Mars : un gigantesque gisement de glace d’eau souterrain détecté dans une région équatoriale

Il y aurait suffisamment d’eau pour recouvrir entièrement la planète d’un océan peu profond…

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Carte montrant la quantité estimée de glace dans les monticules qui forment la Formation de Medusae Fossae (MFF). | Planetary Science Institute/Smithsonian Institution
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Une épaisse couche de glace est enfouie jusqu’à 3,7 kilomètres sous une région équatoriale martienne appelée Formation Medusae Fossae (MFF), selon une récente analyse. Contenant suffisamment d’eau pour recouvrir entièrement la planète d’un océan peu profond,  il s’agirait de la plus grande étendue de glace d’eau détectée jusqu’à présent dans cette région — un emplacement idéal pour l’atterrissage de futures missions martiennes.

La formation MFF est un ensemble de dépôts sédimentaires montagneux situés au niveau de la frontière entre les hautes et basses terres martiennes. Analysée il y a plus de 5 ans par la sonde spatiale Mars Express de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), il s’agirait d’une formation finement stratifiée et très friable, allant jusqu’à 2,5 kilomètres de profondeur et s’étendant sur près de 5000 kilomètres. Les données radar ont suggéré qu’elle pourrait constituer l’une des plus grandes réserves de poussière alimentant les tempêtes extrêmes se déroulant de façon saisonnière sur la planète.

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Carte montrant l’emplacement de la formation MFF. © ESA

On estime que la MFF se serait formée au cours des trois derniers milliards d’années, à partir d’anciennes coulées de lave et de cendres volcaniques. Cependant, les hypothèses concernant la manière exacte dont elle s’est formée ainsi que sa composition n’étaient pas suffisamment précises. En effet, les premières observations ont montré qu’elle était relativement transparente et de faible densité, suggérant des propriétés similaires à celles des sols polaires riches en glace d’eau. D’un autre côté, étant donné sa profondeur, si elle n’était constituée que de poussière, la MFF devrait se tasser sous son propre poids et être plus dense que ce que suggèrent les données radar.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

En analysant de nouvelles données issues du Mars Advanced Radar for Subsurface and Ionospheric Sounding (MARSIS), des chercheurs ont confirmé la présence d’un gigantesque gisement de glace d’eau enfouie sous les couches de poussière et de cendres de la MFF. « Lorsque nous avons modélisé le comportement de différents matériaux sans glace, rien n’a reproduit les propriétés du MFF : nous avions besoin de glace », explique dans un communiqué Andrea Cicchetti, de l’Institut national d’astrophysique d’Italie. Il s’agirait de la plus grande étendue de glace d’eau présente dans cette partie de la planète. Les résultats de l’étude — codirigée par le Smithsonian Institution — sont publiés dans la revue Geophysical Research Letters.

Un volume d’eau qui pourrait entièrement recouvrir la planète

Les données transmises par le radar MARSIS ont révélé que les propriétés électriques et la densité du MFF étaient hautement similaires à celles des sols polaires martiens riches en glace d’eau. La modélisation du comportement de compactage des sédiments a notamment montré que ces propriétés ne correspondaient pas à celles des dépôts qui n’ont pas de glace remplissant leurs pores.

Des analyses supplémentaires ont également indiqué la présence de couches sédimentaires spécifiques, similaires à celles retrouvées dans les dépôts polaires riches en glace d’eau. « Il est intéressant de constater que les signaux radar correspondent à ce que nous attendons des couches de glace et sont similaires aux signaux des calottes polaires de Mars, dont nous savons qu’elles sont très riches en glace », indique Watters.

Les nouvelles données suggèrent également que la MFF atteint une épaisseur maximale de 3,7 kilomètres. La partie riche en glace serait enfouie sous une épaisse couche sèche et isolante de plusieurs centaines de mètres d’épaisseur, constituée de poussières et de cendres volcaniques. Le volume d’eau estimé équivaudrait à 50 % de celui contenu au niveau de la calotte polaire nord de la planète, soit bien plus que le volume total d’eau de tous les grands lacs d’Amérique du Nord ! Ce volume d’eau serait d’ailleurs suffisant pour recouvrir entièrement la planète d’un océan de 1,5 à 3 mètres de profondeur.

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Graphique montrant la profondeur estimée de la couche de glace du MFF. © ESA

En outre, le gisement est idéalement situé au niveau d’une région de basse latitude, au niveau de laquelle les engins spatiaux pourraient facilement atterrir. Toutefois, il serait pour le moment difficile de l’exploiter avec les dispositifs de forage actuels, étant donné sa profondeur. D’autre part, il est important de noter qu’il ne s’agit pas d’un bloc de glace d’eau pure, mais d’un gisement à forte concentration de poussière. Il ne serait ainsi exploitable que par le biais de dispositifs complexes de forage et de traitement d’eau.

Une accumulation due à l’inclinaison de l’axe de rotation

Selon Watters, « un gisement MFF riche en glace a des implications importantes pour le paléoclimat de Mars et pourrait être potentiellement d’une grande valeur pour la future exploration humaine de Mars ». L’hypothèse la plus probable serait qu’il se soit formé au niveau de l’équateur martien au cours des périodes de forte inclinaison de l’axe de rotation de la planète.

En effet, l’inclinaison de l’axe de rotation de Mars aurait varié de manière relativement chaotique au cours de son histoire. Si elle est actuellement inclinée de 25° (contre 23° pour la Terre) par rapport à son orbite, cet angle oscillait entre 10 et 60° dans le passé. Dans les conditions de forte inclinaison, la zone équatoriale aurait été beaucoup plus froide que les régions polaires, qui étaient alors plus exposées au Soleil. Cela aurait permis la formation et l’accumulation de glace d’eau au niveau de l’équateur.

Cependant, la question de savoir comment cette glace a fini par être enfouie profondément sous d’épaisses couches de cendres et de poussières reste pour l’instant sans réponse. « Cette dernière analyse remet en question notre compréhension de la formation Medusae Fossae et soulève autant de questions que de réponses », estime Colin Wilson, chercheur du projet Mars Express et ESA ExoMars. Néanmoins, ces nouvelles données fournissent de précieux indices pouvant améliorer notre compréhension de l’histoire géoclimatique de la planète.

Source : Geophysical Research Letters

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