Des archéologues ont découvert une gigantesque fosse commune d’anciennes victimes de la peste sur un site de construction à Nuremberg, en Allemagne. Dans la fosse, datant de la première moitié du 17e siècle, près de 500 individus de tous âges et de toutes catégories sociales ont été identifiés à ce jour. Alors que les fouilles sont toujours en cours, la zone pourrait contenir plus de 1500 squelettes supplémentaires selon les estimations, ce qui en ferait le plus grand charnier de peste jamais découvert en Europe.
Sévissant vers le milieu du 14e siècle, la peste noire est la pandémie la plus meurtrière de l’histoire, ayant fait jusqu’à 200 millions de victimes à travers le monde. En Europe, elle a décimé entre 30 et 60 % de la population en seulement 5-6 ans, soit environ 25 millions de victimes. Cependant, alors que cette première vague de pandémie est considérée comme la plus dévastatrice, la maladie a enregistré plusieurs recrudescences sporadiques jusqu’au début du 19e siècle.
Ces recrudescences ont par exemple eu lieu dans différentes régions et villes européennes, dont Nuremberg. Cette dernière accueille d’ailleurs un célèbre cimetière dédié aux victimes de la peste de 1517-1518 : Saint-Roch. D’autre part, la recrudescence de 1632-1633 aurait été plus dévastatrice que les précédentes, en raison des impacts de la guerre de Trente Ans en Europe (1618 à 1648). Au cours de cette période, Nuremberg était encerclé par différentes troupes armées et la population vivait dans des conditions sanitaires déplorables.
Cependant, alors que les archives historiques montrent que les cimetières destinés aux victimes de la peste sont habituellement situés à l’extérieur de la ville, le personnel de l’entreprise immobilière WBG Nürnberg Immobilien est tombé sur une gigantesque fosse commune en pleine ville. S’étendant sur environ 5900 mètres carrés, le terrain est situé dans le quartier de St Johannis, près de Pegnitzgrund. La société y effectuait initialement des travaux de terrassement pour la construction d’une maison de retraite. Le site a temporairement été confié à une équipe d’archéologues locale.
Une pratique funéraire inhabituelle
En analysant le site de St Johannis, les archéologues ont découvert 8 fosses contenant chacune plusieurs centaines de corps. Plus de 500 dépouilles d’hommes, de femmes, d’enfants et de personnes âgées, issues de toutes les catégories sociales, ont été exhumées jusqu’ici. La datation au radiocarbone situe le site entre la fin du 15e et le début du 17e siècle, tandis que les pièces de monnaie et les morceaux de poterie retrouvés datent du début du 20e siècle. Certains os sont teintés de vert, car la zone a été pendant un certain temps utilisée pour l’évacuation des déchets d’une usine de cuivre située à proximité.
Toutefois, la peste ne laisse pas de traces visibles sur les os des victimes et des analyses ADN doivent encore être effectuées pour confirmer la présence de traces de la bactérie responsable de la maladie. Néanmoins, la datation des sépultures concorde avec la recrudescence de l’épidémie dans la région. De plus, une note datant de 1634 et décrivant une épidémie de peste en 1632 et 1633 à Nuremberg a été trouvée sur les lieux. Cette note indique qu’il y aurait eu 15 000 victimes, dont 2000 enterrées sur le site en question. « Nous pensons actuellement qu’une fois les travaux terminés au printemps, le site sera considéré comme le plus grand cimetière d’urgence pour les victimes de la peste en Europe », a déclaré Melanie Langbein, du département de conservation du patrimoine de Nuremberg, lors d’une conférence de presse relayée par WBG.
D’autre part, ces victimes n’ont visiblement pas bénéficié de sépultures et de funérailles ordinaires. « Cela indique qu’il y aurait eu un grand nombre de morts enterrés dans un court laps de temps, sans tenir compte des pratiques funéraires chrétiennes », a expliqué l’experte à CNN. Cela concorde avec la présence d’une épidémie fulgurante nécessitant des inhumations en urgence. En effet, la peste bubonique peut mener à la mort en quelques jours, tandis que la peste pulmonaire pouvait parfois tuer en seulement un ou deux jours (voire moins de 24 heures).
Cette découverte revêt une importance majeure quant à l’histoire de la maladie en Europe. En effet, « pour la première fois, une analyse empiriquement fiable d’un grand groupe de population de cette période peut être réalisée pour une ville de l’importance de Nuremberg », a indiqué le maire de la ville, Marcus König. Langbein et ses collègues prévoient une première exposition pour l’automne 2025. En attendant, les fouilles se poursuivront et les restes exhumés seront archivés et sécurisés.