Bien que l’hibernation soit un thème récurrent de la science-fiction, son application concrète pourrait avoir des avantages indéniables, notamment en médecine. Bien que les scientifiques reconnaissent depuis longtemps le rôle central de la température dans ce processus, y parvenir artificiellement reste un défi complexe. Néanmoins, des chercheurs américains ont trouvé un moyen d’émuler ce phénomène. En ajustant un mécanisme de régulation thermique dans le cerveau, ils ont réussi à induire un état d’hibernation chez des animaux incapables de le faire naturellement. Cette découverte pourrait ouvrir la voie à l’hypothermie thérapeutique, avec la possibilité de sauver des vies lors d’AVC ou de crises cardiaques.
En 2020, Kelly Drew, dans le cadre d’une étude sur l’hibernation, a souligné que le cœur de ce processus résidait dans la régulation de la température corporelle. En abaissant leur température centrale, les animaux entrent dans un état de « torpeur » qui leur permet de jeûner pendant de longues périodes tout en survivant au froid.
En temps normal, les mammifères produisent de la chaleur en brûlant de la « graisse brune ». Cependant, à l’approche de l’hiver, le processus s’inverse : l’exposition au froid réduit la production de chaleur, un phénomène appelé thermogenèse. Ce phénomène est observé notamment chez certaines espèces d’écureuils, qui peuvent réduire leur métabolisme basal de près de 99 %.
Dans une nouvelle étude, des chercheurs de l’Université des sciences et de la santé de l’Oregon ont exploré la possibilité de reproduire cet état de « torpeur » chez l’homme en manipulant le système de régulation thermique du cerveau. Selon eux, si ce procédé est réalisable, il pourrait accroître les chances de survie des individus en situation d’urgence.
« L’idée est de réduire la température corporelle à un niveau tel que les tissus, comme le cerveau ou le cœur, nécessitent moins d’oxygène, prolongeant ainsi leur survie face à l’ischémie », a déclaré Domenico Tupone, auteur principal de l’étude et professeur adjoint de recherche en chirurgie neurologique à la faculté de médecine de l’OHSU, dans un communiqué.
Il a ajouté que cela pourrait « améliorer les résultats fonctionnels après un AVC ou une crise cardiaque ». En effet, l’objectif ultime de ce type d’étude est de parvenir à induire un état de basse température et de faible métabolisme, appelé « hypothermie thérapeutique », pour donner aux patients de meilleures chances de survie face à l’ischémie des tissus, lors de longues interventions chirurgicales ou même lors de missions spatiales de longue durée.
La « zone périventriculaire ventromédiane hypothalamique » au centre de l’attention
Pour leurs recherches, les scientifiques ont utilisé des modèles murins, incapables d’hiberner naturellement, tout comme nous. Tupone et son équipe ont découvert que bloquer la zone périventriculaire ventromédiane (VMPeA) chez les rats pouvait modifier la régulation thermique. Ce phénomène, appelé « inversion thermorégulatrice » ou IT, modifie la régulation thermique en agissant comme un mécanisme déclencheur de la thermogenèse.
Dans les détails publiés sur Current Biology, les chercheurs expliquent notamment avoir identifié la VMPeA comme un « interrupteur » de l’état de torpeur, expliquant que son activation incite le métabolisme à réagir aux variations de température. En revanche, son inactivation déclenche l’inversion thermorégulatrice.
Selon eux, chez l’homme, une hypothermie contrôlée pourrait s’avérer précieuse lors de certaines interventions chirurgicales. « Si nous disposions d’un mécanisme nous permettant de transformer les humains en animaux hibernants, nous pourrions atteindre et contrôler beaucoup mieux l’hypothermie thérapeutique », conclut Tupone.