter d’environ 7 mètres d’ici l’an 3000. En se basant sur son taux de fonte actuel, le niveau augmenterait de 7 centimètres dans les 80 prochaines années ! En d’autres termes, toutes les villes côtières du monde sont menacées. Et le phénomène semble inévitable : même si les températures cessaient d’augmenter, voire baissaient légèrement – un scénario complètement utopique, il faut bien l’avouer – il est trop tard : « Le retrait des glaciers a fait basculer la dynamique de toute la calotte glaciaire dans un état constant de perte », affirme Ian Howat, glaciologue et co-auteur de l’étude.
Une situation de non-retour
Depuis 20 ans, la quantité de glace perdue chaque année par le Groenland n’a cessé d’augmenter. Et dans les conditions climatiques actuelles, les spécialistes estiment que le territoire ne pourrait gagner en masse qu’une fois tous les 100 ans ! Le phénomène s’entretient de lui-même, un vrai cercle vicieux : plus la glace fond, plus elle entraîne davantage de fonte. En effet, lorsque l’eau s’accumule, elle absorbe mieux la chaleur du soleil que la glace. Par conséquent, elle provoque la fonte de la glace qui se trouve tout autour.
De tels points de non-retour s’observent malheureusement dans d’autres parties du monde. Et les conséquences s’annoncent terribles. La fonte des glaces de l’Arctique, par exemple, met au jour le pergélisol. Or, cette couche de glace renferme près de 1700 milliards de tonnes de gaz à effet de serre. Un dégel rapide pourrait ainsi libérer une énorme quantité de gaz dans l’atmosphère (bien plus que les émissions dues aux activités humaines…), ce qui ne ferait que renforcer les effets du réchauffement climatique.
Les glaces polaires ne sont pas les seules à inquiéter les scientifiques. La déforestation massive de la forêt amazonienne est tout aussi préoccupante : la disparition des arbres permet à une grosse quantité d’humidité – indispensable à l’équilibre de la vie animale et végétale de la région – de s’échapper de cet écosystème. Si la déforestation atteint une certaine limite, elle pourrait ainsi entraîner ce que l’on appelle un dépérissement. En d’autres termes, la forêt tropicale pourrait se dessécher peu à peu, jusqu’à ressembler à la savane africaine.
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Plus sèche, la végétation absorberait moins de dioxyde de carbone et serait plus sujette aux incendies, libérant au passage jusqu’à 140 milliards de tonnes de carbone dans l’atmosphère. L’Amazonie, elle aussi, est donc au bord du gouffre.
Certes, ces points de basculement sont inévitables. « Nous avons dépassé le point de non-retour, mais il y a évidemment plus à venir », avertit Howat. Les chercheurs soulignent cependant que des mesures permettant de limiter le réchauffement climatique permettraient au moins de différer le catastrophe et ainsi, de donner plus de temps au monde pour s’y préparer. Ils rappellent notamment que le passage à des formes d’énergie verte, comme l’énergie solaire, et la réduction de l’exploitation forestière et minière peuvent aider à repousser le moment fatidique.