Un consortium international de scientifiques lève le voile sur les bases génétiques de la migraine, trouble cérébral affectant plus d’un milliard d’individus dans le monde. Leur étude, à l’ampleur sans précédent, triple le nombre de facteurs de risques connus, révélant plus de 120 régions du génome impliquées. Revenons sur ces découvertes inattendues ouvrant de nouvelles voies dans le traitement de ce trouble.
La migraine est une pathologie chronique caractérisée par des crises récurrentes se traduisant essentiellement par d’intenses céphalées. Elle est due à une excitabilité neuronale anormale, liée à des facteurs génétiques complexes associés à des facteurs environnementaux. On distingue deux principaux types de crises migraineuses : les migraines sans aura, et les migraines avec aura, c’est-à-dire accompagnées ou précédées de troubles neurologiques transitoires affectant la vision, l’équilibre, voire la parole.
Une ou plusieurs maladies neurovasculaires ?
Même si son origine exacte est inconnue, la migraine est généralement considérée comme un trouble neurovasculaire, aux mécanismes pathologiques impliquant à la fois le système nerveux et les vaisseaux sanguins intracrâniens. La question est de savoir si les deux types de migraines sont en fait deux troubles distincts ou partagent un patrimoine génétique similaire.
Les chercheurs de l’International Headache Genetics Consortium ont mené une méta-analyse GWAS (en anglais « genome-wide association study ») de la migraine, rassemblant plus de 102 000 cas pathologiques et 700 000 cas témoins, soit la plus importante étude d’association pangénomique actuelle. L’objectif est d’établir les corrélations entre des variations génétiques et des traits phénotypiques chez les personnes souffrant soit de migraine en général, soit de l’un des deux types de migraines.
Les travaux de recherche ont révélé 123 loci (régions génomiques) liés au risque de migraine, dont 86 inconnus lors d’une précédente méta-analyse de la migraine. Les analyses ont mis en évidence trois variantes de risque (dans HMOX2, CACNA1A et MPPED2) qui semblent spécifiques à la migraine avec aura, avec une probabilité supérieure à 95%. Deux autres loci semblent spécifiques à la migraine sans aura.
Heidi Hautakangas, de l’Institut de médecine moléculaire de Finlande (Université d’Helsinki) et auteur principal de l’étude, déclare : « En plus d’impliquer des dizaines de nouvelles régions du génome, notre étude offre la première opportunité significative d’évaluer des composants génétiques partagés et distincts dans les deux principaux sous-types de migraines ».
Afin d’éclaircir l’implication du système neurovasculaire dans l’apparition de la migraine, une analyse d’enrichissement est lancée. Classiquement, une fois les loci d’intérêt définis, puis surexprimés, les processus biologiques, fonctions moléculaires et composants cellulaires les plus affectés par cette surexpression sont déterminés.
Ici, les signaux de la migraine sont enrichis pour les gènes fortement exprimés dans l’aorte et les artères tibiales et coronaires. En conséquence, les mécanismes neurovasculaires, liant flux sanguin dans le cerveau et système nerveux central, sous-tendent bien la physiopathologie de la migraine.
Nouveaux espoirs de cibles thérapeutiques
Les découvertes incluent également de nouvelles régions du génome à risque, contenant des gènes visés par les nouveaux médicaments contre la migraine. En particulier, il s’agit d’une région appelée CALCA/CALCB, située sur le chromosome 11 et codant pour le peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP). Les anticorps monoclonaux liés au CGRP, appelés gépants, sont particulièrement efficaces dans le traitement préventif de la migraine.
Une seconde région du génome contient le gène HTR1F, codant pour le récepteur de la sérotonine 5-HT1F, cible d’une autre classe récente de médicaments contre la migraine, les ditans. Les ditans constituent un traitement aigu prometteur, en particulier pour les patients migraineux qui ne peuvent pas utiliser les triptans en raison de facteurs de risque cardiovasculaire.
« Ces deux nouvelles associations à proximité de gènes déjà ciblés par des médicaments efficaces contre la migraine suggèrent qu’il pourrait y avoir d’autres cibles médicamenteuses potentielles parmi les nouvelles régions génomiques. Elles fournissent une justification claire pour de futures études génétiques avec des échantillons encore plus grands », a déclaré le Dr Matti. Pirinen de l’Université de Finlande, qui a dirigé l’étude.
La migraine est un fardeau majeur dans le monde, étant le second contributeur au nombre d’années vécues avec un handicap. Il existe clairement un besoin important de nouveaux traitements. Les données GWAS contenant des informations sur les types de migraines, révèleront davantage la biologie hétérogène de la pathologie. Elles pourront entre autres aider à hiérarchiser les cibles des traitements par une symptomatologie ajustée et accélèreront les innovations thérapeutiques.