La glace arctique estivale pourrait complètement disparaître d’ici 15 ans

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Les experts savent depuis quelques années maintenant que leurs prévisions concernant l’évolution de la banquise ont malheureusement largement sous-estimé les conséquences du réchauffement climatique. La fonte de la glace arctique s’avère beaucoup plus rapide que prévu. Un nouveau modèle prédictif établi par des scientifiques du British Antarctic Survey, plus précis que les modèles antérieurs, confirme aujourd’hui la tendance : la banquise de l’Arctique pourrait fondre complètement en été d’ici 2035.

Pour parvenir à cette conclusion inquiétante, les chercheurs se sont appuyés sur le passé climatique de notre planète. Le phénomène de fonte massive observé actuellement est en réalité très similaire à ce qu’il s’est produit lors de la dernière période interglaciaire de la Terre, il y a entre 116’000 et 130’000 ans. À cette période, la glace arctique disparaissait totalement pendant les mois d’été.

Des études de plus en plus pessimistes

Les projections établies en 2007, dans le quatrième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), estimaient que la glace marine de la saison estivale persisterait sur un million de kilomètres carrés, jusqu’en 2050 au moins (voire au-delà de 2100). Mais cela fait quelques temps maintenant que les climatologues se font de plus en plus pessimistes. Plus tôt cette année, un article paru dans Geophysical Research Letters révélait déjà que dans la plupart des simulations réalisées, l’océan arctique devient pratiquement exempt de glace de mer (autrement dit, la superficie de glace est inférieure à 1 million de km² ) en septembre, pour la première fois — et dans le meilleur des cas — avant 2050.

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Évolution de la superficie de la banquise arctique au cours de la période historique et selon les projections de trois scénarios en (a – c) mars et (d – f) septembre en fonction (a, d) des émissions anthropiques cumulées de CO2 , (b, e) de l’anomalie de température annuelle moyenne de surface et (c, f) pour tous les modèles couplés d’inter-comparaison disponibles. Crédits : Communauté SIMIP/D. Notz, Geophysical Research Letters, Vol. 47, n°10, mai 2020.

Aujourd’hui, l’étau se resserre : une nouvelle modélisation affirme que la glace marine arctique ne persistera, en été, encore qu’une quinzaine d’années environ. Pour les auteurs de l’étude, c’est le moment ou jamais de prendre les dispositions qui s’imposent : « La perspective d’une perte de glace de mer d’ici 2035 devrait vraiment concentrer tous nos esprits sur la réalisation d’un monde à faibles émissions de carbone », avertit Louise Sime, modélisatrice de paléoclimats au British Antarctic Survey et co-auteure principale.

2100, 2050, 2035, … On ne sait plus que croire ! Les études aux conclusions alarmistes se multiplient et le délai raccourcit. Du côté des experts, le nombre de facteurs à considérer est tel qu’il n’est pas si simple de prédire l’avenir avec précision. Néanmoins, Sime explique que la dernière période chaude de la Terre — bien plus chaude que celle que nous traversons actuellement — qui a eu lieu il y a environ 130’000 ans, peut apporter beaucoup d’éléments pour mieux cerner le phénomène.

Le nouveau modèle prédictif qu’elle a établi avec son équipe suggère que l’Arctique était très probablement libre de glace pendant les étés de la dernière période interglaciaire. La présence d’étangs de fonte a semble-t-il largement contribué au phénomène, bien plus que la couverture nuageuse ou les courants océaniques, considérés jusqu’à présent comme principaux facteurs du réchauffement de l’Arctique.

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Étang de fonte photographié sur les glaces de l’Arctique en juillet 2014. Ces taches bleues apparaissent en été, là où de la neige fondue s’accumule. Crédits : NASA Earth Observatory

Des zones d’eau liquide qui accélèrent la fonte

Ces étangs de fonte apparaissent à la fin du printemps et en été, lorsque la pluie se mêle à la glace et à la neige fondues pour former de grandes flaques bleues peu profondes. Légèrement plus sombres que la glace qui les entoure, ces étendues d’eau dispersées réduisent la réflectance de surface et de ce fait, absorbent beaucoup plus de rayonnement solaire que le sol gelé. Par conséquent, la présence de cette eau liquide ne fait qu’accélérer la fonte des glaces environnantes.

En outre, ces étangs augmentent le potentiel de prolifération du phytoplancton dans l’océan juste en-dessous, ce qui contribue à rendre la glace plus instable, jusqu’à provoquer des failles s’ouvrant sur l’océan ; ces fractures dans la glace apportent elles aussi une absorption supplémentaire de chaleur.

Selon Sime et ses collaborateurs, si l’évolution de ces étangs de fonte pendant la dernière ère interglaciaire se répète dans les années à venir, la banquise estivale de l’Arctique pourrait disparaître au cours des prochaines décennies, plus précisément entre 2035 et 2086. Sachant que le plus tôt est le plus probable : la moitié des modèles étudiés aboutissent à une disparition de la glace entre 2030 et 2040 !

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Dans le pire scénario, si rien n’est entrepris pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et que les populations et l’économie continuent à croître sans limites, les auteurs prévoient la dernière disparition de glace en 2066.

Les chercheurs qui ont participé à l’étude rappelle que leur estimation est loin d’être parfaite. Il s’agit d’une prédiction, basée sur ce qui s’est passé aux périodes les plus chaudes de la planète et sur les données actuelles de l’atmosphère, de l’océan et de la glace. Elle n’est pas une mesure directe de la fonte des glaces marines d’aujourd’hui. Cette analyse est donc à prendre avec du recul, mais elle corrobore néanmoins des modèles plus récents qui attestent que la banquise va disparaître bien plus rapidement que prévu.

Ce « décalage » avec les estimations antérieures est dû en grande partie à la non prise en compte des systèmes de rétroaction, tels que les étangs de fonte, qui se font de plus en plus nombreux. « Cela devrait préoccuper énormément les communautés de l’Arctique et les climatologues », insistent les auteurs.

Source : Nature Climate Change, Guarino et al.

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