L’essor de l’astrophysique galactique au cours de la dernière décennie a permis d’élucider nombre de mécanismes physiques concernant diverses propriétés des galaxies. Cependant, si les astrophysiciens savent depuis de nombreuses années que les galaxies disposent d’un champ magnétique complexe, ils ne connaissent toujours pas avec précision le mécanisme qui en est à l’origine ni véritablement l’étendue. Récemment, une équipe de chercheurs a pu établir une cartographie du champ magnétique de la galaxie NGC 4217, montrant un champ magnétique colossal parsemé de structures magnétiques étranges. Des résultats qui devraient aider les astrophysiciens à mieux comprendre la nature et les propriétés des champs magnétiques galactiques.
L’image montre une galaxie appelée NGC 4217, située à environ 67 millions d’années-lumière de la Voie lactée, vue de côté et représentée au milieu d’une cartographie du vaste champ magnétique complexe de la galaxie, s’étendant sur quelque 22’500 années-lumière dans l’espace autour de NGC 4217. Cette cartographie devrait aider les astrophysiciens à mieux comprendre la dynamique des champs magnétiques galactiques.
« La galaxie NGC 4217 nous intéresse particulièrement. Cette image montre clairement que lorsque nous pensons à des galaxies comme la Voie lactée, nous ne devons pas oublier qu’elles ont des champs magnétiques à l’échelle de la galaxie », explique l’astrophysicienne Yelena Stein, du Centre de données astronomiques de Strasbourg, en France.
Cartographier le champ magnétique galactique grâce aux rayons cosmiques et à l’effet synchrotron
Ce n’est pas parce que les champs magnétiques sont invisibles qu’ils sont indétectables. Les astronomes disposent de plusieurs méthodes pour détecter les champs magnétiques dans les galaxies lointaines, en commençant par les rayons cosmiques, qui sont des particules subatomiques voyageant à des fractions significatives de la vitesse de la lumière lorsqu’elles traversent l’espace.
Lorsque les électrons des rayons cosmiques sont accélérés dans les fronts de choc des rémanents de supernova, ils peuvent atteindre des vitesses relativistes. Ces électrons relativistes spiralent ensuite le long des lignes de champ magnétique, générant des ondes radio appelées émission synchrotron sur une large gamme de longueurs d’onde. Un synchrotron est donc un accélérateur d’électrons.
C’est cette émission synchrotron qui peut être détectée ici sur Terre pour reconstruire un champ magnétique. Ce n’est pas seulement la force de l’émission que les astronomes utilisent, mais aussi la polarisation, ou la façon dont les ondes radio sont orientées. Cette polarisation montre comment les lignes de champs magnétiques sont orientées. C’est la technique utilisée par l’équipe pour cartographier le champ magnétique autour de NGC 4217, à l’aide de l’observatoire de radioastronomie Karl G. Jansky au Nouveau-Mexique et du réseau de radiotélescopes à basse fréquence, dont le siège est aux Pays-Bas.
Un champ magnétique colossal parsemé de « superbulles »
Leurs résultats ont montré un grand champ magnétique en forme de X. Il n’est pas très puissant, avec une intensité totale moyenne de 9 microgauss, par rapport à la force moyenne de 0.5 gauss du champ magnétique terrestre. Il est énorme, cependant, s’étendant jusqu’à 22’500 années-lumière au-dessus et au-dessous du disque galactique. Ce n’est pas inhabituel ; plusieurs galaxies à formation d’étoiles vues de côté ont un champ magnétique de forme similaire.
De plus, l’équipe a trouvé une structure en forme d’hélice et deux grandes structures nommées « superbulles ». Ces superbulles se forment dans deux types de régions : celles où de nombreuses étoiles massives terminent leur vie en supernovas, et celles où naissent les étoiles, un processus qui génère des vents stellaires intenses. Les mêmes structures aux deux endroits différents suggèrent que les processus pourraient être liés.
« Il est fascinant que nous découvrions des phénomènes inattendus dans chaque galaxie chaque fois que nous utilisons des mesures de polarisation radio. Ici, dans NGC 4217, ce sont d’énormes bulles de gaz magnétiques et un champ magnétique hélicoïdal qui spirale vers le haut dans le halo de la galaxie », déclare l’astronome Rainer Beck de l’Institut Max Planck de radioastronomie en Allemagne.
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Un champ magnétique galactique généré par effet dynamo ?
Les chercheurs ont également découvert quelque chose de curieux : de grandes boucles dans le champ magnétique le long de toute la galaxie. « Cela n’a jamais été observé auparavant. Nous soupçonnons que les structures sont causées par la formation d’étoiles, car à ces endroits, la matière est projetée vers l’extérieur », explique Stein.
Bien que le mécanisme à l’origine des champs magnétiques galactiques ne soit pas clair, l’hypothèse principale est qu’il est généré et maintenu par une dynamo. Il s’agit d’un fluide rotatif, convectif et électriquement conducteur, qui convertit l’énergie cinétique en énergie magnétique. Sur Terre, ce fluide est du fer fondu dans le noyau externe.
Dans le Soleil, ce fluide est du plasma. Dans les galaxies à disque, le fluide dynamo est également considéré comme du plasma. Il est possible, notent les chercheurs, que les explosions de supernova et la force de Coriolis se combinent avec le mouvement de cisaillement pour créer des champs magnétiques réguliers à grande échelle, tandis que l’infusion de gaz peut créer une turbulence qui entraîne une asymétrie.