Les ordinateurs quantiques bénéficient enfin d’un système de correction autonome des erreurs

Un taux d’exactitude porté à 99,97 %, contre 99,8 % pour les techniques conventionnelles.

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Un mini-réfrigérateur quantique (la puce carrée au centre du boîtier en cuivre) refroidit les qubits de manière autonome. | Lovisa Håkansson/Université de technologie Chalmers
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Une équipe de chercheurs a développé un « mini-réfrigérateur » quantique pouvant refroidir de manière autonome les qubits supraconducteurs à une température record de 22 millikelvins. Le nouveau dispositif a permis de réinitialiser les qubits sans nécessiter de surveillance et d’obtenir un taux d’exactitude de 99,97 %, contre 99,8 % pour les techniques de refroidissement conventionnelles.

Les ordinateurs quantiques ont le potentiel de fortement impacter un grand nombre de domaines allant de la médecine à l’énergie, en passant par le chiffrement, l’IA, la science des matériaux, etc. Son énorme potentiel tient de la superposition quantique, qui permet d’effectuer des calculs extrêmement complexes. Alors que les bits classiques peuvent prendre une valeur de 0 ou de 1, les bits quantiques (qubits) peuvent exister dans une superposition quantique des états 0 et 1. Cela signifie qu’ils peuvent représenter une combinaison pondérée de 0 et 1 simultanément. Cette propriété leur permet de stocker et traiter des informations de manière exponentiellement plus riche.

Cependant, les applications pratiques des ordinateurs quantiques sont pour le moment encore limitées en raison de la vulnérabilité des qubits aux erreurs. « Les qubits, les éléments constitutifs d’un ordinateur quantique, sont extrêmement sensibles à leur environnement. Même une interférence électromagnétique extrêmement faible pénétrant dans l’ordinateur pourrait inverser la valeur du qubit de manière aléatoire, provoquant des erreurs – et par conséquent entravant le calcul quantique », explique dans un communiqué l’auteur principal de la nouvelle étude, Mohammed Ali Aamir, de l’Université de technologie Chalmers, en Suède.

L’une des techniques pour corriger les erreurs des qubits consiste à les refroidir de sorte à les réinitialiser à un état correct. En effet, les qubits entrent en état de décohérence lorsqu’ils surchauffent et accumulent trop d’énergie. « Cependant, les technologies thermiques quantiques restent des curiosités expérimentales et non des outils pratiques courants », expliquent Ali Aaamir et ses collègues de l’Université du Maryland (aux États-Unis), dans leur rapport publié hier dans la revue Nature Physics.

« Les principaux défis comprennent le contrôle et le refroidissement des machines thermiques quantiques à des températures qui supportent les phénomènes quantiques », indiquent les chercheurs. Afin de surmonter ces défis, l’équipe propose un système de refroidissement autonome qui, non seulement nécessite moins de matériel que les méthodes conventionnelles, mais est également plus efficace pour réinitialiser les qubits.

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Le nouveau réfrigérateur quantique (la puce carrée au centre du boîtier en cuivre sur l’image de gauche) est basé sur des circuits supraconducteurs. L’image de droite illustre son principe de fonctionnement : l’appareil, composé de deux qubits – l’un chaud et l’autre froid – refroidit un troisième qubit cible. Alimenté par la chaleur d’un environnement chaud proche, le réfrigérateur quantique extrait de manière autonome l’énergie thermique du qubit cible et la déverse dans un environnement froid. En conséquence, le qubit cible atteint un état fondamental de haute qualité avec une erreur minimale, prêt pour un calcul quantique efficace. © Lovisa Håkansson/Université de technologie Chalmers

Un système alimenté naturellement par son environnement

De nombreux ordinateurs quantiques sont basés sur des circuits électriques supraconducteurs, dont la résistance nulle permet de préserver les informations de manière optimale. Toutefois, afin de préserver les qubits des erreurs, ils doivent être refroidis à une température proche du zéro absolu (zéro Kelvin ou -273, 15 °C). Cette température permet de les placer dans leur état énergétique le plus bas, une condition essentielle à l’initiation d’un calcul.

Appelés réfrigérateurs à dilution, les systèmes de refroidissement actuels permettent de refroidir les qubits à environ 50 millikelvins au-dessus du zéro absolu. Cependant, d’après les lois de la thermodynamique, aucun processus fini ne peut refroidir un système jusqu’au zéro absolu. En conséquence, plus un système s’en rapproche, plus il est difficile de le refroidir davantage.

Le dispositif proposé par l’équipe d’Ali Aaamir pourrait compléter les réfrigérateurs à dilution en refroidissant les qubits supraconducteurs de manière autonome. Le système utilise les interactions entre différents qubits, notamment un qubit cible à refroidir et deux autres utilisés pour le refroidissement. Lorsque le qubit cible a trop d’énergie, la chaleur qu’il accumule est automatiquement évacuée vers les deux autres qubits, permettant ainsi de le réinitialiser. Un environnement chaud est placé à côté de l’un des qubits supraconducteurs de refroidissement et lui fournit de l’énergie pour extraire la chaleur.

« L’énergie de l’environnement thermique, canalisée par l’un des deux qubits du réfrigérateur quantique, pompe la chaleur du qubit cible vers le deuxième qubit du réfrigérateur quantique, qui est froid. Ce qubit froid est thermalisé dans un environnement froid, dans lequel la chaleur du qubit cible est finalement déversée », explique Nicole Yunger Halpern de l’Université du Maryland, coauteur de l’étude.

Le système est entièrement autonome dans la mesure où une fois démarré, il fonctionne sans nécessiter de contrôle externe et est alimenté par la chaleur qui résulte naturellement de la différence de température entre les deux bains thermaux. Il ne nécessite pas non plus de refonte majeure de l’ordinateur quantique, ni de branchement de nouveaux fils. « Cela ouvre la voie à des calculs quantiques plus fiables, sans erreurs, et nécessitant une infrastructure matérielle réduite », affirme Ali Aaamir.

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Schéma et diagramme de niveau du réfrigérateur à absorption quantique. a. Schéma conceptuel avec trois qubits. b. Micrographie en fausses couleurs du dispositif implémenté avec des circuits supraconducteurs. c. Diagramme de niveau montrant les produits tensoriels des états propres d’énergie des qubits. d. Distributions des fréquences de transition des qubits observées expérimentalement. © Mohammed Ali Aamir et al.

Un taux d’exactitude porté à 99,97 %

Le système a refroidi le qubit cible à une température de 22 millikelvins et atteint un taux d’exactitude de 99,97 %. En comparaison, les techniques de refroidissement précédentes permettent d’obtenir un taux d’exactitude de 99,8 à 99,92 %. « Cela peut sembler une petite différence, mais lorsque l’on effectue plusieurs calculs, cela se traduit par une amélioration majeure des performances des ordinateurs quantiques », indique l’expert.

Ces résultats constituent une preuve de concept des technologies thermiques quantiques autonomes et ouvrent la voie à l’expérimentation de nombreux autres projets en relation, dont certains proposés précédemment, mais jamais réalisés en raison de limitations maintenant levées. Parmi ces projets figurent par exemple les moteurs quantiques autonomes, les horloges quantiques autonomes et les ordinateurs quantiques dotés de fonctions autonomes guidées par les différences de température. L’équipe étudie actuellement la possibilité de poursuivre cette expérience.

Source : Nature Physics

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