L’Arctique est l’une des zones du monde les plus touchées par le réchauffement climatique, qui s’accentue depuis ces dernières années. Au cours des derniers mois, la calotte glaciaire arctique a fondu à un rythme sans précédent. Et il y a quelques jours, entre le 12 et le 13 juin, le Groenland a perdu environ 2 milliards de tonnes de glace sur 40% de son territoire. Cette tendance, désastreuse pour l’écosystème arctique, a également des répercussions dans le monde entier où elle impacte considérablement le climat global.
La glace fond à un rythme sans précédent à l’approche de l’été dans l’Arctique. Ces derniers jours, les observations ont révélé un événement de fonte record sur la calotte glaciaire du Groenland, alors que l’étendue de la glace sur l’océan Arctique n’a jamais été aussi basse à la mi-juin. Le Groenland a vu les températures monter jusqu’à 4.5 °C au-dessus de la normale mercredi 12 juin.
C’est « une autre série d’événements extrêmes qui correspond à la tendance à long terme d’un Arctique qui se réchauffe et se transforme » déclare Zachary Labe, chercheur en climatologie à l’Université de Californie à Irvine. Cette chaleur anormale et la fonte des glaces qui en résulte peuvent avoir des répercussions importantes sur le climat du reste du monde.
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Une fonte de la calotte glacière groenlandaise étonnamment précoce
Les données du Centre national de données sur la neige et les glaces montrent que la calotte glaciaire du Groenland semble avoir connu son plus gros événement de fonte aussi tôt dans la saison cette semaine (bien que quelques autres années aient montré une fonte similaire à la mi-juin). « La fonte est importante et précoce » déclare Jason Box, climatologue expert des glaces à la Commission géologique du Danemark et du Groenland.
Box a expliqué que les températures sur la calotte glaciaire de l’ouest du Groenland étaient anormalement élevées et que la neige était bien en dessous de la normale. Marco Tedesco, glaciologue à l’Université Columbia, a ajouté qu’il faisait exceptionnellement chaud dans l’est et le centre du Groenland. « Cela a provoqué une fonte généralisée qui a atteint environ 45% de la calotte glaciaire ».
Normalement, cette fonte généralisée de la calotte glaciaire ne se produit pas avant le milieu de l’été. Une simulation réalisée par le Centre européen de prévision météorologique à moyen terme a montré que les températures au Groenland pourraient avoir culminé à environ 4.5 °C au-dessus de la normale mercredi.
Un grand dôme de haute pression s’est positionné au-dessus du Groenland, ce qui a entraîné un ciel ensoleillé et des températures clémentes, qui ont permis la fonte de la glace. Une station météorologique automatisée située au sommet de la calotte glaciaire du Groenland a dépassé le point de gel le 12 juin, un événement très rare qui s’est produit pour la dernière fois en juillet 2012.
The @NOAA automatic weather station at Summit, Greenland, suggests air temperature flickered above 0°C at 19:30 LST June 12. 🤔https://t.co/Dy0e7uRiRx pic.twitter.com/EpOl2R5dmV
— William Colgan, Ph.D. (@GlacierBytes) June 13, 2019
2012 est l’année tristement célèbre au cours de laquelle la calotte glaciaire du Groenland a enregistré la plus importante fonte des glaces. Les scientifiques qui surveillent la banquise disent que la fonte de 2019 pourrait rivaliser avec elle. Les conditions météorologiques dans les prochains mois détermineront à quel point la calotte glaciaire fond et si 2019 sera un record. Si la pression est haute, « nous devrions battre un nouveau record » explique Xavier Fettweis, climatologue à l’université de Liège en Belgique.
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Mais les scientifiques qui étudient la région savent que la météo au Groenland est très variable et peut changer rapidement. Mike MacFerrin, un glaciologue à l’Université du Colorado, indique que « l’année 2019 a été… anormale… jusqu’à présent, mais également très variable ».
Une fonte généralisée des glaces arctiques sans précédent
Les satellites météorologiques surveillent la glace de mer dans l’Arctique depuis 1979, et la couverture de glace actuelle est la plus basse jamais enregistrée à la mi-juin. L’étendue de la glace a été particulièrement réduite dans la partie de l’océan Arctique adjacente à l’océan Pacifique.
« Il est assez remarquable de voir combien d’eau libre évolue dans cette zone » déclare Labe. Ce dernier explique que la pression élevée sur l’Arctique a contribué à éloigner la glace de mer du nord de la côte de l’Alaska.
Unprecedented early #seaice loss from both Chukchi & Beaufort Seas north and west of Alaska. June 8th extent from @NSIDC is 1981-2010 median for Aug 01! Five lowest extents for this date are 2015 through 2019. #akwx #Arctic @Climatologist49 @CooperIslandAK @seaice_de @ajatnuvuk pic.twitter.com/rImqEFugH0
— Rick Thoman (@AlaskaWx) June 9, 2019
La perte de glace concernant les mers de Tchouktches et de Beaufort, le long de la côte nord de l’Alaska, est « sans précédent », selon Rick Thoman, climatologue basé à Fairbanks. Labe a déclaré qu’il y avait suffisamment d’eau libre pour passer du détroit de Béring à une ouverture étroite juste au nord d’Utqiagvik, la ville la plus septentrionale de l’Alaska, dans la mer de Beaufort. « C’est très inhabituel pour les eaux libres si tôt à cet endroit » ajoute-t-il.
The Hornburg has been breached: the last band of high concentration #seaice northeast of Utqiaġvik is gone. There’s now a continuous water connection around Alaska from the Bering to Chukchi to the Beaufort Sea. #akwx #Arctic @Climatologist49 @ajatnuvuk @CooperIslandAK @seaice_de pic.twitter.com/Het08mZfcA
— Rick Thoman (@AlaskaWx) June 10, 2019
Avec la totalité de l’eau exposée, les températures de l’océan dans cette région vont augmenter, selon Labe. Cela devrait retarder le gel automnal habituel et probablement entraîner un minimum historique de glace de mer vers la fin de l’été, généralement à la mi-septembre. Si le minimum de glace de mer dans l’Arctique atteint un nouveau record, comme pour la calotte glaciaire du Groenland, cela ne dépendra que des conditions météorologiques dans les mois à venir.
« Rien n’indique que cette année sera aussi basse que 2012 », lorsque la banquise arctique a atteint son niveau le plus bas jamais enregistré, déclare Labe. « Si le temps est nuageux, cela ralentira le taux de fonte. C’est vraiment difficile à prédire ».
Des répercussions au-delà de l’Arctique
Les conditions extrêmes dans l’Arctique, qui ont abouti à ces événements de fonte record, ont des conséquences d’une portée considérable. Les chercheurs répètent souvent le dicton suivant : « Ce qui se passe dans l’Arctique ne reste pas dans l’Arctique ».
Les zones de haute pression dans l’Arctique, qui ont facilité la chaleur inhabituelle et intensifié la fonte, déplacent l’air froid normalement contenu dans cette région jusqu’aux latitudes moyennes. Une grande partie du centre et de l’est des États-Unis a connu des températures inférieures à la normale la semaine dernière.
Le jet stream, le courant à haute altitude séparant air froid et air chaud, a suivi une dynamique inhabituellement erratique. « Le jet stream de cette semaine est l’un des plus fous que j’ai jamais vus ! » indique Jennifer Francis, l’une des principales chercheuses qui a publié des études sur les changements dans l’Arctique et les conditions météorologiques dans les latitudes moyennes.
Francis avait déjà suggéré que les conditions régnant dans l’Arctique pourraient avoir joué un rôle dans la configuration extrême du jet stream ayant provoqué l’apparition de tornades et des inondations record dans le centre des États-Unis au cours des deux dernières semaines de mai.