Des fossiles de tardigrades extrêmement rares révèlent à quel moment ils sont devenus quasi immortels

Cela leur aurait permis de survivre à la Grande Extinction du Permien.

fossiles tardigrades indestructibles
Vue d'artiste des deux spécimens de tardigrades conservés dans de l'ambre et analysés dans l'étude. | MA Mapalo et al.
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En étudiant deux fossiles de tardigrades emprisonnés dans de l’ambre, des chercheurs suggèrent que leur capacité à entrer en cryptobiose est apparue dès le Carbonifère (il y a entre 359 et 299 millions d’années), bien avant la « Grande Extinction » du Permien — la plus meurtrière de l’histoire de la Terre. Cette capacité leur aurait notamment permis de survivre à cette extinction de masse et de développer des stratégies de survie uniques qui ont persisté jusqu’aux taxons modernes.

Les tardigrades sont des arthropodes microscopiques dodus à 8 pattes apparentés à la famille des amphibiens. Ils sont surtout connus pour leur incroyable capacité à survivre dans des environnements extrêmes, allant des fonds marins au vide spatial, en passant par l’Antarctique et les milieux hautement radioactifs. Cela est principalement dû à leur capacité à entrer en cryptobiose, un état de biostase leur permettant de suspendre leur métabolisme jusqu’au retour de conditions plus favorables.

Dans un environnement dépourvu d’eau, les tardigrades entrent par exemple dans un état cryptobiotique appelé « anhydrobiose ». Ils expulsent la totalité de l’eau de leur corps et suspendent totalement leur métabolisme, jusqu’à leur réhydratation. La plupart des organismes anhydrobiotiques protègent leurs cellules des dommages induits par la dessiccation en accumulant des sucres réducteurs. Cependant, les tardigrades sécrètent des protéines spécifiques protégeant à la fois leurs cellules et leur ADN. Ces protéines sont d’ailleurs explorées pour de potentielles applications de la biostase chez l’Homme, comme nous l’avons rapporté dans un précédent article d’investigation.

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On estime que leurs premiers ancêtres remontent au Cambrien, il y a environ 539 millions d’années, mais que la lignée des tardigrades actuels (plus de 1 100 espèces différentes) a divergé il y a entre 155 et 66 millions d’années. Cependant, malgré leur omniprésence dans la biosphère, nous ne savons toujours pas quand cette exceptionnelle stratégie de survie est apparue pour la première fois.

En effet, les fossiles de tardigrades sont extrêmement rares, ce qui limite considérablement l’étude de leur évolution. Au total, seuls 4 fossiles de tardigrades ont été répertoriés jusqu’ici, tous conservés dans de l’ambre. Seuls deux d’entre eux ont été correctement identifiés, en raison de limitations techniques.

En utilisant une technique d’imagerie avancée, l’équipe de recherche, de l’Université Harvard, a observé les deux spécimens fossiles avec une résolution sans précédent. « Nous utilisons de nouvelles données sur la morphologie et les affinités de ces fossiles pour éclairer la chronologie des origines des tardigrades, en nous basant sur de nouvelles estimations de l’horloge moléculaire qui incluent un échantillon complet de la diversité des tardigrades existants », expliquent-ils dans la nouvelle étude, détaillée dans la revue Communications Biology.

Une capacité apparue au Carbonifère, avant la « Grande Extinction » du Permien

L’équipe de recherche a étudié deux spécimens emprisonnés dans un galet d’ambre datant d’il y a 72 à 83 millions d’années, soit à l’époque où les dinosaures étaient encore présents. Bien que l’ambre ait été conservé pendant plusieurs décennies au musée de Harvard, elle a jusqu’à présent été très peu étudiée en raison de son opacité, de la taille des fossiles et des limitations en matière de techniques d’imagerie.

tardigrade fossile
Vue ventrale du Beorn leggi. A. Spécimen photographié en lumière transmise sous microscope composé. B. Spécimen photographié en autofluorescence sous microscope confocal à 639 nm. C. Dessin schématique. © MA Mapalo et al.

Afin de surmonter ce problème, l’équipe a utilisé la microscopie confocale à fluorescence, une technique d’imagerie permettant une résolution optique accrue. La morphologie externe des fossiles a été capturée en détail en reconstituant des images composites en haute résolution.

En analysant les images, les chercheurs ont relevé des détails jusqu’à présent non identifiés au niveau des griffes des deux spécimens. Les griffes constituent des caractéristiques taxonomiques essentielles chez les tardigrades. Cela a permis de déterminer que l’un des fossiles était un nouveau taxon baptisé Aerobius dactylus, tandis que l’autre est un Beorn leggi, décrit pour la première fois en 1963. La classification de ce dernier a également été révisée, incluant les deux espèces dans la même superfamille des Hypsibiidae.

Le réétalonnage de l’arbre généalogique des deux spécimens a ensuite permis aux chercheurs de calculer le moment où leurs lignées ont divergé, permettant ainsi d’estimer la date d’apparition de la cryptobiose. D’après les analyses, cette capacité serait apparue il y a entre 430 et 175 millions d’années chez le premier taxon et il y a entre 382 et 175 millions d’années chez le second.

fossile tardigrade
Relations phylogénétiques de Beorn leggi et Aerobius dactylus. A. Résultat phylogénétique de l’approche de preuve totale utilisant 36 caractères morphologiques et des séquences d’ARNr 18S de 1774 pb. B. Reconstruction artistique des deux spécimens fossiles par Franz Anthony. © MA Mapalo et al.

Ces résultats suggèrent ainsi que la cryptobiose est apparue chez les tardigrades au cours du Carbonifère, soit avant la Grande Extinction du Permien, qui s’est produite il y a environ 252 millions d’années. Il s’agit de l’événement d’extinction massive le plus meurtrier de l’histoire de la Terre, anéantissant 96 % et 70 % de la vie marine et terrestre, respectivement. Les experts en ont déduit que la cryptobiose a probablement permis aux tardigrades de survivre à cette extinction massive et de subsister jusqu’à aujourd’hui.

Toutefois, davantage de fossiles doivent être étudiés afin de confirmer véritablement l’apparition de cette remarquable capacité d’adaptation chez les tardigrades. « J’espère qu’en partageant ce résultat, nous inciterons d’autres personnes à prendre conscience de l’existence des tardigrades fossiles et qu’il en reste encore d’autres à découvrir », conclut l’auteur principal de l’étude, Marc A. Mapalo, dans un article publié dans Scientific American.

Source : Communications Biology

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