Les chercheurs de Google Quantum AI ont mis au point un nouvel algorithme capable de résoudre des problèmes 13 000 fois plus rapidement que les meilleurs supercalculateurs. Baptisé « Quantum Echoes » et testé sur le processeur quantique Willow de l’entreprise, il s’agirait du premier algorithme à démontrer un avantage quantique vérifiable. Cette avancée rapproche un peu plus la perspective d’ordinateurs quantiques réellement exploitables pour des applications concrètes.
La puissance de calcul des ordinateurs quantiques pourrait transformer la découverte de médicaments, la science des matériaux ou encore la physique fondamentale. Ces dernières années ont été marquées par d’importants progrès, les plus grands processeurs comptant désormais plus de 1 000 qubits. Des avancées significatives ont également été obtenues dans le domaine de la correction d’erreurs, un aspect crucial pour ces systèmes sujets aux perturbations environnementales.
Lancé en décembre 2024, le processeur quantique (ou unité de traitement quantique) Willow de Google Quantum AI illustre bien ces progrès. Il s’agit du premier dispositif de son genre capable de réduire les erreurs à mesure que le nombre de qubits augmente. Même si les ordinateurs quantiques atteignaient le million de qubits — un ordre de grandeur considéré comme nécessaire pour un usage pleinement fonctionnel —, les seules améliorations matérielles ne suffiraient pas à garantir un fonctionnement opérationnel.
Pour cela, les progrès du matériel doivent s’accompagner de logiciels capables d’amener les performances à leur plein potentiel. « Les éléments logiciels et matériels doivent exister et fonctionner ensemble pour que l’informatique, qu’elle soit classique ou quantique, puisse contribuer à la résolution des problèmes futurs », explique Xiao Mi, chercheur chez Google Quantum AI, à Live Science. « Les algorithmes quantiques indiquent à l’ordinateur quantique comment résoudre les problèmes de la manière la plus efficace, à l’instar des logiciels dans l’informatique classique », ajoute-t-il.
Un « écho » quantique boostant la puissance de calcul
Mi et ses collègues ont conçu l’algorithme Quantum Echoes pour résoudre des problèmes sur Willow et ont démontré un avantage quantique vérifiable. « C’est la première fois dans l’histoire qu’un ordinateur quantique exécute un algorithme vérifiable surpassant les capacités des supercalculateurs », écrivent dans un billet de blog de Google Hartmut Neven, fondateur et responsable de Google Quantum AI, et Vadim Smelyanskiy, directeur de la branche Quantum Pathfinding.
« La vérifiabilité quantique signifie que le résultat peut être reproduit sur notre ordinateur quantique — ou sur tout autre de performances comparables — pour obtenir la même réponse, confirmant ainsi la validité du calcul », précisent-ils. « Ce calcul répétable, au-delà des méthodes classiques, constitue la base d’une vérification évolutive et ouvre la voie à des ordinateurs quantiques d’application pratique. »
Quantum Echoes, comme son nom l’indique, repose sur un effet d’écho particulièrement sophistiqué. Un signal est envoyé dans le système quantique puis inversé pour « écouter » l’écho qui revient, l’ensemble étant amplifié par l’interférence constructive. Ce phénomène, typique des ondes qui se renforcent mutuellement en se superposant, améliore considérablement la sensibilité du système de mesure, selon les chercheurs.
Plus précisément, les scientifiques ont exécuté une série d’opérations sur un réseau d’environ 100 qubits sur Willow. Un des qubits a ensuite été perturbé pour que le système répète exactement les mêmes opérations en sens inverse. Les performances de l’algorithme ont ensuite été évaluées à l’aide de tests de « red teaming », une méthode empruntée à la cybersécurité.
D’après les résultats publiés dans la revue Nature, le système a exécuté des calculs 13 000 fois plus rapidement que ceux qui prendraient environ dix ans aux meilleurs supercalculateurs actuels.
Une première application concrète en chimie
Dans une étude connexe, publiée sur la plateforme de prépublication arXiv, l’équipe a exploré les applications potentielles de l’algorithme pour résoudre des problèmes concrets. Les chercheurs ont conçu un circuit quantique reproduisant la dynamique moléculaire observée en spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN).
Fonctionnant comme un microscope moléculaire capable de visualiser la position des atomes, la spectroscopie RMN est un outil clé de la chimie pour déterminer la structure des molécules. Quantum Echoes et Willow ont été utilisés pour analyser deux molécules, l’une de 15 atomes et l’autre de 28.
Les résultats obtenus correspondaient à ceux des expériences de RMN réalisées sur des systèmes classiques. « L’algorithme Quantum Echoes constitue un défi inédit car il modélise une expérience physique réelle. Il teste ainsi non seulement la complexité, mais aussi la précision du calcul final », expliquent Neven et Smelyanskiy. « C’est pourquoi nous le qualifions de “vérifiable quantiquement” : ses résultats peuvent être comparés et validés sur un autre ordinateur quantique de même calibre », ajoutent-ils. Les chercheurs précisent que cette approche offre également une nouvelle manière d’examiner les interactions atomiques avec une précision inédite.
Selon les chercheurs, ces avancées laissent entrevoir l’émergence d’applications pratiques, uniquement réalisables avec des ordinateurs quantiques, d’ici cinq ans. D’importants progrès restent toutefois nécessaires avant d’atteindre les millions de qubits requis pour cela. La prochaine étape pour l’équipe de Google consistera à concevoir des qubits logiques — formés de centaines voire de milliers de qubits physiques — dotés d’une durée de vie prolongée.


