Fusion neuronale : l’origine des symptômes neurologiques du COVID long enfin élucidée ?

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À l’heure actuelle, les mécanismes induisant les symptômes neurologiques du « COVID long » sont encore largement méconnus. Une étude parue dans la revue Science Advances a mené à une découverte inédite : le SARS-CoV-2 peut provoquer une « fusion neuronale ». Les changements profonds qui en résultent seraient à l’origine des symptômes neurologiques chroniques de la maladie.

Un grand nombre de virus issus de différentes familles peuvent affecter le système nerveux, tels que le virus de la rage, le virus d’Epstein-Barr, Zika et maintenant le SARS-CoV-2. Dans ce dernier cas, les symptômes vont des maux de tête aux crises d’épilepsie, en passant par la perte du goût et de l’odorat, la confusion mentale, le brouillard cérébral, la fatigue, voire des engourdissements/fourmillements. Dans les cas les plus graves, les infections virales cérébrales peuvent entraîner une encéphalite, une méningite et des déficits neuronaux irréversibles et potentiellement mortels.

Selon la compréhension actuelle des conséquences d’une infection virale au niveau des neurones, ces symptômes ont pour origine soit la mort cellulaire, soit une réaction inflammatoire. Cependant, certains types de virus ne tuent pas leurs cellules hôtes. Les séquelles neurologiques induites par ces derniers ne peuvent ainsi s’expliquer que par la mort neuronale et impliquent ainsi inévitablement l’existence de mécanismes sous-jacents.

D’après l’auteur principal de l’étude, chercheur au Queensland Brain Institute de l’Université du Queensland, Ramon Martinez-Marmol, cette étude « révèle un nouveau mécanisme pour les événements neurologiques qui se produisent lors d’une infection virale. Il s’agit potentiellement d’une cause majeure de maladies neurologiques et de symptômes cliniques encore inexplorée ».

Les réovirus, ou les virus à enveloppe, tels que le SARS-CoV-2, se servent de molécules spécialisées dites « fusogènes » pour fusionner avec les membranes des cellules hôtes et y diffuser leur matériel génétique. Cette intrusion permet ensuite au virus de « saboter » la machinerie cellulaire normale, qui se met à produire de nouveaux composants viraux et des fusogènes nouvellement synthétisés. Les cellules infectées arborent à leur tour ces nouveaux fusogènes et ont la capacité de fusionner ou d’infecter les cellules voisines. La fusion de ces cellules infectées avec d’autres cellules engendre de plus grandes versions multicellulaires, appelées syncytiums. Ces dernières permettent une propagation virale interne, sans besoin de virions extracellulaires.

L’étude menée par les chercheurs australiens suggère que ce processus de fusion s’applique aux neurones infectés par le SARS-CoV-2. « Nous avons découvert que la COVID-19 fait subir aux neurones un processus de fusion cellulaire, qui n’a jamais été vu auparavant », affirme Massimo Hilliard, chercheur au même département que Martinez-Marmol et coauteur de l’étude. Bien que les mécanismes exacts ne soient pas encore entièrement compris, les scientifiques soupçonnent cet effet de fusion d’être à l’origine des dysfonctionnements neuronaux observés dans le COVID long.

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Des neurones fusionnés (en jaune) exprimant le fusogène Spike du SARS-CoV-2. © Université du Queensland

Des séquelles potentiellement graves

L’ensemble du système nerveux est composé de milliards de neurones agissant en tant qu’unités individuelles. Leur développement et leurs actions conjointes se basent sur l’intercommunication (par le biais des synapses) et non sur la fusion cellulaire. Le maintien de cette individualité est ainsi essentiel au fonctionnement du système nerveux. Cependant, lors d’une infection au SARS-CoV-2, la protéine fusogène S (ou protéine Spike) se retrouve au niveau des membranes neuronales. Au lieu de mourir, ces neurones fusionnent, à l’instar des autres cellules de l’organisme infectées par le virus.

Après observations in vitro, les chercheurs ont constaté que les fusions s’effectuent soit entre les neurones, soit entre les neurones et les cellules gliales, soit entre les cellules gliales uniquement. D’après Martinez-Marmol et son équipe, ces cellules fusionnées s’activent de manière synchrone, ou elles cessent complètement de fonctionner. Pour l’analogie, les chercheurs comparent les neurones aux circuits reliant des interrupteurs qui contrôlent la lumière dans deux salles différentes. Si les circuits fusionnent, les interrupteurs allument soit les lumières dans les deux salles en même temps, soit aucune des deux.

Cet effet de fusion affecte sévèrement l’activité neuronale et pourrait l’altérer de façon permanente, ces cellules agissant de manière complètement indépendante. Par ailleurs, de précédentes études ont montré que les virus induisant une fusion neuronale peuvent engendrer de graves séquelles sur le système nerveux, allant parfois jusqu’à la paralysie.

Par ailleurs, la fusion neuronale induite serait progressive et conduirait à la formation de syncytiums tout en provoquant une propagation de grosses molécules et d’organites. L’ensemble de ces mécanismes fournit une explication potentielle aux effets neurologiques persistants du COVID long.

Source : Science Advances

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