Respirer dans l’espace avec de simples aimants plongés dans l’eau pour en extraire l’oxygène ?

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Le 29 août prochain, la mission Artémis 1, première mission du programme américain de retour sur la Lune, pourrait décoller cette semaine selon l’annonce de la NASA. La présence humaine dans l’espace requiert obligatoirement un approvisionnement en oxygène constant. Récemment, des scientifiques ont démontré une méthode d’extraction de l’oxygène de l’eau en environnement de microgravité à l’aide d’aimants. Cette méthode pourrait contribuer au développement de la technologie pour les futures missions spatiales à long terme.

L’exploration spatiale humaine se présente avec de multiples défis, avec au premier plan l’absence de forces de flottabilité en orbite. Cela entraîne des complications pour la séparation de phase dans les environnements de microgravité, qui est cependant un processus crucial pour une grande variété de technologies spatiales. Il s’agit notamment des dispositifs de gestion des propulseurs, du transfert de chaleur et des systèmes de survie comprenant la production d’oxygène, de carburants et d’autres produits chimiques, ainsi que l’élimination du dioxyde de carbone de l’air de la cabine et le recyclage des eaux usées, entre autres.

Faire respirer les astronautes à bord de la Station spatiale internationale et d’autres véhicules spatiaux est un processus compliqué et coûteux. Alors que les humains planifient de futures missions sur la Lune ou sur Mars, une meilleure technologie serait nécessaire. Un des podcasts officiels du Johnson Space Center de la NASA, en janvier 2022, aborde les progrès et des démonstrations technologiques à venir pour le système de génération d’oxygène de prochaine génération pour les vols spatiaux habités.

Une invitation à rêver, prête à être portée.

Actuellement, l’ISS est pourvue d’un système de survie régénératif. Kevin Takada, ingénieur système pour l’assemblage de génération d’oxygène de la station spatiale au Marshall Space Flight Center de la NASA en Alabama, explique : « En gros, on recycle beaucoup de déchets générés par les astronautes, principalement des eaux usées et du dioxyde de carbone. […] Ainsi, par exemple, une partie essentielle des eaux usées est l’urine. […] Grâce à notre assemblage, nous pouvons récupérer environ 87% de l’eau qui est dans l’urine, la transformer en eau potable pour la boire ou pour générer de l’oxygène. […] L’OGA (assemblage de génération d’oxygène) a été conçu il y a 20 ans, donc l’industrie a évolué et a fait les choses un peu mieux ».

Récemment, une façon plus efficace, rentable et viable de fabriquer de l’oxygène pour les astronautes dans l’espace a été proposée par une équipe internationale de chercheurs. Cette technologie repose sur le diamagnétisme, permettant la production d’oxygène à partir de l’eau en l’absence de force de flottabilité. Leurs travaux sont publiés dans npj Microgravity.

Absence de gravité, donc absence d’oxygène ?

Comme l’expliquent les auteurs de l’étude, le principal problème dans l’obtention d’oxygène dans l’espace est l’absence de gravité, impliquant une absence de flottabilité. En effet, sur Terre, la gravité joue un rôle important en aidant les bulles de CO2 à remonter à la surface et à y flotter, comme dans un verre de soda. Mais dans l’espace, les bulles n’ont nulle part où aller et restent en suspension dans le liquide.

L’auteur principal, Álvaro Romero-Calvo de l’Université du Colorado à Boulder, déclare dans un communiqué : « Sur la Station spatiale internationale, l’oxygène est généré à l’aide d’une cellule électrolytique qui divise l’eau en hydrogène et en oxygène, mais vous devez ensuite obtenir ces gaz hors du système ». La NASA utilise actuellement une centrifugeuse pour expulser les gaz, mais ces machines sont grandes et nécessitent une masse, une puissance et une maintenance importantes.

Sans compter qu’une analyse récente d’un chercheur de la NASA a conclu que l’adaptation de cette architecture pour un voyage sur Mars entraînerait des pénalités de masse et de fiabilité si importantes que cela n’aurait aucun sens de l’utiliser. En effet, il explique : « L’utilisation du système de génération d’oxygène de l’ISS n’est pas une approche réalisable pour le transit vers Mars. Il produirait moins que son propre poids en oxygène et coûterait probablement plus cher que l’oxygène présent dans les réservoirs. Le système de génération d’oxygène de l’ISS nécessite une refonte importante pour un fonctionnement satisfaisant […], incluant une masse plus faible, une meilleure fiabilité et maintenabilité, une plus grande sécurité, un durcissement par rayonnement et une capacité de fonctionnement au repos pour les missions à plus long terme ». C’est pourquoi les scientifiques ont passé des années à explorer comment les aimants peuvent être utilisés pour obtenir le « même » effet que l’OGA actuel de l’ISS.

Des aimants pour des séjours sur la Lune et pour se rendre sur Mars

Néanmoins, bien que les forces diamagnétiques soient bien connues et comprises, leur utilisation par les ingénieurs dans les applications spatiales n’a pas été pleinement explorée, car la gravité rend la technologie difficile à démontrer sur Terre. En effet, le diamagnétisme est un phénomène qui provient de la mécanique quantique et qui conduit à une force répulsive entre tout matériau et un aimant. Cette force est cependant très faible et difficilement observable dans la vie courante.

C’est pourquoi le Dr Katharina Brinkert, du département de chimie et du centre de technologie spatiale appliquée et de microgravité (ZARM) de l’Université de Warwick, a dirigé des tests expérimentaux dans une installation spéciale de « tour de chute libre » qui simule les conditions de microgravité. De manière concrète, il s’agit d’une tour de 146 mètres de haut qui envoie une capsule antichoc, en chute libre, s’effondrer au sol pour créer une brève fenêtre de temps d’expérience en microgravité.

Les scientifiques ont ainsi pu mettre au point une procédure pour détacher les bulles de gaz des surfaces des électrodes dans des environnements de microgravité générés, dans le cadre de cette étude, pendant 9,2 secondes. En d’autres termes, ils ont démontré que les bulles de gaz peuvent être « attirées » et « repoussées » par un simple aimant en néodyme, immergé dans différents types de solutions aqueuses.

Le professeur Hanspeter Schaub de l’Université du Colorado à Boulder, co-auteur, déclare : « Après des années de recherche analytique et informatique, la possibilité d’utiliser cette incroyable tour de largage en Allemagne a fourni la preuve concrète que ce concept fonctionnera dans l’environnement spatial zéro-g ».

La recherche pourrait ouvrir de nouvelles voies aux scientifiques et aux ingénieurs développant des systèmes d’oxygène ainsi que d’autres recherches spatiales impliquant des changements de phase liquide-gaz. Le Dr Brinkert conclut : « Ces effets ont des conséquences énormes pour le développement ultérieur des systèmes de séparation de phase, comme pour les missions spatiales à long terme, suggérant qu’une production efficace d’oxygène et, par exemple, d’hydrogène dans les systèmes de (photo-)électrolyseurs d’eau, peut être obtenue, même en l’absence quasi totale de force flottante ».

Source : npj Microgravity

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