Les artistes sont-ils voués à être remplacés par des intelligences artificielles (IA) ? Même si ces dernières sont loin de pouvoir faire tout ce que permet la créativité d’un artiste, leurs récentes performances tendent à inquiéter la communauté. Cette fois-ci, c’est la sortie d’une IA générant des portraits stylisés qui a provoqué la colère de certains artistes.
Ces derniers temps, les intelligences artificielles spécialisées dans la génération d’images à partir des requêtes des utilisateurs ont gagné en popularité. Leur utilisation est toujours sujette à de nombreux débats. Récemment, un concours d’art avait même été remporté par une œuvre générée par l’IA Midjourney, suscitant de nombreuses contestations.
Cette fois-ci, c’est une IA nommée Lensa qui est au cœur des débats. Pour générer une image, elle utilise entre 10 et 20 images fournies par l’utilisateur. Rapidement, les photos de profils générées par Lensa ont fleuri sur le net. « Il est facile de comprendre pourquoi des applications comme Lensa ont captivé l’imagination de millions d’utilisateurs. Les portraits que Lensa produit sont dans une variété de styles flashy qui sont assez convaincants pour un œil non critique. À seulement 7,99 $ l’unité pour un lot de 50 images, beaucoup ont trouvé en Lensa le moyen idéal de créer une image de profil (originale) pour les médias sociaux à un coût négligeable », écrit à ce sujet le média Futurism.
Bien sûr, la question du moyen de subsistance des artistes est toujours un débat quand il est question d’IA. « Au lieu de payer 10 £ pour une IA non éthique qui vole des artistes et qui n’a même pas l’air bien, vous pouvez me donner 25 £ et je vous ferai un petit croquis, et vous pourrez avoir une photo de profil sans le fardeau sur votre conscience ou une entreprise qui possède des images de votre visage », critique ainsi une artiste sur Twitter.
Mais le problème majeur soulevé par les contestataires va encore au-delà. En effet, il est tout à fait possible de fournir à l’IA des œuvres originales d’artistes, bien humains, ceux-là. Ceux-ci voient alors leurs œuvres « remixées » par l’IA sans leur accord. En fait, ce que beaucoup voient (à juste titre) comme du vol est même plutôt inhérent au fonctionnement des IA de génération d’images.
Plagiat ou inspiration ? L’éternel débat appliqué à l’IA
En effet, celles-ci « apprennent » à partir de bases de données d’images à répondre aux requêtes des utilisateurs. Or, le réseau neuronal qui soutient Lensa se base sur la base de données LAION-5B, qui récupère ses données de multiples plateformes telles qu’ArtStation, DeviantArt, Getty Images, Shutterstock… Autrement dit, des œuvres d’artistes humains sont ingurgitées par les IA, assimilées, et leur style est réutilisé pour répondre aux demandes des utilisateurs. Comme il ne s’agit pas de reproductions exactes, il est plutôt difficile d’obtenir un recours légal sur cette question. D’aucuns pourraient même argumenter en disant qu’il ne s’agit là ni plus ni moins du même procédé que lorsqu’un artiste s’inspire de l’existant : « De la même manière qu’un être humain est capable d’apprendre et de s’autoformer sur certains principes artistiques élémentaires en observant l’art, en explorant l’imagerie en ligne et en apprenant sur les artistes et en essayant finalement de créer quelque chose basé sur ces compétences agrégées », explique à ce sujet un porte-parole de l’entreprise.
Pourtant, certains artistes, comme Kim Leutwyler, créatrice de Sidney, qui s’est exprimée dans le même article du Guardian, « ils appellent cela une nouvelle œuvre originale, mais certains artistes voient leur style exact reproduit exactement dans les coups de pinceau, la couleur, la composition – des techniques qui prennent des années et des années à affiner ». Une autre artiste mentionne sur Twitter, images à l’appui, le fait que des fragments de signatures sont encore visibles dans certaines œuvres. D’ailleurs, il était même possible jusqu’à une récente mise à jour de demander des œuvres « dans le style » d’un artiste en particulier.
« C’est frustrant et cela ressemble à une violation. Nous ne sommes pas indemnisés, nous ne sommes pas crédités pour ça », conclut Kim Leutwyler, dont les œuvres font partie des données utilisées par LAION-5B.