Un homme retrouve la vue après une rare chirurgie d’implantation de dent dans l’œil

Une procédure complexe appelée ostéo-odonto-kératoprothèse ou « chirurgie de la dent dans l’œil ».

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Un homme de 34 ans a entièrement retrouvé la vue après avoir subi une intervention complexe et rarement pratiquée appelée « chirurgie de la dent dans l’œil ». Cette technique consiste à utiliser une dent du patient, d’abord implantée dans la joue pour permettre aux tissus de s’y développer, puis transférée dans l’œil afin de servir de support à une lentille transparente remplaçant la cornée endommagée. Après des dizaines d’opérations subies depuis l’adolescence, le patient a enfin retrouvé une vision presque parfaitement nette.

Brent Chapman, un trentenaire résidant en Colombie-Britannique, au Canada, souffre d’une maladie rare appelée « syndrome de Stevens-Johnson ». Le diagnostic est tombé à l’âge de 13 ans, à la suite d’une violente réaction auto-immune provoquée par une dose courante d’ibuprofène. Bien que cette affection puisse être déclenchée par divers médicaments ou infections, certains composés, comme les anticonvulsivants, les antigoutteux ou les sulfamides antibactériens, présentent un risque plus élevé.

Des facteurs génétiques peuvent également accroître la probabilité de développer la maladie, qui peut survenir brutalement à n’importe quel âge, même après une exposition antérieure sans incident au même médicament.

Le syndrome entraîne une inflammation de la peau et des muqueuses, y compris celles des yeux. Dans le cas de Chapman, le système immunitaire a détruit les cellules souches limbiques, indispensables au bon fonctionnement de la cornée. Privée de ces cellules, celle-ci a été progressivement envahie par un tissu cicatriciel kératinisé empêchant la lumière d’atteindre la rétine. Son œil droit a ainsi perdu l’essentiel de sa capacité visuelle, recouvert par ce tissu opaque.

Plus de 50 chirurgies depuis l’adolescence

Chapman a subi plus de 50 interventions chirurgicales pour tenter de restaurer sa vision, dont dix tentatives de greffe de cornée sur son œil droit. Certaines ont permis de recouvrer partiellement la vue, sans jamais offrir une solution durable. « Dans ce cas, une greffe de cornée standard ne fonctionnerait tout simplement pas », a expliqué Vicente Diaz, professeur adjoint d’ophtalmologie et de sciences de la vision à la faculté de médecine de Yale, à CNN.

Face à l’échec répété des greffes classiques, des médecins de l’Université de Colombie-Britannique ont proposé la chirurgie de la dent dans l’œil, ou ostéo-odonto-kératoprothèse, afin de restaurer la fonction de l’œil droit. Si la technique existe depuis les années 1960, elle n’est réalisée que par un nombre très restreint de spécialistes à travers le monde. Chapman est le premier patient à en bénéficier au Canada.

Une acuité visuelle quasi normale de 20/30

La chirurgie consiste à extraire une dent du patient, généralement accompagnée d’un fragment d’os, afin d’y insérer un cylindre optique supportant une lentille. « La dent est une structure idéale pour maintenir en place un élément de focalisation », explique Greg Moloney, professeur agrégé de clinique en ophtalmologie à l’Université de Colombie-Britannique, qui a mené la première étape de l’opération. « Elle est dure, rigide, résistante à des environnements difficiles et le corps l’accepte, puisqu’elle lui appartient », précise-t-il.

Pour être éligibles à cette intervention, les patients doivent présenter une cornée irréversiblement endommagée tout en conservant une rétine et un nerf optique fonctionnels. Autrement dit, les cellules photosensibles tapissant l’œil et les structures qui les relient au cerveau doivent être intactes. Selon des études, les taux de réussite — entendus comme la survie de l’implant et la récupération fonctionnelle de la vision à long terme, et non comme l’obtention d’une vue parfaite — peuvent atteindre 94 %.

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La dent sculptée, incrustée d’un cylindre optique en plastique. © Greg Moloney via CNN

Dans le cas de Chapman, l’équipe de Moloney a retiré sa canine avec une fine couche d’os, afin de préserver la vascularisation. La dent a ensuite été sculptée en un petit bloc, percée et équipée d’un cylindre optique en plastique supportant la lentille. Elle a d’abord été implantée dans la joue du patient pour permettre aux tissus mous de se développer autour, avant d’être extraite puis placée chirurgicalement dans l’œil droit. Les chirurgiens ont creusé un logement à l’avant de l’œil pour y insérer l’implant, recouvrant la partie dentaire de tissu buccal, ce qui donne au nouvel œil une teinte légèrement rosée.

Les premiers mouvements ont été perçus presque immédiatement après l’opération. La vision s’est ensuite améliorée progressivement au cours des mois suivants. Une nouvelle intervention a toutefois été nécessaire pour corriger une légère distorsion visuelle en ajustant la position de la lentille. Cela a permis à Chapman d’atteindre une acuité visuelle de 20/30, proche de la normale.

Bien que cette procédure puisse restaurer la vue de façon spectaculaire, elle demeure réservée aux cas de cécité liés à des lésions irréversibles de la cornée. Elle reste exceptionnellement pratiquée, en raison de sa complexité et de la nécessité de plusieurs étapes chirurgicales pouvant durer au total jusqu’à 12 heures, auxquelles s’ajoute le temps de croissance des tissus lorsque la dent est incubée dans la joue. La chirurgie est aujourd’hui pratiquée dans une dizaine de pays, dont la France.

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