C’est la conclusion d’une nouvelle étude publiée cette semaine dans la revue Royal Society Open Science. La longévité humaine a déjà fait l’objet de nombreuses études. Si certaines estiment qu’il n’y a en réalité pas d’âge théorique maximum, d’autres situent cet âge limite entre 120 et 150 ans. Ces nouvelles recherches se font encore plus précises et avancent l’âge de 130 ans. Toutefois, à partir de 110 ans, les probabilités d’atteindre cet âge avancé s’amenuisent considérablement.
D’après les données de l’Institut national d’études démographiques, l’espérance de vie à la naissance en France métropolitaine est actuellement de 79,2 ans pour les hommes et 85,3 ans pour les femmes. La Japonaise Kane Tanaka, âgée de 118 ans, est actuellement la personne la plus âgée au monde. Mais c’est la Française Jeanne Calment qui détient encore à ce jour le record de longévité de toute l’humanité : elle est décédée en août 1997 à l’âge de 122 ans et 5 mois. Au total, un peu plus d’une cinquantaine de personnes âgées de 115 ans et plus ont été recensées dans le monde.
En analysant de nouvelles données sur les supercentenaires — les personnes âgées de 110 ans ou plus — et les semi-supercentenaires, âgés de 105 ans ou plus, un groupe de chercheurs a tenté à son tour d’estimer la durée de vie théorique d’un être humain. Alors que le risque de décès augmente progressivement avec l’âge, leur étude suggère que ce risque finit par atteindre un plafond, vraisemblablement à l’âge de 108 ans, à partir duquel les probabilités stagnent à 50% (de vivre une année de plus).
Une chance sur deux de vivre une année de plus
Le premier ensemble de données que l’équipe a étudié correspond à la dernière mise à jour de la base de données internationale sur la longévité, qui couvre plus de 1100 supercentenaires de 13 pays. Ces données ont été scrupuleusement vérifiées et validées par des chercheurs en démographie ; un point essentiel, car la validité des conclusions sur la mortalité dépend fortement de la qualité des données et les auteurs de l’étude soulignent que la fausse représentation de l’âge pour les personnes très âgées est malheureusement courante.
De précédentes analyses de ces données avaient conclu qu’il n’y a aucune indication d’une augmentation de la mortalité pour les âges supérieurs à 110 ans, et donc aucune indication d’une limite supérieure finie à la durée de vie humaine.
Le second ensemble de données provient de l’Institut national italien de la statistique (ISTAT), qui a récemment produit une nouvelle base de données contenant les dates de naissance validées individuellement et les temps de survie en jours de toutes les personnes en Italie qui avaient au moins 105 ans à un moment donné entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2015. Une étude réalisée en 2018 sur cette cohorte concluait que les taux de mortalité « atteignent ou s’approchent de près d’un plateau après l’âge de 105 ans ».
L’équipe dirigée par Anthony Davison, professeur de statistiques à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, a entrepris de réaliser une nouvelle analyse statistique pour identifier l’âge éventuel auquel la mortalité atteint un plateau. À partir des données italiennes, leurs résultats suggèrent qu’au-dessus de 108 ans, la probabilité estimée de survivre au moins un an de plus à un âge donné est de 0,5 avec un intervalle de confiance à 95%. De même, leurs calculs basés sur les données françaises de la base internationale montrent qu’à partir de 108 ans la probabilité de survivre au moins un an de plus est de 0,49 avec un intervalle de confiance à 95%.
Moins d’une chance sur un million de survivre jusqu’à 130 ans
« Notre analyse suggère que le risque constant modélise adéquatement les durées de vie sur 108 ans, et extrapolé indéfiniment, cela impliquerait qu’il n’y a pas de limite à la durée de vie humaine », écrivent les auteurs de l’étude. Cela dit, étant donné que le nombre de personnes atteignant cet âge est relativement faible, un risque croissant serait peut-être difficile à détecter, ajoutent-ils. Ils ont donc levé le doute en effectuant de nouvelles simulations à partir des différents ensembles de données, en tenant compte des limites biologiques communes à tous les êtres humains. Il se trouve que leurs calculs rendent invraisemblable l’existence d’un âge limite inférieur à 130 ans.
Cette étude ne montre aucune différence entre la survie après 108 ans dans l’ensemble de données ISTAT et la survie après 110 ans dans la base de données internationale, et ce, pour les femmes, comme pour les hommes. Les chercheurs précisent toutefois que cela ne veut pas dire que de tels âges seront atteints dans un avenir proche, car la probabilité de survivre jusqu’à 130 ans — elle-même conditionnée par la probabilité d’atteindre 110 ans — équivaut approximativement à celle de tirer « face » sur 20 lancers consécutifs d’une pièce de monnaie — un événement dont la probabilité est de moins d’un sur un million !
Il est donc très peu probable que tous les humains vivent jusqu’à 130 ans dans les années à venir, il se pourrait cependant que l’on observe les premiers décès à 130 ans au cours de ce siècle. « Mais en l’absence d’avancées médicales et sociales majeures, il est très peu probable que des âges bien supérieurs à cela soient jamais observés », ajoute Davison.