Du givre représentant plus de 150 000 tonnes d’eau découvert au sommet des volcans martiens

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Le givre au sommet d'Olympus Mons, coloré en bleu. | ESA/DLR/FU Berlin
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De fines couches de givre ont été détectées au sommet des volcans de la région martienne de Tharsis, les plus hauts du système solaire. Présente pendant quelques heures après le lever du Soleil avant de s’évaporer, cette glace pourrait représenter au moins 150 000 tonnes d’eau — soit l’équivalent de 60 piscines olympiques. Alors qu’on pensait initialement que la présence de glace d’eau dans cette région était peu probable, cette découverte offre un nouvel aperçu du cycle de l’eau sur la planète.

La région Tharsis est une vaste zone volcanique située sous les tropiques de Mars. Elle couvre une région d’environ 5000 kilomètres de long et s’élève en moyenne à 5 kilomètres au-dessus des plaines. Elle abrite non seulement les plus hauts volcans de la planète, mais également de tout le système solaire, tels qu’Olympus Mons (s’élevant à 21 km d’altitude), Arsia Mons et Ascraeus Mons (tous deux de 18 km de haut).

De nombreux phénomènes atmosphériques se produisent au niveau de la région Tharsis, dont la formation des nuages de glace d’eau. Ces nuages jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau de la planète, en transportant l’humidité sur des milliers de kilomètres entre les régions polaires et les zones équatoriales sèches. La région se situe également en plein milieu d’un circuit d’échange de vapeur d’eau au sein duquel entre 10 et 12 kg d’eau sont transférés chaque année entre les deux hémisphères.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Mis à part les régions polaires, la glace d’eau est produite saisonnièrement sous forme de givre au niveau des moyennes et basses latitudes. Il était auparavant admis que sa présence sous les tropiques est peu probable en raison des températures de surface élevées et de la sécheresse inhérente à la région.

« Nous pensions qu’il était improbable que du givre se forme autour de l’équateur de Mars, car le mélange de soleil et d’atmosphère ténue maintient les températures relativement élevées pendant la journée à la surface et au sommet des montagnes — contrairement à ce que nous observons sur Terre, où l’on pourrait s’attendre à voir des pics gelés », explique dans un communiqué de l’Université de Brown Adomas Valantinas. Cependant, dans le cadre d’une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Geoscience, Valantinas et ses collègues ont pour la première fois détecté du givre au sommet des volcans de la région Tharsis.

Du givre présent pendant quelques heures après le lever du Soleil

Pour effectuer son enquête, l’équipe a analysé plus de 30 000 images à haute résolution capturées par le système d’imagerie couleur et stéréo de surface (CaSSIS) de la sonde interplanétaire ExoMars Trace Gas Orbiter (TGO) de l’Agence spatiale européenne (ESA). Depuis avril 2018, CaSSIS fournit des données sur le déplacement des poussières, les changements saisonniers des dépôts de glace de CO2 et les « avalanches sèches » à la surface de la planète.

L’opération de Valantinas et son équipe consistait à détecter les traces de givre puis à confirmer qu’il s’agissait bien de glace d’eau. Pour ce faire, les chercheurs ont trié les images en fonction de l’endroit et du moment où elles ont été capturées (heure de la journée et saison). Cela a permis d’isoler les signatures spectrales indiquant la présence de givre et l’endroit où il s’est formé. Dans un deuxième temps, l’équipe a validé les observations à l’aide de la caméra stéréo haute résolution (HRSC) de l’orbiteur Mars Express et des spectromètres Nadir et Occultation (également à bord du TGO).

« En combinant les mesures de divers instruments et la modélisation, nous pouvons améliorer notre compréhension des interactions atmosphère-surface d’une manière qui ne serait pas possible avec un seul instrument », explique dans un communiqué de l’Université de Berne Ernst Hauber, géologue à l’Institut de recherche planétaire du DLR-Institut für Planetenforschung (à Berlin) et coauteur de l’étude.

givre mars
a, Vue globale de Mars avec l’emplacement d’Olympus Mons encadré en blanc. b, Image grand-angle d’Olympus Mons acquise tôt le matin. c, Vue agrandie de la caldeira d’Olympus Mons. d, Image couleur CaSSIS haute résolution du givre sur le fond de la caldeira et le bord nord d’Olympus Mons. e, Observation par canal NOMAD-LNO de la caldeira d’Olympus Mons. © A. Valantinas et al.

L’équipe a constaté que les sommets des volcans de Tharsis présentaient des traces de givre intermittentes. Elles se déposent au fond des caldeiras des volcans, de larges creux créés au sommet lors d’éruptions antérieures. Les données spectrométriques ont confirmé qu’il s’agissait bien de glace d’eau. Selon les chercheurs, elle se formerait par le biais de la circulation de l’air au-dessus de ces montagnes, créant un microclimat favorable à la formation de givre.

Le givre se condense toutes les nuits et ne reste au sommet des volcans que quelques heures après le lever du Soleil, avant de s’évaporer en raison de l’élévation de la température de surface. Il est aussi incroyablement fin et ne dépasserait pas le centième de millimètre d’épaisseur, soit environ celle d’un cheveu humain. Selon les experts, bien qu’elle soit fine, cette couche pourrait contenir plus de 150 000 tonnes d’eau, qui circulent ainsi chaque jour entre la surface et l’atmosphère durant les hivers martiens.

Ces résultats remettent en question les hypothèses précédentes suggérant que la glace d’eau ne peut se former à la surface de cette région martienne. Cela met ainsi en lumière une dynamique jusqu’à présent inexplorée du cycle de l’eau sur la planète. Les experts suggèrent qu’il s’agit peut-être d’un vestige d’un ancien cycle climatique. Il y a probablement eu des précipitations et des chutes de neige au sommet de ces volcans dans le passé.

Les chercheurs estiment que de nouvelles modélisations de la formation de givre pourraient révéler davantage d’informations sur le cycle de l’eau martien ainsi que sur sa dynamique atmosphérique complexe. Cela pourrait être très utile pour la recherche de traces de vie potentielles, ainsi que pour les futures missions habitées vers la planète. L’équipe prévoit des recherches dans ce sens en explorant d’anciens environnements hydrothermaux qui auraient pu abriter une forme de vie microbienne. En outre, des échantillons pourraient bientôt être ramenés sur Terre avec la mission Mars Sample Return de la NASA.

Source : Nature Geoscience

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